Chapitre IV

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Je restai muet. Je ne m'abaisserais pas à côtoyer une immondice comme celle-ci.
Elle prit un air (sûrement faussement) inquiet.
- Tu vas bien ?
Je détournai la tête.
- Eh ben alors t'as perdu ta langue ? lança le renard d'un ton cinglant.
Je le foudroyai du regard.
- Il doit être trop fatigué pour parler.
- Fatigué ? Laisse moi rire ! Il peut très bien parler !
- Vulpi...
- Regarde-moi cette larve ! C'est Neïla qui te fait peur ? C'est ça ?
- Vulpi !
Le renard releva la tête, les oreilles baissées. Il perdait tout à coup son aspect humain. Elle le dévisageait d'un air sévère.
- Ça suffit ! Ce jeune garçon est notre invité. Ne lui parle pas sur ce ton, continua-t-elle sèchement.
Je soupirai intérieurement. Pathétique ! Si elle croyait m'avoir avec son numéro du : jesuisunefilledouceetgentille.
Un courbature se fit sentir dans mon dos, je changeais de position . Un vive douleur me transperça les côtes et je laissai échapper un petit gémissement.
Elle s'arrêta aussitôt de sermonner Vulpo et me dévisagea d'un air horrifié.
- Oh mais que je suis bête. Tu es blessé. Je venais ici changer tes pansements. Où sont les bandages ? Je les ai oubliés ? Oh mais quelle idiote ! Vulpo va vite me les chercher !
Elle s'agitait dans tous les sens, visiblement affolée. Le renard sauta de la chaise et sortie de la chambre en vitesse.
- Heeeuuu...dit-elle en tournant la tête de tous les côtés. De l'eau ! De l'eau ! Il te faut de l'eau !
Elle se précipita vers la porte fenêtre et revint en courant avec une sorte bol sculpté dans le bois rempli d'eau claire. De complexes motifs celtiques décoraient le matériel vert. Soudain elle trébucha et s'étala de tout son long sur le sol.
Je levais les yeux au ciel. Quelle imbécile ! Même pas capable de tenir correctement une écuelle d'eau.
Elle était trempée. Elle s'assit en tailleur et se cogna le crâne en murmurant "Idiote, idiote !".
J'aurais pas dit mieux.
Elle posa ses mains sur le sol trempée. Tout à coup le liquide se regroupa en boule d'eau, lévitant dans l'air. L'eau resta quelques secondes en suspension avant de couler docilement dans le récipient. Incroyable ! C'était elle qui avait fait ça ?! Il fallait une réserve de magie puissante pour y parvenir !
Vulpo pénétra dans la pièce juste à cet instant.
- Ai les banhage, dit-il, les pansements dans la gueule.
- Ah parfait ! répondit-elle en se relevant.
Le renard lui remit les bandages avant de partir.
- J'y vais, Ultina m'attend !
- D'accord, à toute à l'heure !
Elle se retourna vers moi et me dévisagea quelques secondes. Je maintins mon regard. Ses yeux devinrent de plus en plus vague et elle finit par regarder dans ma direction sans but particulier. Elle se ressaisit tout à coup en frappant dans ses mains.
- Bon ! C'est pas tout mais il faut changer tes bandages.
Je restai muet, une fois de plus. Elle s'approcha de mon lit et retira ma couette. Je m'apercevais avec stupéfaction que mon mollet droit, ma cheville gauche ainsi que mon torse étaient totalement enveloppés dans des bandages. Plusieurs tâches écarlates parsemait ça et là mon poitrail. Mon regard revint sur elle.
Elle semblait examiner minutieusement mes blessures. Puis, avec une délicatesse infinie, elle entreprit de retirer les pansements de ma jambe. Elle exécutait cette opération avec minutie et concentration. Mon mollet était gonflé, rouge et couvert d'égratignures. Elle trempa un linge dans le pot d'eau qu'elle avait ramené plus tôt et commença à nettoyer mes éraflures. L'eau était glacée. Ça faisait du bien ! Mes épaules se détendirent petit à petit. Un petit sourire apparut sur son visage.
Mince ! Je ne devais pas tomber dans le piège !
Reprends-toi Thenos !
Elle se leva et alla jusqu'au bureau prendre une seconde écuelle en bois remplis d'une pâte verdâtre. Elle m'en appliqua sur tout le mollet et remis soigneusement de nouveau bandages.
Elle répéta la même opération pour ma cheville.
Puis vint le tour des côtes. Ses mains hésitèrent quelques instant avant de toucher mon buste afin d'enlever les pansements usagés. Je me crispai. Elle s'arrêta, attendit que je me détende à nouveau puis continua.
Soudain, elle brisa le silence qui s'était installé :
- Comment tu t'appelles ? demanda-t-elle sans croiser mon regard.
Je la dévisageai sans répondre. Tout à coup elle releva les yeux et plongea ses yeux azurs dans les miens, ébènes. Je détournai la tête. Le silence s'installa de nouveau pendant de longue minutes.
- Tu ne veux pas me parler, finit-elle par déduire d'un ton totalement dénué d'émotion.
Elle me fixait d'un air déterminé.
- Puis-je au moins en savoir la raison ?

La Larme de LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant