Après une heure de repos, Neïla retrouva son énergie habituelle. Nous repartîmes vers une nouvelle destination vers trois heures de l'après-midi. Quelques nuages décoraient le ciel azuréen et formaient un halo de blancheur autour du soleil éclatant de lumière. Nous marchions depuis déjà une bonne heure vers l'est de la Forêt quand je décidai de briser le silence de notre marche :
- Où allons-nous ? demandai-je, inhabituellement curieux.
Neïla se retourna et me gratifia d'un sourire malicieux.
- Surprise.
Je grommelai comme à mon habitude. Je n'aimais pas les surprises. Elle laissa échapper un petit rire, confirmant mon hypothèse qu'elle le faisait exprès. Je me renfrognai davantage, bougon. Elle cessa de rire et me dit gentiment :
- On arrive bientôt.
Sa voix coulait et était aussi douce que du miel. Chaque son était onctueux et donnait l'impression qu'elle insufflait une force enchanteresse dans chacune de ses paroles. Comme si rien qu'un mot de sa part avait le pouvoir de guérir chaque être vivant, que ce soit un nourrisson, un lion enragé ou même une orchidée.
Ce don semblait réel et devait sûrement être lié à son côté Esprit. Dans les contes anciens on décrivait souvent les Esprits féminins comme des êtres rayonnants, parfaits et dont la voix pouvait enjôler chaque être humain. C'est ce qui les rendaient aussi dangereuses qu'attirantes. Mais...Neïla n'était pas comme ça. Elle était belle, voire magnifique mais elle n'était pas parfaite. Des cernes creusaient ses yeux lorsqu'elle était fatiguée, son front se pliait sous l'inquiétude, ses forces n'étaient pas infinies et ses émotions n'étaient pas toutes joyeuses. Sa partie humaine la rendait imparfaite mais d'autant plus accessible et proche des gens normaux comme moi.
- Nous sommes arrivés, dit la concernée d'un ton enjoué.
Devant nous se trouvait un dôme de verre d'environ six mètres de hauteur et d'une vingtaine de largeur soutenu par de fines tiges dorées dont la peintures s'effritait à certains endroits. Quelques vitres étaient brisées, laissant pénétrer toutes sortes de plantes verdoyantes. En effet, le dôme était recouvert de végétations et de fleurs aux couleurs éclatantes. Neïla m'entraîna vers le bâtiment.
- Qu'est-ce que c'est que ça ?
- Je l'ai découvert lorsque je suis venue m'installer ici. Sans cette endroit je serais sûrement devenue folle ou sauvage. Il y avait apparemment un manoir dans les environs. Il était déjà totalement détruit quand je suis arrivée. Mais...
Nous entrâmes dans la demi-sphère de verre. J'hoquetai de surprise.
- ...leur bibliothèque est restée presque intacte.
Plusieurs dizaines d'immenses étagères faites de chêne d'au moins quatre mètres de hauteur, toutes remplies de livres de toutes les tailles, de toutes formes s'alignaient de façon parfaitement parallèles. Des plantes jonchaient leur sommet et s'accrochaient à leurs parois mais ni le bois ni les livres ne semblaient abîmés. Comme si on leur avait demandé de les épargner - ce qui devait sûrement être le cas. Dans cet endroit, la construction humaine et la nature concordaient et s'accordaient parfaitement, créant un ensemble aussi original que resplendissant. Après quelques minutes, je réussis enfin à articuler quelques mots :
- Wouah ! C'est...superbe !
Neïla sourit. On pouvait voir dans son regard qu'elle affectionnait particulièrement cet endroit. L'image du bureau recouvert de livres qui se trouvait dans ma chambre s'imposa dans mon esprit. Je m'était toujours demandé d'où pouvaient bien venir ces livres : j'avais la réponse.
- C'est en général ici que je passe le plus clair de mon temps.
- Mais tu dois avoir lu tous les livres.
Elle rit.
- Non, tout de même pas. Il y a des milliers d'ouvrages dans cette bibliothèque. Mais c'est vrai que j'en est lu une bonne partie. C'est ici que j'ai étudié l'art de la stratégie militaire.
- Mais...Les techniques de combat que tu as utilisé sont récentes, remarquai-je.
Dans son regard ciel, une lueur de malice pétilla. Elle fit un clin d'œil avant d'ajouter :
- Je demande parfois -voire même souvent- à certains oiseaux de vol...d'emprunter les livres que je désire.
- Emprunter à long terme c'est ça ?
Elle tira la langue tel un petit enfant qui venait de faire une bêtise. Je souris, me surprenant moi-même à pratiquer l'humour. Ce n'était pas mon genre d'habitude.
Brusquement je m'exclamai :
- Oh ! Mais c'était toi les disparitions des encyclopédies sur les techniques de combat à la Garde Nocturne. On traitait notre bibliothécaire de parano mais en fait non.
Nous éclatâmes de rire.
Mon dieu, ce que c'était bon de plaisanter. Je ressentis un petit pincement au cœur. J'appréciais les moment passés avec Neïla mais...je changeais. Cela m'angoissait quelques peu car non seulement je changeais mais en plus je devenais petit à petit le total opposé de mon "ancien moi". Ce que je faisais était-ce bien ou mal ? Une petite voix au fond de moi me soufflait que je devenais faible à présent mais d'un autre côté, c'était si...agréable. Réussirai-je à accomplir mon rêve de devenir le plus haut gradé de la Garde Nocturne si je laissais place aux sentiments ?
Brusquement mon visage s'assombrit. La Garde Nocturne, la Larme de Lune. J'avais complètement oublié !
Neïla s'arrêta de rire et me dévisagea d'un air inquiet. Je la rassurai d'un sourire distrait.
- Je...je viens seulement de me rappeler d'un truc important. Je...Est-ce que je peux faire quelques recherches ?
Elle me fixa quelques instant. La fameuse lueur d'intelligence anima son regard. Ses pupilles se dilatèrent. Elle était sûrement en train d'essayer de cerner mes objectifs. Je tentai de rester le plus impassible possible, ne voulant en rien lui révéler ma mission. Après quelques secondes, elle sembla lâcher prise et haussa les épaules :
- Comme tu veux. De toute façon j'avais aussi des choses à faire.
J'hochai la tête. Et me dirigé vers les étagères remplies de millions d'informations dont une seule m'intéressait : le lieu de conservation exact de la Larme de Lune.
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La Larme de Lune
FantasyJe suis né une nuit d'orage, une nuit sans lune. Des éclairs déchiraient le ciel dans un vacarme assourdissant. Je n'ai jamais connu mon père et ce soir là, ma mère a échangé sa vie contre la mienne...J'étais l'enfant qui annonçait la mort ("thanato...