Chapitre 14 : Diego Flores (Ciudad Juárez, Mexique)

796 76 18
                                    




« She kills with so much to spare, just victims are left to bleed. »

Tout est noir. Un noir intense, à peine illuminé par la lune qui se dresse juste au-dessus. Tout ce dont je suis sûre, c'est que je suis dans le corps d'un homme. Un homme qui a peur de vagabonder dans une rue sombre tout seul, mais qui y vagabonde tout de même. Un homme dont la conscience lui hurle de revenir sur ses pas mais qui s'obstine à s'enfoncer dans le noir, là où il ne voit rien, là où il est livré à ses sensations les plus trompeuses. Il est sur ses gardes - sans arrêt - comme si une menace pouvait lui tomber dessus à tout instant.

Pourtant, tout est si calme. Si reposant. On entend simplement le silence de la nuit, parfois quelques échos environnants. Difficile d'imaginer que quelque chose se risquerait de briser cette sérénité. Mais c'est sûrement que je suis trop naïve, car déjà les choses prennent une tournure angoissante, à mesure que l'homme s'enfonce dans la ruelle, à mesure que je m'y enfonce avec lui.

Il hésite, marche à contre-cœur vers l'obscurité. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Pourquoi ne fait-il pas demi-tour, tout simplement ?

Rien n'est normal. Je peux le sentir. Et pas seulement à travers lui, pas seulement parce que lui le sent. Il y a des bruits qui ne trompent pas. Des sensations légitimes. Quand le danger est proche, on le sent. C'est ainsi. C'est en nous. C'est comme un sixième sens, quelque chose d'inexplicable qui s'active, qui s'enclenche lorsque l'on est en détresse, que l'on est sur le point de tomber dans un piège. L'instinct.

Mon instinct me crie de partir pendant qu'il en est encore temps.

Mais il est déjà trop tard pour revenir en arrière.

Quelque chose s'écrase sur mon visage, et le choc est tellement brutal que je m'écroule, incapable de retrouver mon équilibre. Ma tête cogne contre le bitume, tandis qu'on attrape mes chevilles pour me tirer dans une espèce de garage, à l'abris des regards, sur la droite. Je me débats - il se débat - mais un autre homme sort de l'ombre pour m'obliger à me lever, me retenant par les bras, m'empêchant de riposter, m'empêchant même de succomber à la douleur dans mes tempes.

- Diego, mon pote !

Celui qui m'a frappée me donne une petite tape sur la joue, comme si j'étais son jouet; comme si je lui appartenais. Je vois à peine son visage mais je le vois assez pour affirmer qu'il sourit de toutes ses dents, et son sourire est tellement stressant que mon cœur loupe un battement. J'ai un très mauvais pressentiment.

Il faut que je parte d'ici.

- Les gars, je veux pas d'ennuis.

- Fallait y penser avant de me la mettre à l'envers.

Il s'approche de mon visage, lentement, avec ses yeux noirs comme l'ardoise et son sourire carnassier.

J'essaie de reculer, mais je ne peux pas. Je n'ai aucun contrôle sur Diego.

- Je t'avais pourtant dit ce qui se passerait si t'avais pas mon fric.

- Laisse moi encore un peu de temps, s'il te plait. Je te promets que je vais te rembourser.

- J'ai plus de temps pour toi, Diego.

Il rigole, d'un rire amer. Tellement amer. Sa langue siffle tandis que ses dents grincent. Un prédateur. Un monstre. Voilà l'image qui me parvient, dans le reflet des lueurs de la lune.

Son poing s'enfonce dans ma mâchoire et il enchaîne directement avec des coups dans mon bassin. J'ai l'impression de hurler à en perdre la voix mais je n'entends rien du tout. Rien ne sort. Le silence de Diego me glace le sang; il encaisse les coups, encore et encore, sans émettre le moindre son, alors que je suis en train d'agoniser, à l'intérieur. L'homme continue de me frapper, d'une brutalité presque animale. Et J'ai l'impression que le temps passe au ralenti.

Limbic Resonance (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant