La salle était plongée dans le noir. Il y faisait glacial, pourtant, tous les pensionnaires suaient. On entendait les cris, les gémissements de ceux qui, peu à peu, quittaient le paradis pour l'enfer.
Seth ne bougeait presque plus. Paralysé, il gardait les yeux fixes dans les ténèbres. La douleur lui vrillait le bras, constante et implacable. Dans la solitude, si proche de la mort, elle devenait presqu'une alliée.
Le jeune homme avait des flashbacks, des souvenirs de son pays natal, de son arrivée aux USA, de ses débuts sur scène. Sa montée fulgurante dans le monde la musique, puis sa descente aux enfers.
Ça avait commencé deux ans plus tôt, il était alors accro à l'héroïne. Sauf que l'héroïne, on n'en trouvait plus. Il s'était donc tourné vers sa cousine artisanale, la désomorphine, alias la drogue crocodile. Cinq fois moins chère pour les mêmes effets, et dix fois plus destructrice.
Quand les premiers abcès étaient apparus, il ne s'était pas inquiété. Il le savait, pourtant, que cette merde commençait à le ronger peu à peu. Mais il faisait partie de ces idiots qui croient que sous prétexte qu'ils en ont déjà bavé, ils tiendront le coup là où tant d'autres se sont plantés. Il n'apprenait pas vite.
Petit à petit, les cloches étaient apparues, la peau avait commencé à peler, puis à tomber. Le poison faisait fondre la chair, puis perçait des trous dans l'os désormais laissé à vif. Les souffrances liées à l'infection étaient devenues insupportables, il avait augmenté la dose alors que la gangrène s'étendait le long de son bras. Finalement, la peau noire et putréfiée avait envahi sa main et ses doigts, l'empêchant ainsi de jouer. Pour un guitariste, c'était un coup dur.
Piqûre après piqûre, descente après descente, il s'était retiré de toute vie publique, et s'était cloîtré dans sa maison. Il avait fait plusieurs bad trip, et durant l'un d'eux il avait appelé son agente, sa gentille agente qui, inquiète, était venue le voir chez lui.
Elle avait vu son bras, puis la pourriture sur le reste de son corps. Jamais il n'oublierait le regard qu'elle avait eu. Empreint de tristesse, de pitié et de dégoût. Il le savait alors, il n'était plus qu'un mort qui marche.
Il était seul au monde, et elle le savait. Il n'avait qu'elle et le groupe. Pas de famille, pas d'amis proches. En cela il était très semblable à bien d'autres stars hollywoodiennes.
En désespoir de cause, elle l'avait envoyé ici. Elle espérait certainement un miracle, retrouver après cette cure le Seth Banner qu'elle avait connu. Mais il n'en avait jamais été aussi éloigné.La porte s'ouvrit sur le dortoir, les médecins entraient. Seth ne s'en rendit compte que lorsqu'une infirmière lui toucha l'épaule.
- Seth, vous passez en bloc opératoire. Pas de panique, ça va aller.
Le jeune homme sentit son sang se glacer, il tourna vers elle un regard fou.
- Non, non, murmura-t-il.
- C'est un moment difficile à passer. Mais vous allez vous en sortir.
- Arrêtez vos conneries, gémit-il. Allez vous faire foutre... Ne me touchez pas !
Il tremblait comme un épileptique. Un infirmier le souleva pour le poser sur le brancard, il se débattit avec toutes les maigres forces que le manque lui laissait.
Le convoi traversa les couloirs du centre, jusqu'à la section médicale. L'infirmière avait pressé un masque anesthésiant sur le visage du drogué, qui s'était aussitôt calmé. Il murmura cependant à son adresse, juste avant de sombrer :- Pitié, finissez-en. Personne ne le saura jamais.
Elle posa simplement une main sur son front.
- Bonne nuit, Seth.
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Crocodile
De Todo" - Héro ou croco ? - Quoi ? - Héroïne ou crocodile ? - Croco. - Ça craint. Tu vivais à L.A avant, je me trompe ? C'est comment, Hollywood ? - C'est le genre d'endroit où tu peux goûter de tout. - Le Nirvana. - Hm. Sauf qu'apr...