Chapitre 8

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21h30. Elle attendait depuis une demi-heure maintenant. Assise, seule, face à l'étendue noirâtre que formait le lac. Il ne viendrait pas. Il n'avait peut-être pas eu son mot. Ou alors s'était simplement trop tard. Il brumait. Le brouillard avancé à chaque grain de sable s'écoulant dans le grand sablier de la vie. Il envahissait l'étendue d'eau. Seule une lune entourée par son halo de nuage venait éclairer cette scène tragique. Il faisait chaud en ce début de septembre. Les effluves de l'été qui se clôturait se faisant encore sentir. Mais Samantha Carter était gelait. Seule sur son banc, le doux poison du malheur s'insinuant dans ses veines. Les odeurs de fleurs n'atteignaient pas ses narines. Elle y voyait trouble. Ou bien ses yeux se remplissaient-ils de larmes ? Elle ne pouvait le dire. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'il n'était pas là. Et, qu'elle était là, assise seule sur ce banc, face à un lac sans une ride, aussi noir que la nuit ou son âme, attendant juste que la brume vienne l'engloutir avec le reste du monde.

Jack O'Neill pestait intérieurement. Pourquoi Daniel lui était-il donc tombé dessus ainsi ? Il n'en avait cure de ces cailloux, et maintenant il était en retard. Oh, il était toujours en retard, mais là c'était différent, il ne voulait et ne pouvait arriver en retard. Elle lui donnait une dernière chance, sa dernière chance. 21h30. Le parc était en vue. Il se gare et saute de son pick-up, courant à en perdre l'haleine parmi les grands arbres. Le banc, leur banc. La pluie s'écrasait contre son visage, mais qu'importe, il débouchait dans leur petite clairière. Respire. Avance. Encore quelques mètres et si les Dieux sont avec toi (même les têtes de serpents), elle sera là. Son cœur s'arrêta un instant face à la beauté étrange qui émanait de cette scène. Le brouillard blanc glissait sur le lac sans fond, la lune dans son halo nuageux éclairait la femme. Elle était là, la tête levée vers le ciel, offrant son beau visage aux gouttes tombant par milliers. Ses yeux étaient clos, son chemisier et sa veste trempés. Une demi-heure qu'elle l'attendait. Il ne reculerait pas. Il devait lui dire, même si cela ne servait à rien, il devait le faire.

Un frisson parcourut son échine, son cœur s'emballa. C'était lui. Il n'y avait que lui pour faire naître de pareilles sensations en elle. Elle ne bougea pas, attendant de voir s'il aurait le courage et la foi de venir à sa rencontre. Les feuilles craquèrent sous ses pas, elle respirait de nouveau. Il vint s'asseoir près d'elle. Juste assez pour que leurs épaules se touchent. Elle savourait ce contact. S'accordant quelques secondes de répit avant de se confronter à son destin.

Il était venu la rejoindre, voyant qu'elle n'amorçait aucun geste. Elle savait qu'il était là, il en était certain. Alors, il s'avança doucement et s'assit à ses côtés. Leurs épaules se touchaient maintenant, mais elle ne fit aucun mouvement pour s'écarter. Un point Jack. Il ne sourit pas. Le plus dur restait à faire.

-Merci d'être venu mon colonel.

Sa voix était douce comme la caresse du vent sur sa peau. Mais elle paraissait triste.

-Carter, ce soir c'est Jack. Pas de monsieur ou de colonel, ok ?

Il avait tourné la tête vers elle, scrutant son visage. Ses magnifiques yeux bleus scrutaient le lac, comme s'ils essayaient de se perdre dans ses profondeurs obscures. Elle hocha la tête en signe d'accord.

-Pourquoi Carter ?

La question était simple. La voix de Jack s'était faite douce. Il ne voulait pas la brusquer comme la dernière fois. Elle soupira. Elle ne pouvait toujours pas le regardait. Et elle pourrait encore moins le faire après cette discussion. Voire toute la souffrance qu'elle allait lui causer dans ses deux prunelles chocolat lui serait insupportable.

-Je sais que Georges vous a fait lire la lettre. Et je sais aussi que vous ne croyez pas aux raisons que j'ai données. Parce que ce vous m'avez formé, et que vous me connaissez mieux que quiconque mais également parce que vous savez que ce n'est pas la vérité. Mais si une chose était vraie dans tous ces mensonges, c'est que j'aspire à une vie normale. Croyez-moi, j'adore passer la porte, étudier ces nouvelles technologies, j'aime l'adrénaline apportée par les combats, les courses folles dans les bois. Mais je ne peux plus me trouver emprisonnée dans cette base. Je ne peux plus traverser tous ces couloirs, sans voir un fantôme ressurgir. Souvent le vôtre. Parce que, vous faites partie des souvenirs Jack, mais aussi de mon présent, et sûrement de mon avenir. Parce que, depuis ce premier briefing, vous ne quittez plus mes pensées. Je dois être folle. Mais la plupart des gens bien le sont. J'entends constamment l'écho de vos rires. Quand je ferme les yeux, c'est l'image de votre visage qui vient s'imprimer sur mes rétines. Quand j'essaye de dormir, c'est votre voix qui vient inonder mon esprit, répétant sans cesse que vous tenez à moi bien plus que vous n'êtes censé le faire ou que vous vous amusiez. Et cela me tue de l'intérieur. Comme un poison se diffusant lentement dans mon sang, provoquant une lente et pourtant si douce agonie. Et depuis cette nuit, je m'efforce de vous haïr Jack. Je voudrais réussir à vous faire mal autant que vous m'avez fait mal, mais je n'y arrive pas. Et vous savez le pire ? Vous haïr est bien plus compliqué que vous aimer. Alors, j'ai besoin de partir, de respirer, de vivre. Et pour ça, je dois m'éloigner de vous, car quoi que je fasse, je reviens toujours vers vous. Parce que mon monde tourne autour de vous, que je ne peux imaginer le monde sans vous. Car, que Dieu m'en pardonne, je vous aime Jack, et je ne peux pas vivre sans vous.

Une histoire sans fin ou presqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant