VINGT ET UN (partie 1)

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"Je pense pas que ça va rentrer !" cria PJ depuis l'autre côté de la route.

"On va le faire rentrer !" lui hurla Phil en retour alors que je trimballais ma valise vers la voiture de Peej.

"Pourquoi tu as tellement de merdes ?" se plaignit Peej alors que j'approchai le dos de sa voiture.

"Pourquoi tu as la voiture la plus petite du monde ?" rétorquai-je, lui tirant la langue.

"C'est ça c'est la faute de la voiture," PJ roula des yeux en plaisantant, prenant la valise de mes mains.

"Tu as la voiture la plus petite du monde," pointa Phil.

"C'est ça, juste derrière ton copain," taquina PJ avec un rire, rentrant ma valise dans le coffre avec mes autres affaires.

"Tu ferais mieux de planifier de venir faire un câlin à ta mère avant que ces garçons ne t'emmènent !" ma mère appela depuis la porte.

"Tu ferais mieux d'aller faire un câlin à ta môman alors," gloussa Peej.

"Ta gueule !" ris-je, le tapant dans les côtes.

"Hey !" Phil attrapa mon doigt, "Pas de ça. Va voir ta mère !"

"D'accord," ris-je, me dirigeant vers la porte. "Maman !" appelai-je, "Je m'en vais !"

"Fais-moi un câlin," sourit-elle, apparaissant depuis la salle à manger. Elle enroula ses bras autour de moi. "Tu vas survivre sans moi ?" me taquina-t-elle.

"Je pourrais te demander la même chose," souris-je.

"Oui tu pourrais," dit-elle, se haussant sur ses doigts de pieds pour embrasser mon menton. "Et oui je peux."

"Moi aussi," je ris.

"Reviens à la maison par contre," ajouta-t-elle, "Ne m'abandonne pas comme ça."

"Comment pourrai-je ?" demandai-je, "Je pourrais pas survivre deux semaines sans tes cookies."

"Sors de ma maison," rit-elle, me poussant légèrement, "Et prend ça," elle me tendit un vinyle.

"John Cougar Mellencamp," lis-je, "Mm, naze !" je tirai la langue en faisant semblant d'être dégouté.

"C'est son meilleur album, prends en soin," me taquina-t-elle, "C'est bon, vas-y maintenant !"

"Je t'aime !" dis-je avant qu'elle ne ferme la porte.

"Je t'aime aussi !" elle répondit.

"Prêt ?" appela Phil depuis la voiture.

J'opinai. "Oh, tout a l'air bien pour moi !" m'exclamai-je, jetant un regard à PJ.

"Comme tu veux," dit-il, levant les yeux au ciel, "Monte !"

***

Emménager avec Phil et PJ était clairement la meilleure décision que j'avais prise cette année. Phil et moi avions poussé nos lits côte à côte, mais la plupart du temps nous finissions presque toujours tous les trois endormis enroulés dans nos couvertures sur le sol. Peej et moi jouions à Halo la plupart du temps où nous aurions plutôt dû travailler et Phil prenait avantage de mon lecteur vinyle pour y passer tous ses albums de Muse qu'il avait accroché sur son mur. Phil m'a aussi forcé à regarder beaucoup d'anime-- que en général j'aimais beaucoup-- et à lire chaque manga qu'il possédait-- que j'appréciais énormément.

"La litté me ruine la vie," déclara Phil un jour après deux semaines de mon emménagement, "Tu comprends la moindre chose de ce cours ?"

"Probablement," dis-je, fermant le manga, "Tu travailles sur quoi ?" il approcha son livre de moi, grognant.

"Comment est-ce que je suis supposé écrire un essai sur une pièce si je ne la comprends même pas ?" demanda Phil.

"Si tu ne comprends pas la pièce, pourquoi tu ne me demande pas de te l'expliquer ?" demandai-je, m'approchant de lui et lui prenant le livre des mains.

"Je sais pas," dis-je, "J'ai juste-- je sais pas."

"Tu l'as lue ?" demandai-je, et les joues de Phil rougirent.

"Bien sûr que je l'ai lu," dit-il, un peu moins convainquant, "Je veux dire-- Je-- J'allais le lire," admit-il, son sourire disparaissant de son visage.

"Phil," gémis-je, "Pourquoi tu ne l'as pas lue ? Tu aimes lire."

"Ouais, des comics," dit-il, "Pas des pièces chiantes et vieilles."

"Mais tu fais des films," lui rappelai-je, "C'est comme une pièce."

"Mais c'est très différent si je suis dedans," dit-il, "parce que je suis, genre, investi dedans, tu vois ?"

"Donc investis toi dans la pièce ! Là," je lui tendis le livre à nouveau, me rapprochant proche de lui pour pouvoir regarder par-dessus son épaule, "Scène 1: tu seras Clarice et je serais Pantalone."

"Vraiment ?" demanda Phil, gloussant à ma suggestion.

"Vraiment," insistai-je, "mon père et moi faisions toujours ça quand j'étais petit pour m'aider à mémoriser mes lignes. Ça va t'aider je te le jure !" Phil se tourna et me fixa pendant une minute, silencieux.

"Quoi ?" demandai-je, "C'est à toi de commencer !"

"Tu as juste-- mentionné ton père," pointa-t-il.

"Oh," dis-je, "Je-- Je suppose que je ne m'en suis pas rendu compte. Déjà si c'est bizarre."

"Non," il secoua sa tête, "ça l'est pas. C'est juste-- Tu ne l'avais jamais mentionné avant."

"Ouais," ma voix se coupa. "Je suppose que parler ce ces choses les rendent moins douloureuses à vivre, tu vois ?" dis-je après un moment.

"Ouais, je suppose," dit-il. J'étais sûr qu'il allait ajouter quelque chose d'autre, mais il se tut.

"Quoi ?" demandai-je.

"Rien," dit-il, évitant mon regard.

"Qu'est ce qu'il y a ?" suppliai-je, "A quoi tu penses ?"

"Rien, honnêtement," il me sourit, "C'est parti pour la lecture !"

"Ok alors," ris-je, "Go !"

"Okay," il s'éclaircit la gorge et commença, "Allons, madame ma fille, ne rougissez pas et donnez‑lui, vous aussi, votre main. Comme cela, vous serez fiancés et l'on vous mariera dans les plus courts délais." Il se tourna et me regarda à nouveau, "C'est bizarre."

[note: OH MON DIEU ok j'adore cette pièce je l'ai jouée tellement et j'aime j'aime la Comedia dell'arte de tout mon cœur et voilà c'est tout ce que je voulais dire]

"Non, c'est pas bizarre c'est de la comédie," dis-je, lui tirant la langue puis commençant ma lecture, "Oui, cher Silvio, voici ma main. Je serai votre épouse, je vous le promets. Ok, maintenant tu lis la partie de Silvio," chuchotai-je.

"Ok. Et moi, je serai votre époux, je vous le promets pareillement." Il s'approcha et planta un baiser sur ma joue.

"Tu vois, ça vient !" dis-je, lui donnant une petite tape, "Bravo, bravissimo !," lis-je, "Voilà une bonne chose de faite. A présent, plus moyen de reculer--"

Deux heures plus tard, PJ retourna dans la chambre pour y trouver Phil, enroulé dans une robe faite à la main avec une couverture, et moi en train de jouer la scène finale d'Arlequin valet de deux maîtres, utilisant nos lits comme une scène.

"Pourquoi conspirez-vous pour nous rendre fous ?" lit Phil, dans un ton ridicule d'horreur moqueuse.

"Qu'est ce qu'il se passe ?" rit PJ, lâchant son sac à l'entrée.

"Oh, salut Peej, on est juste--"

"Ne quitte pas ton personnage !" Phil se jeta sur moi, parlant toujours dans une voix féminine haut perchée.

"C'est ça," ris-je.

Vivant (Français)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant