Vivant (Français)

SEIZE

En grandissant, mon père m'avait toujours beaucoup soutenu. Il venait voir toutes mes pièces et répétitions et Maman disait qu'il était mon plus grand fan. Il me disait qu'il fallait avoir beaucoup de courage pour se tenir devant un public et qu'il aurait aimé être aussi courageux que moi. Il disait toujours qu'il fallait être un vrai homme pour mettre du maquillage et des costumes pour jouer devant des gens.

Et puis avec le temps, les gens ont commencé à se moquer de moi pour faire du théâtre. Une fois, après un spectacle, un groupe de mecs m'ont coincé derrière le théâtre et m'ont frappé jusqu'à ce que je crache du sang. Après ça, j'ai dit à mon père que je voulais arrêter le théâtre, mais il m'a répondu que c'était la chose la plus stupide qu'il n'ait jamais entendu. Il m'a dit que je devais suivre mon cœur et ne jamais laisser les autres m'en empêcher. Je me souviens d'avoir beaucoup pleuré et de lui avoir dit que j'avais peur, alors il m'inscrivit à des cours de boxe. C'est comme ça que j'ai appris à me défendre.

Je me souviens encore de la première vraie bagarre dans laquelle je me suis imposé. Ce grand garçon blond qui s'appelait Marcus m'avait isolé dans un coin. Je me rappelle de lui, crier que j'étais qu'un pédé, et la dernière chose dont je me souviens, c'est qu'il pleurait et que j'avais des bleus sur mes phalanges, et puis ensuite j'étais dans le bureau du directeur avec mes parents. Après ça, les gens m'ont laissé tranquille.

A quatorze ans, j'ai décroché mon premier rôle principal, John Worthing dans L'Importance d'être Constant. C'est à ce moment-là que j'ai rencontré Ezra Parker. Ezra était vraiment intéressé par le théâtre technique et c'était le meilleur peintre que j'avais jamais rencontré, particulièrement pour un garçon de seize ans. Ezra était grand et roux, un peu trapu, pas vraiment la personne que la plupart trouverait attirant, mais ça n'avait pas vraiment d'importance car à mes yeux il était parfait. Une fois, après une répétition costumée, il m'avait dit que j'étais le meilleur acteur qu'il n'avait jamais vu et que c'était beaucoup dire car il avait vu des pièces à Londres. Il m'avait dit qu'il m'aimait beaucoup et qu'on devrait passer du temps ensembles, j'ai répondu que c'était une bonne idée, donc on est devenus meilleurs amis. On traînait beaucoup après l'école et avant les répétitions, après, et pratiquement à chaque fois qu'on le pouvait en fait.

Une fois, nous étions assis sur les balançoires du parc où nous aimions traîner après les cours et Ezra m'a embrassé. J'étais très surpris mais aussi heureux car je l'aimais beaucoup. Il m'a dit qu'il m'aimait et que j'étais magnifique, et je l'ai embrassé une fois de plus. Il m'a demandé d'être son copain. J'étais vraiment nerveux car personne ne m'avait demandé d'être son copain avant, mais j'ai dit oui car je l'aimais vraiment. Après ça, j'étais très heureux le reste de la journée et je ne pouvais pas arrêter de sourire, lui non plus, nous nous sommes beaucoup embrassés et étions très heureux tous les deux.

En rentrant chez moi le soir, j'ai dit à ma mère que Ezra était mon copain. C'est drôle maintenant, comment je n'avais jamais pensé au fait que ça aurait pas pu ne pas être accepté. Je veux dire, tous les autres garçons de mon âge étaient en couple et ce n'était jamais un problème. Mais, je suppose, la différence était qu'ils étaient en couple avec des filles.

Une fois que mon père est rentré chez moi, Maman a dit qu'elle devait lui parler en privé. Quand il sortit de la cuisine, j'étais assis sur le canapé en train de lire un script pour une audition qui arrivait dans pas longtemps. Il l'arracha de mes mains et me dit de me lever alors je me suis exécuté. Il me poussa au sol et cria à ma mère de retourner dans la cuisine, ce qu'elle fit. J'ai beaucoup crié et je savais que ma mère pouvait m'entendre car les murs étaient très fins et je pouvais l'entendre pleurer également. Mais elle ne pouvait rien faire, et je le savais. La situation n'en était que encore pire.