Catastrophe

Chapitre 10

  Abigaëlle tournait sur elle-même, un grand sourire sur le visage, devant la vitre sale et à moitié brisée de la salle de bain. Elle était magnifique, avec ses cheveux bruns attachés en une tresse compliquée, ses yeux bleus légèrement maquillés avec du fard à paupière et son petit corps recouvert d'une robe bleue nuit, simple et élégante. Elle était pieds-nus car elle n'avait trouvé aucune paire de chaussures qui irait avec la robe et qu'elle n'avait que des baskets à se mettre aux pieds. Mais cela ne la gênait absolument pas et elle se trouvait elle-même magnifique. J'étais fière de moi car je l'avais aidé à se préparer et que j'étais à l'origine de sa coiffure – que je n'aurai jamais cru pouvoir faire un jour.

Sacha se tenait à côté d'elle, dans une magnifique et longue robe rouge en satin, trouvée le matin même par Lucas dans une maison abandonnée des alentours. Mon amie avait assorti ses lèvres à la robe et c'était le seul maquillage qu'elle portait. Aux pieds, elle portait de magnifiques escarpins argentés, ramenés eux aussi par Lucas. Elle était tout aussi magnifique que Abigaëlle et j'étais persuadée qu'elle allait plaire à Erick. Sûrement même, qu'elle allait plaire à la plupart des survivants, incluant Lucas et Erwan.

Mon cœur se serra bien malgré moi. Je tenais aux garçons à un tel point que j'étais jalouse dès qu'ils s'approchaient de la moindre personne. C'était comme si je ne voulais pas les partager, comme si je voulais qu'ils soient là seulement pour moi, pour me protéger, pour me rassurer, pour personne d'autre. Ce sentiment étrange que je ressentais me dépassait. Cela ne me ressemblait pas, je n'étais pas comme ça et de voir que je commençais à changer me terrifiait.

- Tu es magnifique Abi, s'exclama Sacha, me sortant de mes pensées. Tu accepteras de danser au moins une fois avec moi durant la soirée, princesse ?
- Oui, mais à une seule condition. Je veux que d'abord, tu danses au moins une fois avec Erick ! » Imposa la petite fille avec intelligence. Elle me regarda, les yeux brillants de fierté, pendant que Sacha faisait la grimace.
- On verra ! » Finit-elle par répondre tout en commençant à s'occuper de ses cheveux bruns.
- Tu veux de l'aide ? » Proposais-je gentiment en voyant qu'elle commençait à s'énerver sur les nœuds de sa chevelure. Elle soupira et me fit un petit sourire désespéré.
- Je crois que l'idée de devoir aller parler à Erick me stresse beaucoup trop ... » Déclara t-elle avec tristesse.
- Tu n'es pas obligée d'y aller, si tu ne le sens pas Sacha. Tu es libre de faire ce que tu veux et seulement ce que tu veux. Ne te stresse pas pour rien, attends plutôt de voir comment se passe la soirée. » La rassurais-je tout en lui brossant doucement les cheveux. Elle me sourit à travers le bout de miroir puis prit une grande inspiration.
- Tu as raison ! » Décida t-elle avec force.

Je lui fis un joli chignon qui retenait gracieusement ses cheveux, tout en laissant tout de même quelques mèches libres pour qu'elle ne paraisse pas trop stricte. Une fois qu'elle fut prête et un peu moins paniquée à l'idée de voir Erick, elle se rendit compte que je ne mettais absolument pas occupée de moi.

- Et toi, qu'est-ce que tu vas porter ? » Me demanda t-elle soudain en regardant l'heure sur la pendule de la salle de bain commune. Le bal commençait à dix-neuf heures et il était déjà dix-huit heures trente.
- Je suis très bien comme ça ... » Commençais-je timidement, sachant pertinemment que les filles n'allaient pas être d'accord avec moi.
- James, tu pourrais faire un effort, soupira Sacha, c'est tout de même un bal en l'honneur des morts et disparus et malheureusement je suis presque sûre que certains de tes amis ou des personnes de ta famille font partie des gens que nous allons honorer ce soir. » Je ne m'attendais pas à un tel argument. Mes yeux s'écarquillèrent d'étonnement pendant qu'ils se remplissaient bien malgré moi de larmes. Je repensais à mes amies qui étaient avec moi au bord de la mer lors de la catastrophe, et que j'avais perdu. Je repensais à mes parents, je n'avais jamais eu de nouvelles d'eux ... En me voyant avec les larmes aux yeux, Sacha me prit immédiatement dans ses bras et Abigaëlle s'ajouta au câlin.
- Désolée, je ne voulais pas te faire pleurer. » Murmura Sacha tout en me caressant les cheveux.
- Non c'est moi ... je suis trop émotive... » Pleurnichais-je tout en tentant de me calmer.
- Tu n'es pas trop émotive, ta réaction est tout à fait normale, j'ai été stupide, pardonne-moi. » S'excusa de nouveau mon amie en essuyant mes larmes.
- Je ne t'en veux pas et puis tu as raison, je dois faire un effort. Par contre, qu'est-ce que je vais porter, c'est une très bonne question !
- On s'occupe de tout ! » M'assura Sacha en faisant un grand sourire à Abigaëlle. Cette dernière acquiesça avec joie.

Une demi-heure plus tard, j'étais prête. J'étais vêtue d'une longue robe noire élégante et impressionnante qui me faisait ressembler à une des ces femmes méchantes mais très élégantes que l'on voyait dans les films. Sacha avait coiffé mes cheveux sur le côté, me les mouillant légèrement avant cela pour qu'ils reprennent leur forme naturelle, de jolies boucles anglaises. Elle m'avait ensuite maquillé légèrement les cils ainsi que les lèvres avec un rouge à lèvres assez foncé. Je ne me maquillais jamais avant et en me regardant dans le miroir je faillis ne pas me reconnaître. Je me trouvai magnifique, pour la première fois de ma vie.

- Merci les filles ... » Murmurais-je, émue. Sacha me fit son plus beau sourire et Abigaëlle s'éloigna de moi en courant pour revenir avec des chaussures.
- Faudrait pas oublier ça ! » S'exclama t-elle, les yeux brillants de bonheur et de malice. Elle me tendit des escarpins noirs sublimes qui me plurent beaucoup. Malgré cela, je fis quand même la grimace en les voyant.
- Ils ne te plaisent pas ?! » S'étonna Sacha qui devait les trouver magnifiques elle aussi.
- Si, ils sont parfaits mais ... Je n'ai jamais marché avec ce genre de chaussures. Je n'ai toujours porté que des baskets. » Sacha me regarda avec des yeux ronds ce qui fit rire Abi aux éclats. Mon amie se reprit en entendant le rire de la petite fille puis l'ignora en se tournant vers moi.
- Beaucoup de gens disent que c'est très dur de marcher avec ça, mais en fait pas du tout. Essaye, tu verras. Si tu n'y arrives vraiment pas, on te trouvera d'autres chaussures. Mais celles-là sont vraiment parfaites ! » Ajouta t-elle, comme un rappel.

Abigaëlle me tendit les escarpins et je les enfilai. Ils étaient parfaitement à ma taille, ce qui m'étonna car en temps normal, soit les chaussures étaient un peu trop petites, soit un peu trop grandes, mais jamais parfaitement à mon pied. Sacha m'aida à me lever et je me rendis compte que finalement, ce n'était pas si dur de marcher avec des escarpins, Sacha avait raison. Rassurée, je regardai l'heure.

- Whaou ! Les filles ! Il est déjà dix-neuf heures quinze ! » M'exclamais-je tout en me regardant une dernière fois dans le miroir. Sacha et Abigaëlle firent comme moi puis on fila à toute allure jusqu'à la salle de restauration qui avait été débarrassée de ses tables et de ses chaises pour créer une grande piste de danse.

Lorsque l'on arriva, personne ne fit attention à nous comme dans les films, où la fille principale arrive plus belle que jamais et attire tous les regards de la soirée. La plupart des survivants étaient déjà là et dansaient ou discutaient sans faire attention aux nouveaux venus. Mais deux personnes nous virent bien arriver et à mes yeux, c'était les plus importants. Lucas et Erwan nous attendaient et ils se tournèrent vers nous, les yeux brillants d'admiration, alors que nous courions pour ne pas arriver trop en retard.

- Tu as l'air de faire fureur auprès des garçons ! Ils te regardent tous les deux comme s'ils allaient te manger ! » S'exclama Sacha en me lançant un coup de coude. Je la regardai, un peu choquée puis me tournai de nouveau vers les garçons et vis qu'elle avait raison. Lucas et Erwan me fixaient moi et juste moi et leur regard émerveillé était pour moi ...