Chapitre 15

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Quand la jeune femme se réveilla, aux alentours des huit heures, elle s'aperçut qu'elle était désormais seule au lit. Alec avait disparu et depuis un bon moment déjà, constata-t-elle en sentant les draps froids du côté où il dormait. Junior, lui, sommeillait paisiblement au bout du lit, formant une grosse boule de poils indéterminée. Il avait si profondément terré sa tête contre son corps qu'il aurait été impossible de connaître la nature de l'animal si un inconnu avait voulu la savoir.

Sans bruit, elle se leva du matelas et enfila un gros pull en laine qui traînait sur un fauteuil de la chambre. L'air était frais dans l'appartement et elle n'imaginait pas quelle température il devait faire dehors. En effet, durant la nuit, une bourrasque d'air venu directement du Pôle Nord avait fait chuter les températures presque estivales pour la saison et surpris les habitants de Lyon qui, en ouvrant leurs volets, avaient découvert une fine pellicule de givre sur leurs plantes de balcon ou sur leurs voitures.

La cuisine, située à l'est, était baignée de lumière et celle-ci se reflétant sur les plans de travail, elle fut éblouie un cours instant. Et, alors qu'elle allait se préparer un chocolat chaud, elle remarqua un bout de papier collé sur la porte du frigidaire qui n'attendait que d'être lu. Une écriture un peu bancale comme si le jeune homme avait écrit cette note en vitesse. Comme s'il voulait à tout prix quitter cette atmosphère étouffante que tu as créée, songea-t-elle, un peu chamboulée.

Je suis allé courir.

Et c'était tout. Il ne perdait pas son temps à écrire du superflu. Alec n'était pas un homme de lettres, plutôt un homme d'action.

Même si Scarlett était un peu déçue de la fuite d'Alec, elle ne pouvait lui en tenir rigueur. S'il avait besoin de se libérer l'esprit en courant alors elle devait le laisser faire. Elle savait que certaines personnes se tuaient au sport dans le seul but de se fatiguer, d'oublier la réalité. Peut-être qu'Alec en faisait partie, de ces gens-là.

Après tout, elle ne connaissait pas grand-chose de lui. S'il avait fallu dresser un portrait de cet homme qu'elle aimait, elle aurait été bien embêtée. Elle n'aurait pu que décrire la surface du personnage : son âge et son métier, en plus d'une description physique. A peine de quoi remplir un bout de feuille comme celui qui lui faisait face et qui la maintenait dans un état de nervosité tel qu'elle n'arrivait pas à sortir de son immobilité.

Pourtant, et c'était étrange, elle avait l'impression qu'elle avait passé sa vie entière avec lui tant elle se sentait confortable à ses côtés. Quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti lors de ses aventures avec d'autres hommes. Mais comment aurait-elle pu comparer Alec aux dragueurs invétérés poussés par de mauvaises intentions qui lui avaient gâcher tant de soirées ? Comment mettre en comparaison un homme doutant de ses capacités et qui avait peur de mal faire à ces gens orgueilleux qui pensaient que leur charme naturel leur rapportait une énième femme dans leur lit ? Pour lui, elle n'était pas une énième femme et elle ne le deviendrait jamais. Car, quand il avait croisé le regard de cette jolie brune, il ne lui avait pas collé une étiquette particulière, son image était restée pure, aucunement entachée. Scarlett était cette apparition, un jour qu'il travaillait et qui avait bouleversé son quotidien. Qui le rendait fou. Qui le poussait à courir dans les rues de Lyon a à peine sept heures du matin.

Et elle restait aussi cette réalité qui n'était pas destinée à rester trop longtemps.

*

Le jeune homme courrait sans s'arrêter bien que ses pieds le fassent souffrir et que son tee-shirt soit devenu moite de transpiration, dans les rues presque désertes de la ville de Lyon. Quelquefois, il croisait des joggeurs qui avaient bien meilleure allure que lui, leurs corps moulés dans ces habits spécialement achetés pour la course en ville, une gourde en plastique dans le bas du dos. Contrairement à lui, ceux-là ne suintaient pas, comme s'ils s'adonnaient à une pratique facile et non pas à une torture que peut se révéler être le footing pour les amateurs comme Alec. Les joggeurs le saluaient d'un hochement de tête, il se contentait de regarder l'asphalte, soulevant ainsi les critiques.

Promis, demain je te quitteraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant