Prologue

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Le bruit réveilla Sadie de son profond sommeil. La jeune fille grommela et enfouit sa tête dans son oreiller pour ignorer la source de l'interruption de son sommeil ,mais le mal était fait: elle était réveillée. Elle connaissait d'où provenait ce bruit assourdissant qui remplissait la maison. Elle ne le connaissait que trop bien. Elle avait eu le malheur de croire qu'il avait pris fin depuis près d'une semaine,mais ce matin,elle réalisait qu'elle s'était trompée. De frustration,elle serra ses poings jusqu'à se faire mal. Sans le vouloir,elle prêta une oreille attentive à ce qui émanait de la dispute qui avait lieu dans le rez de chaussée.
-­Tu ne peux pas partir comme ça,disait sa mère d'une voix plaintive. Pas après ce qu'on a vécu cette nuit.
Avant même que l'interlocuteur de sa mère réponde,Sadie devina la réponse et elle se dit: Oh que oui,il le peut! Parce que ce n'est pas la première fois qu'il le fait...
La voix grave de son père s'éleva à ce moment précis et appuya les dires de l'adolescente:
-­Tu savais que je n'allais pas rester,tu le savais en acceptant que je vienne ici,Myriam! Pourquoi dois -­tu toujours compliquer les choses,hein? Pourquoi? cria t-­il
Pour une fois,Sadie reconnut que son père avait raison. En effet,elle se l'était toujours demandée,pourquoi sa mère refusait de voir la réalité? Pourquoi refusait­-elle de comprendre
que son père ne l'aimait plus? Il pouvait la désirer,(ce qui expliquait sa présence dans cette maison) mais il ne l'aimait plus. Sadie l'avait compris ,il y a plus de 4ans de cela alors qu'elle
était âgée d'à peine 12ans. Elle avait compris que son père ne voyait en sa mère que la satisfaction de ses désirs d'homme. En lui,il n'y avait plus d'affection,plus de tendresse,plus
de douceur. C'était le passé. Et ça,Myriam Élise Thomas ne pouvait pas ou ne voulait pas comprendre. Ce qui occasionnait ce genre de dispute à chaque fois qu'elle croyait que son mari avait recommencé à l'aimer. Et par la même occasion, Sadie n'arrivait jamais à dormir autant qu'elle aurait souhaité. Elle jugea inutile de rester plus longtemps dans son lit alors
que le sommeil l'avait fuie ,il ya déjà quelques minutes. Elle dégagea les couvertures qui pesaient sur elle et s'assit au bord de son lit.
-­Jo,je t'en supplie,reprit la voix de sa mère qui pleurait certainement.
Un silence se fit. Sadie tendit l'oreille et put identifier le bruit du trousseau de clé de son père. Il partait. Son coeur se serra alors que ce n'était pas la première fois qu'elle vivait le
départ de son père. Elle devait apprendre à s'empêcher de ressentir ce sentiment de vide dans son coeur pour éviter une éventuelle peine. La porte d'entrée claqua,ce qui la fit
sursauter. Sans même s'en rendre compte,la jeune fille alla à la fenêtre et ouvrit les rideaux.
Elle vit à temps son père atteindre la portière de sa jeep et hésiter avant de l'ouvrir.
Doucement,il leva les yeux vers elle,comme s'il sentait le regard de ses yeux couleur de miel sur lui. Il la regarda avec ses yeux d'un bleu ciel. Son visage, encore lisse même à 45ans,était dénué de toute expression. Sadie sentit son coeur se serrer à nouveau. Elle regarda le beau visage de son père, ses cheveux bouclés noirs en bataille et l'enregistra dans sa memoire. Comme si elle tentait de faire comprendre à son cerveau que ça se pouvait que ce soit la dernière fois qu'il voit ce père,jadis,tant aimé. Joseph François Marshall baissa les yeux sur ses souliers puis d'un mouvement brusque,ouvrit la portière de son auto et grimpa à l'intérieur. Comme figée devant sa fenêtre,la jeune fille le regarda s'éloigner de la maison, s'éloigner d'elle et de sa mère pour la énième fois. Au plus profond de son coeur ,elle se promit une chose:Aucun homme ne la ferait souffrir autant.
Se rappelant soudain qu'aujourd'hui était un jour de classe,la jeune fille décida de se préparer.
Quelques minutes plus tard,les cheveux bouclés tirés en un chignon serré, vêtu de son uniforme,et le sac à dos sur une épaule,Sadie pénétrait dans la cuisine. Elle chercha sa
mère des yeux mais ne la trouva pas. Se préparant à faire demi­ tour,elle entendit à ce moment-­là,un petit reniflement derrière le comptoir près de l'évier. Lâchant son sac dans un
coin ,Sadie se dirigea vers sa mère,les deux mains devant les yeux, qui pleurait à chaudes larmes.
-­Seigneur,maman...,murmura t-­elle en la rejoignant sur le sol. Ça ne peut pas continuer encore des années.
Levant les yeux plein de larmes vers sa fille,Myriam répondit:
-­Ma chérie,tu ne peux pas comprendre...
-­Bien sûr que je comprends! C'est toi qui n'as toujours rien capté!Il ne veut pas de toi! Ou du moins,plus depuis quelques années.
-­Tu es trop jeune,Sadie. Beaucoup trop jeune pour voir...
-­Voir quoi? Qu'il est entrain de te tuer petit à petit? Qu'il t'utilise et toi ,tu te laisses faire?Détrompe­-toi,maman,je vois tout. C'est toi qui es aveugle.
-­Je l'aime,Sadie. Ton père est le seul homme que j'aie jamais aimé et que peut­-être,j'aimerai toujours.
Perdant patience,la jeune fille se leva et lança à sa mère sur un ton qu'elle s'efforçait de rendre calme:
-­Alors cesse de l'aimer. C'est ce qu'il a fait,maman. Il a cessé de t'aimer.
Sa mère esquissa un sourire triste à travers ses larmes.
-­Ça ne fonctionne pas ainsi,ma chérie. Un jour,tu t'en rendras compte.
Sadie espérait que non. Jamais elle ne voulait vivre ce que sa mère vivait depuis près de 4ans! Et pour cela,elle se faisait la promesse de prendre toutes les précautions possibles.
Elle prouverait qu'un coeur, ça se commandait. Elle prit son sac d'école qu'elle avait lancé de côté et se dirigea vers la sortie,d'un air décidé. Elle ferait tout ce qui était dans son pouvoir pour ne pas être l'objet d'un homme tout comme sa mère était celui de son père.
-­Tu n'as pas déjeuné,remarqua alors sa mère
-­Je n'ai pas vraiment faim,ce matin,repliqua t-­elle avant de quitter la maison le plus vite qu'elle pouvait.
Une fois dehors,la douce chaleur du soleil balaya son visage. Pendant une fraction de seconde,elle ferma les yeux pour vivre ce petit moment de sérénité. Ensuite,elle les ouvrit et son regard tomba alors sur une scène qu'elle aurait volontiers aimé ne pas voir. Une scène où une mère serrait son fils (adolescent pourtant) contre son coeur. Sadie ne put
s'empêcher de détourner son regard tellement l'amour et la tendresse qui dégageaient de cette scène étaient saisissants. D'autant plus qu'elle connaissait les gens en question. Il
s'agissait de la famille voisine à la sienne depuis toujours. Et le garçon que cette mère serrait contre elle était James Bryan Olivier. Il avait le même âge qu'elle. Il vivait ici depuis
leur naissance et pas une fois,ils ne s'étaient parlés. Elle n'avait rien fait pour l'encourager non plus. Et lui,il ne s'était jamais intéressé à elle. Et Sadie trouvait que c'était tant mieux.Parce que la gent masculine était à éviter ,selon elle. Elle descendit le perron de devant chez elle et longea l'allée de sa maison. Tout en gardant les yeux loin des Olivier. L'école
était à quelques minutes de marche de sa maison heureusement parce que déjà ,même à 7heures du matin,le soleil se réchauffait. C'était ainsi dans un pays tropical comme Haïti.
Tout en marchant vers son école,la jeune fille pensa à ses parents. Si on lui avait dit que la beauté était la base d'un mariage durable, Sadie aurait démenti ces dires. Car,ses parents étaient tous les deux d'une beauté à couper le souffle. Son père,americain d'origine avait la peau blanche, les yeux bleus, et de beaux cheveux noirs bouclés. Sa mère était une
haïtienne d'origine mais pas n'importe laquelle. Elle faisait partie de ces haïtiennes avec les cheveux longs bouclés et ondulés de couleur marron. De celles que la rencontre était inoubliable.Sa peau était un mélange de café au lait,ses yeux couleur miel comme ceux de Sadie étaient incroyablement magnifiques.
Myriam était d'une beauté à couper le souffle. Une vraie mulâtre,comme on disait en Haïti avec un corps de déesse.
Mais ça n'avait pas suffi à garder intact leur mariage après 11ans de vie commune. Ils vivaient le grand amour jusqu'à ce qu'un jour,Joseph passa la nuit dehors,Sadie ne sut
jamais ce qui l'avait retenu ce soir là mais elle fut certaine d'une chose: Ce fut à partir de ce soir là que tout commença à aller mal entre ses parents. Elle avait cru deviner que sa mère
depuis tout ce temps cherchait à se faire pardonner une erreur qu'elle avait commise,mais elle ne savait pas laquelle. Ce qu'elle savait ,c'était que son père venait de temps en temps
chez eux mais qu'il y passait juste la nuit. Le matin,aux premières lueurs du soleil,il partait. Il
devait toutefois s'assurer qu'elles ne manquaient de rien car,pas une fois en 4ans, Sadie avait entendu sa mère se plaindre de quelque chose en ce qui concerne l'argent. Mais Sadie
avait cessé d'avoir un père. Un père qui la fasse rire,jouant avec elle... Bref,un homme qui lui démontre de l'affection à un âge où celle-­ci était indispensable.
Soupirant,la jeune fille atteignit le portail de son école. Elle oublia aussitôt ses déboires familiaux devant la foule bruyante d'élèves. Elle se dirigea vers l'entrée du collège et longea le couloir menant aux salles de classe. Elle aimait déjà être installée quand le groupe d'étudiants inonderaient la salle de cours. Ainsi, elle choisissait son siège. Tout en se rapprochant de la salle,Sadie entendit une conversation. Faut dire que les personnes en question ne faisaient rien pour rester discrets. La voix d'un jeune homme s'éleva dans le couloir désert pour dire:
-Ce n'est pas possible.
-Si,ça l'est, James. Je suis vraiment enceinte,il y'a pas de doute,déclara une voix féminine
Enceinte? A ce mot,Sadie tiqua et elle sentit un long frisson de peur la parcourir. Elle savait que ce mot voulait dire et surtout en Haïti,un pays où la misère régnait, où les préjudices faisaient partie du quotidien. Mais ce qui la troublait le plus,c'était de savoir que son voisin était pour quelque chose.
Elle savait qu'elle aurait dû partir,s'éloigner pour ne pas entendre le reste de la conversation mais elle resta plantée là, prêtant l'oreille.
-Je ne peux rien faire pour toi,Mélissa. Ce n'était pas prévu,ça...
-Je sais bien que ce n'était pas prévu mais c'est la vérité. Et tu le sais aussi bien que moi que si mes parents l'apprennent ,je suis finie. Tu es ma seule chance.
-Je suis jeune,je ne peux pas avoir cette responsabilité.
-Tu ne peux pas ou tu ne veux pas?
En effet,la question se pose, se dit Sadie
Un silence s'écoula,puis James avoua:
-Je ne veux pas et je ne peux pas.
Contre toute attente, Sadie avait cru que James ne ferait pas partie de ceux qui laissaient tomber les gens...comme son père. Elle s'était trompée. Sortant de derrière un mur,James passa près d'elle ,les poings serrés, le visage fermé. Il lui lança un bref regard auquel Sadie répondit avec le plus noir regard qu'elle avait en réserve. Il n'était pas mieux. Il était comme les autres en dépit de son jeune âge et de sa beauté. Car James Bryan Olivier était le garçon le plus beau du collège avec sa peau blanche, ses yeux d'un vert pale, et ses cheveux d'ébène. La jeune fille pénétra dans la salle de cours,décidée à donner dès aujourd'hui tout son potentiel pour devenir meilleure. Meilleure que sa mère,meilleure pour pouvoir être capable d'affronter la vie dans ce monde rempli d'hommes comme son père...ou comme James.

Une robe blanche pour SadieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant