Jamais le trajet jusqu'au lycée ne lui avait semblé aussi long et jamais les minutes n'avaient défilé aussi vite sur l'horloge du tableau de bord. Alec aurait bien grillé quelques feux rouges pour atteindre sa destination plus rapidement mais avec sa récente libération, il essayait d'avoir le moins de démêlés possibles avec la police. S'il devait retourner en prison pour enfreinte au code de la route, il deviendrait fou. Retrouver le lit miteux de sa cellule humide n'apparaissait pas franchement plaisant bien qu'il apprît à s'en contenter durant quelques années.
A côté d'Alec se trouvait Junior qui rongeait le fauteuil passager comme un jeune chiot souffrant de la pousse de ses dents.
- Junior, je t'ai dit d'arrêter ! Tempêta son maître mais cela eut peu d'effet sur le vieux chien qui continuait à dégrader le siège tout en poussant des gémissements plaintifs. Junior détestait les virées en voiture et jetait donc son dévolu sur tout ce qui pouvait être mis à la gueule. D'habitude, Alec n'était jamais très énervé après son chien mais la pensée d'être en retard à ce travail qui correspondait à sa réinsertion le tourmentait. Il avait déjà été deux fois sermonné par le directeur pour ne pas être ponctuel, la troisième fois semblait être un symbole. C'est toujours au bout du chiffre trois que tombent les répercussions. Une fois ? C'est acceptable. Deux fois, c'est déjà trop mais le vase n'est pas tout à fait rempli. Le troisième coup est toujours le meilleur, c'est comme un strike au bowling : on récolte. Chez toute autre personne qu'Alec, cela n'aurait pas eu beaucoup d'effet mais dans sa position, cela pouvait être désastreux et être considéré comme un refus de se plier aux règles du travail, pourtant très bien expliquées par le juge. Au bout du troisième retard, ce ne serait pas seulement se retrouver sans emploi, c'était aussi se faire renvoyer par la société elle-même. Toute une symbolique.
Aussi Alec était dans une situation délicate : brûler des feux et arriver à l'heure sous peine de se faire remarquer et arrêter par la police ou rouler à allure normale et expliquer son renvoi au juge en plaidant le bon respect du code ? Tout menait à penser que le jeune homme avait devant lui un dilemme cornélien. Il aurait eu quelqu'un dans la voiture, il lui aurait demandé son avis mais il était seul dans ses choix. Junior n'était d'aucune aide et puis il était trop préoccupé par sa propre nervosité.
Maudit chien, maugréa Alec dans sa barbe tout en fusillant le feu des yeux comme si cela pouvait le faire passer au vert plus vite. En plus, ce n'était même pas de la faute d'Alec si celui-ci était en retard. Toute cette histoire reposait sur Junior. A l'heure habituelle, le jeune homme avait sonné à la porte de Monica qui, au lieu de répondre en robe de chambre, était apparue toute coiffée et élégamment habillée comme si elle s'apprêtait à sortir.
- Je ne peux pas m'occuper de Junior aujourd'hui. Une de mes amies vient de m'appeler en urgence, il faut que je me rende à son chevet.
Le chien, même s'il ne comprenait pas le langage humain, en voyant sa maîtresse préférée ne pas l'accueillir dans son logement, avait alors émit un aboiement à émouvoir même une roche mais ce ne l'avait pas fait revenir pour autant. - Qu'est-ce que je vais faire de toi ? Avait dit Alec en se grattant nerveusement la tête. Il était hors de question qu'il laisse Junior dans l'appartement seul, la solitude lui pesait trop et il aboyait si fort que les voisins venaient se plaindre. Alors que faire ? L'emmener avec lui au travail n'avait pas été une solution mais la seule et unique issue. Maintenant, il commençait à le regretter : la pauvre bête s'était mise à hurler comme si elle était possédée et de ses petites griffes abîmées labouraient le siège.
- Maintenant ça suffit Junior ! S'était écrié Alec en se tournant vers son chien. Tu vas te tenir tranquille jusqu'à la fin du trajet !
Les mots n'avaient pas fait mouche, le concerné ne semblait pas prendre conscience de son comportement, l'aboiement sans fin persistait. Sa peur de chien ne pouvait disparaître par quelques mots, encore moins criés mais Alec ne croyait pas en la douceur des paroles, au calme des propos. Avant la prison, peut-être aurait-il agi différemment, peut-être aurait-il tenté d'apaiser la souffrance morale de Junior par des caresses mais un séjour prolongé dans ce monde de brutes l'avait changé radicalement. Il s'était habitué à la violence des mots, à vociférer au lieu de parler dans les situations stressantes. Seule Monica avait su l'apaiser un tant soit peu. En arrivant en prison, il n'était certes pas parfait mais il n'avait jamais été brusque. La transformation avait eu lieu dans l'enceinte : il était ressorti sans l'ombre d'un espoir, martelé, harcelé. On peut penser qu'en sortant d'un long internement, on est plus sage, on passe de « la brute au cultivé » comme l'Ingénu à la sortie de la Bastille mais comment peut-on croire en l'enrichissement culturel dans un lieu pareil ? L'âme est-elle assez stimulée entre ces murs pour permettre une quelconque élévation ? Il n'avait rien appris là-bas, il y avait juste vécu. Ce n'était ni une expérience, ni une leçon de vie, c'était une étape de sa vie qu'il avait méritée. Quand on fait le mal, on le répare mais en réparant la faute qu'il avait commise, il s'était inévitablement abîmé moralement.
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Promis, demain je te quitterai
RomanceScarlett, jeune enseignante dans une école primaire de la ville de Lyon, apprend qu'elle souffre d'une maladie grave, curable dans 40% des cas. Et si elle faisait partie de ces 60%, si elle était condamnée ? Sa mission ? Faire le moins de dégâts...