Chapitre 4

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  On roula durant de longues heures qui me semblèrent interminables. J'étais collée contre Erwan qui allait bien trop vite à mon goût et je savais que protester n'y changerait rien, c'était Erwan pas Lucas. Ce dernier roulait d'ailleurs derrière nous, à une vitesse bien plus appropriée. Les routes étaient désertes, il n'y avait pas âme qui vive et c'était terrifiant. Chaque petite ville que l'on croisait était dévastée et pleine de morts. J'avais faim, j'étais fatiguée et terrifiée à mesure que je comprenais conscience de l'ampleur de la catastrophe. J'avais envie de pleurer mais je me retins. Je n'avais pas envie d'entendre une nouvelle fois une remarque désobligeante de la part de Erwan.

Bientôt, je pus apercevoir le panneau de bienvenue de Fort Lauderdale. Le pauvre était tordu, cabossé et étalé sur la route comme un vulgaire bout de ferraille. Je compris alors que l'hôpital où s'étaient regroupés les survivants n'allait pas être de bon état. Et malheureusement, j'eus raison. Lorsque l'on arriva devant l'hôpital, on se rendit compte qu'une grande partie du toit avait été arraché, des fenêtres étaient brisées et rebouchées avec de simples planches en bois, tout autour de l'hôpital des débris s'étaient entassés, formant une sorte de muraille. Le paysage était dévasté, lugubre, et j'eus la chair de poule lorsque je descendis de la moto.

- Allons voir ça ! » S'exclama Lucas en passant devant. Je me précipitai derrière lui par peur qu'il me distance. Erwan suivit, plus lentement que jamais, comme si l'idée de voir du monde, d'avoir un abris et de quoi manger, le gênait.

Lucas réussit à nous faire un chemin entre les divers débris et nous gagnâmes la porte principale. Cette fois-ci, Erwan passa devant, comme s'il avait peur de tomber sur quelque chose ou quelqu'un de dangereux. Il poussa la porte et immédiatement j'entendis des voix, des pleurs, mais aussi des rires, des exclamations qui me firent chaud au cœur. Une vieille femme se tenait dans le hall d'entrée, entourée d'enfants qui courraient dans tous les sens en riant, criant, chantant. Malgré le brouhaha et l'affolement qui l'entourait, la vieille femme nous vit immédiatement.

- De nouveaux survivants ! » S'exclama t-elle si fort que sa voix résonna dans le hall. Immédiatement, une bande de curieux s'amassa dans le hall et Erwan se rapprocha instinctivement de moi, méfiant.
- N'aillez pas peur, entrez, nous allons nous occuper de vous, nous sommes tous des survivants, nous sommes en quelque sorte une grande famille, ne craignez rien, débita t-elle d'une traite tout en venant vers nous. Elle s'arrêta devant Erwan qui se crispa imperceptiblement et reprit plus calmement, d'où venez-vous jeunes gens ?
- De Miami. » Répondit Lucas en s'avançant.
- Alors vous avez survécu au tsunami vous aussi. » Murmura la vieille femme, comme si elle se remémorait sa propre survie.
- Oui madame. » Confirma poliment mon nouvel ami, quelque peu déstabilisé par le nombre impressionnant de survivants autour de nous.
- Je ne me suis pas présenté, quelle idiote je fais ! Je m'appelle Jane, c'est moi qui m'occupe de la survie de tout le monde ici. Appelez moi donc Jane, se sera plus simple !
- Très bien, euh, moi c'est Lucas et voici mes amis, Erwan et James. » Présenta Lucas, bégayant pour la première fois depuis que je le connaissais. Je fis un petit signe de main à Jane qui me répondit d'un sourire chaleureux. Erwan lui, ne quitta pas une seule seconde son masque froid et terrifiant.
- Bien, tout le monde se disperse s'il vous plaît, s'exclama soudain Jane, vous trois, suivez-moi, je vais vous donnez une chambre, on va vous trouver d'autres vêtements et je vous montrerais où se trouvent les douches. »

On suivit Jane à l'intérieur de l'hôpital. Il était immense et on croisait énormément de monde. C'était rassurant de sentir la vie autour de nous, de ne plus être seuls et surtout de se sentir en sécurité.
- Nous sommes à peu près deux cents survivants ici, répondit Jane à une énième question de Lucas, les gens se sont très vite regroupés ici car il y a un générateur de secours qui nous permet d'avoir de l'électricité, il y a de nombreuses chambres, un grand self et une grande réserve de nourritures. J'évite de le dire, mais j'ai conscience que tout cela est éphémère. Dans peu de temps, nous n'auront plus rien... »

Elle se tut et s'arrêta devant une porte du deuxième étage. Elle l'ouvrit et me fit signe d'entrée. Je compris très vite que j'allais être séparée des garçons. Je n'aimais pas trop ça mais je ne dis rien et me contenta d'entrée. La chambre n'était pas très grande, il y avait deux lits, une grande armoire et un bureau avec une chaise. Tout était blanc et triste mais je ne fis pas la compliquée. Je n'avais pas vu de lit depuis plusieurs jours maintenant et rien que sa présence rendait la chambre luxueuse à mes yeux.

- C'est une jeune fille très gentille qui dort ici, tu devrais bien t'entendre avec elle, elle a un peu près ton âge. Attends ici, je montre leur chambre aux garçons et je t'envoie Sacha pour qu'elle s'occupe de toi ! » M'expliqua Jane en quittant déjà la chambre. Je lançai un dernier regard inquiet à Lucas qui me fixait lui aussi de ses yeux bleus. Il semblait ne pas avoir envie de me laisser seule ici mais malheureusement, nous n'avions pas le choix. Avant que la porte ne se referme sur eux, je pus aussi croiser le regard vert de Erwan qui semblait légèrement anxieux lui aussi.

Je ne restai pas seule plus de quelques minutes. Très vite, une jeune fille brune, aux cheveux bouclés et aux grands yeux marrons, entra dans la chambre avec un grand sourire.
- Tu es James je suppose ! » S'exclama t-elle en me tendant la main. Je lui serrai la main tout en acquiesçant.
- Et tu dois être Sacha ! » Ajoutais-je en lui souriant timidement.
- C'est bien moi ! Alors, tu viens de Miami avec les deux beaux garçons ?! » Questionna t-elle en ouvrant notre armoire commune. Elle en sortit un jean noir et un tee shirt kaki un peu près à ma taille et me les tendit.
- Oui, euh, je les ai rencontré en chemin, sans eux je serais sûrement ... pas là à l'heure qu'il est ... » Murmurais-je, gênée. Sacha s'immobilisa un instant pour me regarder puis se détourna de moi pour chercher des chaussures qui pourrait être à ma taille dans un petit tas.
- Moi je viens de Fort Lauderdale, j'ai pas eu à marcher beaucoup pour arriver ici. Je suis seule. Avant le tsunami j'étais avec mes parents mais ... je sais pas ce qu'ils sont devenus ...
- Je suis désolée ... Moi j'étais avec des amies. Je n'en ai revu aucune ... Et j'ai pas de nouvelle de mes parents non plus, de personne en fait ... Je suis consciente d'avoir eu beaucoup de chance de tomber sur Lucas et Erwan.
- C'est une situation compliquée, soupira t-elle en se tournant de nouveau vers moi. Elle me tendit une paire de grosses bottines noires en retrouvant son beau sourire, tiens, tu essayeras ça, je vais te montrer où sont les douches ! »

Je la suivis dans les couloirs, regardant chaque détail qui m'entourait, curieuse. Je dévisageais les personnes que l'on croisait, dans l'espoir d'en reconnaître une mais toutes m'étaient inconnues. On arriva très vite vers les douches. La plomberie était vieille et abîmée et il n'y avait que de l'eau froide mais cela m'importait peu. Tant que je pouvais enlever tout ce sang de mon corps et retirer mes vêtements crasseux, j'étais heureuse.

Une fois ma douche terminée, j'enfilais le jean et le tee shirt un peu trop large pour moi, ainsi que les bottes qui me serraient légèrement les pieds. Sacha revint me chercher et elle m'emmena à la cafétéria. J'y retrouvai les garçons, à mon plus grand soulagement. Eux aussi s'étaient lavés et changés et ils étaient encore plus beaux. Sacha insista pour que je la présente et l'on mangea tous les quatre.

Je me sentais beaucoup mieux. J'étais en sécurité et je n'étais pas seule. Mais malgré tout cela, mon ventre restait crispé. Qu'étaient devenues mes amies ? Et mes parents ? Et s'ils étaient tous morts ? Tous sauf moi ? Comment pourrais-je vivre avec ça ? ...  

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