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            Sydney. Onze heures.

Installée à son bureau, Laïla réfléchit à ce qui lui a été dit quelques minutes auparavant par Mme Hard et son frère.

Quand elle était retournée à son bureau rejoindre ses clients, un silence régnait dans la pièce. Mal à l'aise, elle s'était installée face à eux et hésitait à les questionner.

Ce fut Dick Muscia qui rompit le silence :

- Allez-y Maître, vous pouvez m'interrogez sur les circonstances de la mort de ma femme. Je suis prêt à y répondre.

Laïla sortit un calepin et un stylo et commença à poser des questions.

- Mr Muscia, dans votre dossier, il est écrit que vous étiez en train de boire à côté du cadavre de votre femme lorsque la police est arrivée. Pouvez-vous m'expliquer ce geste ?

Les mains croisées, Dick prit quelques minutes avant de répondre :

- Je n'étais pas avec un verre d'alcool. C'était de l'ice-tea. Quand je rentrais du travail, je me servais souvent un verre d'ice-tea bien frais. C'était une habitude que je prenais pendant l'été. Quand je suis rentré ce soir-là, il y avait un grand silence dans l'appartement. Les enfants étaient chez leurs grands-parents. Normal, c'était les vacances ! Quand je suis rentré donc, l'appartement était silencieux. Je m'étais dit que ma femme devait sûrement être partie faire des courses. Pour moi, il n'y avait rien d'inhabituel. Comme tous les jours, je me suis servi un verre d'ice-tea et je me dirigeais vers mon bureau afin d'y poser mon attaché-case et de continuer mon travail. Malheureusement, mon chemin s'arrêta devant notre chambre. La porte était entrebâillée, alors que d'habitude, elle est toujours fermée. J'ai alors pensé que ma femme avait sûrement voulu s'allonger pour se reposer un peu mais il était cinq heures du soir et ce n'était pas son habitude de faire une longue sieste.

La voix chevrotante et des larmes plein les yeux, Dick Muscia continua :

- J'ai poussé la porte et je suis entré. Ma femme était couchée sur le côté, elle me tournait le dos. Il n'y avait rien d'anormal. Sauf que quand je me suis dirigé vers elle et que j'ai posé ma main sur son épaule, elle n'a pas réagi. Ma femme avait le sommeil léger donc rien que le fait de lui toucher l'épaule aurait suffit à la réveiller. Mais là, aucune réaction. Alors je fis le tour du lit afin de me mettre face à elle et là... Et là...

Emporté par l'émotion, Dick se mit à pleurer.

- Je suis désolé, dit-il. C'est encore tellement difficile pour moi. Je ne pourrai jamais oublier ! Jamais !

- Bien sûr, je comprends tout à fait, répondit Laïla d'une voix douce. Si vous le souhaitez, on peut s'arrêter là et reprendre plus tard. Pour moi, il n'y a pas de souci.

- Non, je veux continuer ! J'ai été accusé à tort et pour une fois que quelqu'un veut bien me croire, je ne vais pas abandonner. Surtout pas maintenant, alors que je risque fort d'être accusé du meurtre de mon neveu ! C'est dur, c'est vrai, mais je continue de raconter ce qui s'est passé ce soir-là !

- Très bien ! Je trouve que c'est très courageux de votre part ! Alors, continuons ! Vous êtes entré dans la chambre, vous avez trouvé votre femme en train de dormir, vous l'avez touchée, elle n'a pas réagi. Vous avez alors décidé de vous mettre face à elle, et là vous avez vu... ?

- J'ai vu du sang sur les draps, plein de sang... J'ai vu ma femme allongée, avec un trou dans le ventre. C'était un peu comme si un chirurgien lui avait ouvert le ventre et avait oublié de lui refermer. Une partie des intestins étaient dehors, posés devant elle comme si c'était un nouveau-né. C'était horrible ! HORRIBLE ! Alors... Alors, j-j-j'ai appelé les pompiers ou la p-p-police... Je sais plus... Et a-a-après, je m-m-me suis assis, p-p-près d'elle, m-m-mon verre toujours d-d-dans la main et j-j-je suis resté là, sans b-b-bouger, en attendant les s-s-secours...

- Mais comment se fait-il alors que dans votre dossier, la police a décrété que votre verre contenait de l'alcool ? Et qu'il n'y ait aucune précision sur la mort de votre femme ? C'est écrit, je cite : « la victime à été retrouvée allongée sur un lit – ça vous l'avez dit- avec quelques marques au niveau du ventre, du dos, sur les bras et les jambes. Ces marques laissent penser que la victime aurait pu être violemment battue. Et ce qui semblait bizarre, c'est que le mari de la victime était assis à côté d'elle avec un verre d'alcool ». Comment pouvez-vous expliquer cela ? J'ai ici deux sons de cloches ! Alors était-ce de l'alcool ou de l'ice-tea comme vous dites ?

- Je vous assure que c'était de l'ice-tea ! Je ne buvais pas d'alcool ! J'ai commencé à boire peu de temps après la mort de ma femme, au moment où l'on m'accusait d'être un ivrogne !

- Mais alors pourquoi est-ce que c'est écrit que c'était de l'alcool ? Les tests ont été réalisés, le liquide a été examiné et c'est clairement écrit que votre verre était rempli de whisky !

- Ce n'était pas mon verre ! Les examens ont été faits mais ils ne m'ont pas fait passés des tests ! Ils ont juste prélevé le liquide qu'il y avait dans le verre ! Et forcément, si c'était de l'alcool alors j'étais un alcoolique violent, qui ne supportait pas l'alcool et qui battait sa femme !

- Bien... Merci beaucoup Mr Muscia... Je... Je pense que maintenant, vous allez devoir rentrer chez vous. Vous êtes encore en état de choc... Et je... Et je suis vraiment bête d'avoir insisté... Bien sûr, je savais que ça allait être dur... Mais je vous jure, je vais essayer de comprendre pourquoi il y a eu une erreur de jugement... Et je vais essayer d'arranger ça... Est-ce qu'avant de partir, vous pourriez me dire qui était votre avocat, s'il vous plaît ?

- Oui, c'était Me Cold ! C'est lui qui m'a fait passer pour un alcoolique ! Il disait que c'était pour m'aider ! Mais il ne m'a pas aidé, il m'a juste enfoncé encore plus dans les ténèbres !

- Cold ? Mais comment c'est possible ?

- Pourquoi ? Vous pensez que votre collègue est un avocat hors-pair ? Qu'il défend becs et ongles tous ses clients ? Détrompez-vous ! En fait, ce type se met toujours du côté du procureur et vous fait passer pour ce que vous n'êtes pas ! Il m'a dit de me faire passer pour un alcoolique afin que mes charges soient moins lourdes et comme un abruti, je l'ai cru ! J'ai écopé pour cinq ans de prison ferme ! Ce n'est peut-être pas grand-chose, c'est vrai, mais pour quelqu'un qui n'a rien fait, la sentence est dure ! Très dure ! D'ailleurs, je n'ai plus eu de nouvelles de mon avocat ! Il est là ? J'aimerais bien le voir afin de comprendre pourquoi il ne m'a pas aidé ? Où est son bureau ?

- Calmez-vous Mr Muscia ! Ce n'est pas comme ça que vous allez résoudre votre problème ! De plus, Me Cold n'est pas là. Il est parti vendredi et depuis, on n'a plus aucune nouvelle de lui !

- Je ne suis pas étonné ! Je suis sûr que c'est lui qui à fait porter les soupçons sur moi pour la mort de Willy ! Je suis sûr qu'il est derrière tout ça !

Au delà de tout soupçonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant