19 Jours Après

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Tu te rends compte, ça fait trois semaines que je suis fou. Trois semaines que je trimbale ma douleur à chacun de mes pas tel un prisonnier avec son boulet. C'est dur. De me réveiller tout les matins et voir ton lit vide. Voir tes draps disparus et ne plus sentir ton parfum. Je sais très bien que tu m'as dit de te tromper mais je ne peux pas... J'arrive pas à imaginer ne serait-ce qu'embrasser quelqu'un d'autre que toi, poser mes mains sur un autre homme que toi me hanterai un peu plus je pense. Encore plus que les questions qui m'assaillent l'esprit, à chaque seconde de chaque minute de chaque journée passée dans le silence. Je ne me rappelle même plus du son de ma propre voix tant je ne l'ai plus utilisée, j'ai des troubles de mémoires et certains de mes souvenirs les plus heureux avec toi ont disparus. Sans que je n'arrive à remettre le grappin dessus, ton dossier mémoriel doit être en train de s'effacer petit à petit...

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Ça fait une semaine que je ne suis sorti que pour acheter de la nourriture et, quelques fois, de l'alcool. Je te rassure, je ne vais jamais au point d'avoir une horrible gueule de bois le lendemain mais j'arrive à oublier ça, et à me dire que tu dois être au travail. Et que tu vas revenir lorsque je dormirai, je ne sais pas non plus pourquoi je fais ce genre de choses... Mais ça fait aussi une semaine que tu as été enterré...

Je sais pas si le fait de ne pas être venu te voir me fait faillir à ma mission de petit-copain désespéré, mais en tout cas, j'ai une raison valable : la Peur...

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Loin de l'idée de la peur que tu as pu éprouver lorsqu'on regardait des films d'horreur et que tu sursautais à chaque passage, ou non, où un sceamer ou une musique angoissante surgissait. Ces moments où tu venais te cacher sous mon pull comme un enfant en me demandant quand est-ce que ce sera fini le moment qui fait peur. Non, moi je te parle d'une peur plus forte peut-être, que tout le monde a déjà éprouvé au moins une fois dans sa vie, la Peur de l'Inconnu.

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Mais j'ai décidé de venir te voir. Parce que tu devais te sentir seul à ne voir que les gens venir pour pleurer et ensuite repartir, en déposant peut-être des fleurs sur ta tombe. Ou peut-être que tu m'attendais, tu attendais peut-être de me voir débarquer et te parler, parce que ma voix devait sûrement te manquer autant que la tienne me manque...

Enfin bref, je suis sorti. Le vent automnal m'a immédiatement frappé au visage, mais au lieu de me faire penser à autre chose il n'a fait que m'envoyer mes souvenirs de toi. Parce que tu adorais t'asseoir sur le rebord du toit, en tailleur, fermer les yeux et sentir le vent te glisser sur le visage, alors j'ai séché mes larmes et j'ai doucement marché dans la rue. Le bruit autour de moi ne m'atteignant pas. Tête baissée, je suivais mon instinct, dans l'espoir divin que personne ne se retourne sur moi et me demande une photo. Parce que ça arrivait souvent avant. Est-ce que les gens savent que tu ne reviendras plus ? Est-ce qu'ils sont au courant que plus jamais tu n'apparaîtras nulle part ? J'en sais rien, et honnêtement, je m'en fous.

Je suis finalement arrivé au cimetière, je suis passé chez un fleuriste avant, un bouquet de fleurs blanches à la main j'ai marché jusqu'à ta tombe. Suivant le sentier de pierre aussi triste que le décor qui m'entourait. Puis finalement, je suis arrivé devant toi. J'ai doucement déposé mon bouquet au centre de ta pierre tombale et je l'ai époussetée de ses feuilles puis j'ai lu ton nom. C'est fou comme juste voir écrit "Bertrand Chameroy ~ 1989-2016" peut vous foutre le cafard un peu plus qu'avant. Je me suis assis, sur l'herbe légèrement mouillée par la rosée du matin je pense, et je n'ai rien pu dire. Je suis resté à regarder ta pierre, mué dans un silence qui pourtant n'a jamais existé entre nous.

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Mis part les fois où on plongeait notre regard dans celui de l'autre, nos visages tellement près que le souffle de l'autre s'abattait sur nos lèvres. Tu te rappelles de ce jeu ? C'était au premier qui craquait et embrassait l'autre qui devait faire la vaisselle et à manger, c'est le jeu ou j'ai le plus perdu de ma vie je pense...

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Les corbeaux croissaient et le vent caressait les bougeons d'herbes qui avaient poussé sur toi. Une petite fleur bleue aussi avait poussé, entre toutes les autres. Je crois que j'attendais quelque chose. Je crois que j'attendais que tu dises quelque chose en premier. Mais rien, seul le silence répondait à mes peines profondes.

J'ai pleuré de ce silence...

Et ensuite, je l'ai brisé, en disant mes premiers mots depuis tellement longtemps, si bien que ma voix était rauque et pouvait ressembler à celle d'un sourd, ces mots que je ne disais qu'à toi :

«Je t'aime... À ton avis... Est-ce qu'il y a une raison pour que je m'obstine à ce point ?»

Tu ne m'as pas répondu.

07/10

After You [Infinie]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant