Lettre du 2 janvier 1915

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Ma chère Anna,

Il s'est passé beaucoup de choses ces derniers jours, je ne sais où commencer. Tout d'abord, pour Noël, une chose merveilleuse est arrivée. Lors de la veille de Noël, nous chantions gaiement quand, lorsque nous eûmes fini, des échos nous revinrent en allemand. Curieux, quelques têtes dépassèrent de notre tranchée pour voir celle allemande. Piqué de curiosité, je le fis aussi et vis des casques à pointe regarder vers nous. Alors Jacob, l'un de mes amis, est sorti lentement de la tranchée hésitant et sans arme.

Les allemands l'ont regardé puis un des leurs est sorti à son tour. Petit à petit, tout le monde presque sorti de la tranchée pour s'avancer vers la tranchée ennemie. J''ai suivi le mouvement et bientôt j'arrivai en face d'un allemand. Je me souviens de lui, il avait une petite moustache blonde. Il devait être jeune. Il a sorti une plaque de chocolat et me l'a tendu en souriant et tu sais ce que j'ai fait, Anna? Je l'ai prise et en échange, je lui ai donné le cigare que j'avais chippé à Paul, un autre ami. Et il a rit et il m'a donné une tape sur l'épaule en me criant un " Arh ja ! Schön !" Et j'ai rit et j'ai dit : "Oui, mon vieux ! Schön !" ET on a rit. Et les autres firent pareil et tout le monde riait. Les hommes s'échangeaient des choses et se souriaient même s'ils ne se comprenaient pas. Mais au fond ils se comprenaient. J'ai parlé à plusieurs allemands dont l'un d'eux parlait un peu le français. Il m'a alors dit :

" Et vous, comment dans tranchée ?

- Oh, j'ai répondu, on est reposés dans des canapés et on boit le thé tous les jours au goûter.

-Ah ! Nous aussi !"

On rit.

"Si vous voulez des rats, on en a trop.

- ça va aller, répondis-je"

Et on continuait de rire. Le gars s'appelait Franz Leer je crois me rappeler. Et à un moment il me dit:

"C'est dommage, dire que l'on va se tuer demain."

On nous avait dit de ne tirer aucun coup de fusil pendant le jour et la nuit et le lendemain, à la première heure, l'artillerie envoya quelques obus en plein dans leur tranchée.

L'Homme est idiot, Anna, et tu me manques. Ô combien tu me manque. Je te souhaite un bon anniversaire.

Embrasse la famille pour moi.

Christian


Histoire de deux soldats ennemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant