Lettre du 30 décembre 1914

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Chère Anelie,

Je reprends enfin la plume. J'espère qu'après tout ce temps tu ne t'imagines pas ma mort. Je vais bien et j'essaye de garder le moral malgré les assauts de plus en plus fréquents et les pertes incroyablement rapides.... Je me demande combien de soldats français j'ai bien pu tuer....mes mains, mon corps, mon esprit, mon âme sont salis de ce sang indélébile à mes yeux...Je suis devenu un meurtrier... le temps où je restais sans rien faire est fini... Fini d'attendre l'anéantissement...C'est à nous d'anéantir, de tuer pour sauver notre peau et .....pour nous venger...Dès que nous voyons leurs tête nous devenons comme des bêtes sauvages assoiffées de sang. Je crois même que si mon propre père apparaissait parmi eux , je n'hésiterais pas à lui balancer une grenade en pleine figure...Je pense qu'une partie de moi est habitée par la haine....Mais une autre partie de moi me dit que je ne voulais pas tuer tous ces hommes...Mais je ne vois que leurs fusils, leurs baïonnettes, leurs grenades, leurs obus...Si on jetait tout ça on serait copains...on serait même frères...Mais ils ne veulent pas...

J'ai vraiment besoin d'un signe, d'une lueur d'espoir....Mais elle tarde beaucoup trop à venir...

J'attends... vivement...

Mille câlins

franz.


Histoire de deux soldats ennemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant