Les yeux fixés sur le poste de télévision, ils regardaient 'Questions pour un champion'. Enfin, Monica, Alec, lui, était plongé dans ses pensées. Quelquefois, la vieille dame s'époumonait à crier la réponse comme si elle était persuadée que celle-ci puisse arriver aux oreilles du candidat. Peine perdue. Le jeune homme admirait cette intelligence coincée dans un si petit corps. Il aurait voulu posséder les connaissances de Monica mais il en était loin. Il n'était qu'un simple cantinier, se disait-il pour excuser son manque de culture et pourtant, il était loin d'être idiot. Mais en croyant l'être, il le devenait et cette idée était si profondément ancrée en lui que toute personne aurait du mal à lui prouver le contraire.
Monica étira son bras de façon à prendre une poignée de cacahuètes tout en restant concentrée sur le jeu télévisée qu'elle avait l'habitude de regarder. C'était une façon ludique de stimuler ses neurones, de faire marcher son cerveau qu'elle ne disait pas encore rouillé mais cela avait une signification encore plus grande : c'était une façon de combattre la sénilité, de prouver qu'elle avait encore la capacité de réfléchir.
La question posée par le présentateur était facile mais le candidat actuel, un homme d'une trentaine d'années, restait totalement bloqué. Exaspérée, Monica poussa un soupir si prononcé qu'Alec sortit de ses songes.
— Il a beau avoir fait de longues études, cela ne veut pas dire pour autant qu'il est intelligent. Il ne sait même pas quoi répondre ! Dit-elle à l'attention de son ami.
— Si tu es aussi passionnée par ce jeu, pourquoi ne t'inscris-tu pas ? Demanda Alex ce qui fit pouffer de rire la vieille femme.
— Tu pourrais tenter ta chance, tu sais. Tu arrives à répondre à chaque question ! Reprit-il et Monica sembla considérer l'idée car jusqu'à maintenant, elle n'avait jamais pensé sortir de son fauteuil.
— Mais il faudrait monter sur Paris et la capitale, à mon âge...
— Et alors ? N'es-tu pas la première à me dire que tu es jeune d'esprit ?
— Je ne suis jamais partie seule, avoua-t-elle. Quand mon mari était encore de ce monde, il m'emmenait partout où je désirais aller. Depuis qu'il est décédé, j'ai restreint mes horizons. Je ne sors même pas du quartier...
— Raison de plus ! Et puis, je pourrais te mener à la gare.
— Je vais y réfléchir mon petit. Pour l'instant, je suis très bien sur ce fauteuil, lui répondit-elle avec un grand sourire.
Vers la fin du jeu, alors que le générique passait, la vieille dame se tourna vers le jeune homme et le dévisagea. Son visage était tiré. Il ne faisait plus son âge : il semblait avoir dix ans de plus. Monica sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Sa place n'était pas ici avec elle. Sa vie devrait être différente. Le fait qu'il passe toutes ses heures de libre en sa compagnie n'était pas une chose bien : il gaspillait sa jeunesse à force de fréquenter la vieillesse.
— Qu'est-ce que tu fais là Alec ?
— Pardon ? Le jeune homme se tourna vers elle, l'incompréhension peinte sur son visage juvénile.
— Alec, tu es beau, intelligent et drôle alors que fais-tu là, à regarder les jeux télévisés à six heures de l'après-midi, en compagnie d'une vieille personne ? Monica savait qu'elle allait devoir secouer son ami, lui montrer qu'il ne devait peut-être pas arrêter de la voir mais de venir moins fréquemment. Cela lui brisait le cœur d'agir ainsi parce qu'elle adorait Alec mais elle ne pouvait supporter de le voir si seul.
Alec resta stupéfait, complètement hébété. Il se retrouvait sans réponse comme le candidat de 'Question pour un champion'. Il était là parce qu'il en avait l'envie, il était là parce que Monica le comprenait mieux que n'importe qui, il était là parce qu'il n'y avait qu'elle et Junior.
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Promis, demain je te quitterai
RomanceScarlett, jeune enseignante dans une école primaire de la ville de Lyon, apprend qu'elle souffre d'une maladie grave, curable dans 40% des cas. Et si elle faisait partie de ces 60%, si elle était condamnée ? Sa mission ? Faire le moins de dégâts...