Chapitre 18

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J'entendis la porte du toit s'ouvrir derrière moi. Je ne pris pas la peine de me retourner car, comme à chaque fois, j'espérai voir apparaître Erwan mais je savais que cela n'allait pas arriver.
Une femme vint s'installer à côté de moi, à même le sol, sans même me regarder. Son regard était fixé au même endroit que le mien, sur l'horizon. Je voyais ses cheveux grisonnants voler légèrement sous la brise et ses yeux bleus clairs briller de malice.


- Je sais ce que tu ressens, ce que tu penses. » Commença Jane d'une voix douce.
Un léger rire m'échappa. Oui, c'est ça, elle sait tout, elle est médium !
- J'ai été trahi moi aussi, par un homme que j'aimais. Un homme que je pensais bon derrière ses airs de mauvais garçon et que je défendais farouchement. Nos histoires sont similaires James. Alors crois-moi lorsque je te dis que je sais ce que tu ressens et à quoi tu penses. » Insista t-elle en me fixant intensément.
- Alors selon vous, à quoi je pense ? » Demandais-je, hautaine.
C'était la première fois que je me comportais de cette façon avec quelqu'un. J'étais froide, impolie et repoussante. Loin de ma gentillesse et de ma naïveté habituelles. Je savais à quoi – ou plutôt à qui – était lié ce changement. La trahison d'Erwan en était la cause, la souffrance que je ressentais en était la cause, mon envie de vengeance ainsi que ma peur d'être blessée de nouveau, d'être naïve de nouveau. En réalité j'étais ...
- Tu es terrifiée, répondit enfin Jane, comme si elle avait lu dans mes pensées, tu as peur de souffrir de nouveau parce que cette souffrance que tu ressens est bien plus douloureuse que ce que tu as pu connaître jusque là. Elle n'a aucun équivalent. Mais tu es aussi en colère, très en colère, comme jamais. Tu veux te venger de Erwan, te venger de la souffrance que tu ressens par sa faute mais aussi de la souffrance que ressens Lucas, autant physique que psychologique. »

D'abord déstabilisée, des larmes vinrent brouiller ma vue. Cependant, je réussis à me reprendre et me levai pour cacher mon visage et mes émotions à Jane. Elle avait raison. Rien de ce qu'elle avait dit n'était faux. Me rendre compte qu'elle pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert était vraiment troublant. Ce trouble finit par m'agacer et je répliquai durement :
- Vous n'avez rien d'autre à faire que de venir raconter votre vie !
- James, ne soit pas méchante, cela ne te vas pas. Sert toi de ton nouveau caractère pour rendre la pareille à Erwan. » Sa voix était étonnement douce. Elle ne s'était même pas énervée.
Sa voix me calma légèrement et je revins m'asseoir près d'elle.
- Comment ? » Questionnais-je seulement.
- J'ai discuté avec Sacha. Je sais ce que ces Purificateurs comptent faire. Je sais aussi que tu voulais les arrêter, naturellement, comme moi, comme Sacha, comme Lucas. Ta colère peut te permettre, si tu l'utilise intelligemment, de les arrêter. Je sais que tu avais déjà des idées, lesquelles ?
- Premièrement, je pense qu'il faut prévenir les survivants. Tous les survivants. Tout le monde doit être bien plus vigilant qu'avant. De plus, ils ont tous le droit de savoir qui est derrière leur malheur et la mort de leur proche. Dans un second temps, il faudrait que les hommes et les femmes assez courageuses sortent de l'hôpital à la recherche d'armes en tout genre et de protection si possible. Car nous allons nous battre, il ne faut pas en douter. Pour la suite, je n'ai pas encore d'idée précise. Je pense qu'il faudrait commencer par de petites attaques, de petites intrusions chez eux, histoire de faire quelques morts. Comme ça ils vivront comme nous, avec des proches morts et la peur au ventre d'être le prochain. Il ne faudrait pas les laisser longtemps comme ça. Mais je ne sais pas encore comment me débarrasser d'eux. Ce que je sais en revanche, c'est qu'ils doivent mourir, tous. »

Jane hocha la tête. Visiblement, elle était assez d'accord avec moi. Elle me confirma que l'on devait mettre les survivants au courant mais pas tout de suite. Elle voulait d'abord que l'on ai un plan à leur donner qui pourrait contrôler la panique. Elle avait raison. Dire aux gens qu'ils étaient tous en danger de mort ainsi que l'humanité toute entière et qu'on ne savait pas quoi faire, c'était moyen. Les survivants allaient paniquer, certains essayeraient de fuir, d'autres se suicideraient. Non, il fallait leur dire qu'ils risquaient de mourir mais qu'ils avaient une chance de changer tout ça, s'ils se battaient avec nous, selon un plan précis qui avait toutes ses chances de réussir.

- Pour le moment, tu vas travailler sur un plan avec Sacha, Erick et ses hommes. » M'informa Jane pendant que nous descendions les escaliers jusqu'au sous-sol.
- Bien, mais il y a une chose que je veux. » Intervins-je d'un ton catégorique.
- Laquelle ? » Questionna Jane avec prudence.
- Lucas doit se reposer durant au moins une semaine. Je ne veux pas qu'il soit mis au courant de tout ça. Il cherche toujours à me protéger et une fois que le plan sera trouvé je compte bien être l'une des plus actives. Je ferai partie des groupes de sorties pour trouver des armes, ainsi que celui qui attaquera pour déstabiliser les Purificateurs et pour l'attaque finale, quelle qu'elle soit. Lucas voudra m'en empêcher ou bien me protéger mais il ne pourra faire aucun des deux. Le mieux pour lui, c'est de ne rien savoir tant qu'il est inapte à nous aider. » Déclarais-je.
On entra dans le sous-sol qui ressemblait à une vraie base d'espion et je vis Jane réfléchir un instant. Elle finit tout de même par acquiescer, à mon plus grand soulagement. Je savais que si je faisais cela, c'était pour le bien de Lucas.
- Trouvez-moi Sacha et Erick et dîtes leur de nous rejoindre au sous-sol en urgence. » Ordonna Jane à l'un des survivants près de nous. L'homme hocha la tête et fila. Bon, il était temps de mettre mon cerveau en marche !

[ Lucas ]

Sacha vint s'asseoir à côté de moi sur mon lit de l'infirmerie en soupirant. Dès qu'elle était apparue derrière les rideaux qui me cachaient des regards, je lui avais demandé si elle avait vu James. Elle m'avait répondu que non et je m'étais senti encore plus mal. J'avais été un idiot avec elle. On passait un bon moment et moi, j'avais tout gâché.

- Arrête de faire cette tête de chien battu, s'exclama Sacha, me sortant de mes pensées, tout le monde fait des erreurs. Et puis, depuis qu'elle est rentrée, James est vraiment étrange. Ce n'est plus la même et j'avoue que ça me fait peur. Elle a l'air tellement mal ... et en même temps j'ai l'impression qu'elle souffre tellement que ça lui donne une force terrifiante ... Elle m'inquiète beaucoup ... » Avoua mon amie en attrapant ma main pour jouer avec mes doigts.
- Elle a commencé à changer lorsqu'elle a compris qui était vraiment Erwan et ce qu'il avait fait ... ce qu'il Nous avait fait. Elle était très énervée, elle a été plus froide que jamais avec Erwan alors qu'avant elle n'aurait jamais été capable d'être méchante, même avec quelqu'un qui lui avait fait du mal. Et puis, elle frappait ces soldats avec tant de force et de violence pour une fille comme elle ...
- Quand elle m'a raconté cette partie de l'histoire j'ai eu du mal à y croire. Mais la James qui est revenue aujourd'hui n'est plus la même que celle qui était partie ... Je crois qu'elle aimait Erwan plus que ce qu'elle nous le disait. » Finit par déclarer Sacha avec une gène apparente.
- Tu ... tu veux dire qu'elle est peut-être ... amoureuse de Erwan ? » Bégayais-je malgré moi.
Mon amie me lança un petit regard désolée avant de hocher la tête. Lorsqu'elle vit mon air abattu elle se pressa d'ajouter :
- Ça ne veut pas forcément dire qu'elle ne ressent rien pour toi !
- Éclaire moi sur une chose, tu veux bien ? Vous les filles, pourquoi vous choisissez toujours le mauvais garçon ? »

Je vis le visage de Sacha s'éclairer d'un sourire avant qu'elle ne plonge son regard marron dans le mien. Elle ouvrit la bouche pour me répondre lorsque les rideaux s'écartèrent brusquement, laissant place à Erick. Ce dernier nous fixa un instant, sans qu'aucune émotion ne transparaisse sur son visage. Sacha sauta immédiatement de mon lit, gênée de s'être montré aussi proche de moi devant l'homme qu'elle aimait.

- Erick ... » Bégaya t-elle.
A mon plus grand soulagement, je vis Erick sourire et un léger rire sortit de sa bouche. Il s'approcha de Sacha et lui attrapa la main avec tendresse.
- Sacha, je te cherchais. Jane a besoin de toi. » Informa t-il en la tirant par la main. Avant de sortir, il se tourna vers moi et ajouta :
- Est-ce que ça va mieux toi ?
- Oui merci, c'est encore un peu douloureux mais c'est complètement supportable. » Répondis-je, touché.
- Tant mieux alors. » Il quitta la chambre sur ces derniers mots, en compagnie de Sacha et je me retrouvai seul ... avec un mauvais pressentiment.

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