Chapitre 11

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Alec s'empara d'une serviette et s'épongea le front, faisant partir toute trace de transpiration. L'effort physique qu'il s'était infligé avait été intense ; jamais il n'avait autant eu la volonté de travailler son corps. Il se rappelait que les seules fois où il était entré dans une salle de sport remontaient à avant son incarcération, quand il n'était encore qu'un jeune adulte inconscient, désireux de plaire. Et pourtant, Alec était de ceux qui n'avait pas besoin de se fatiguer en activité sportive ; son corps qui n'avait pas été exercé depuis des années gardait sa fermeté. Cependant, le jeune homme, manquant de confiance en lui, ne se trouvait jamais à la hauteur et se donnait des objectifs à atteindre non pas par volonté propre mais par peur de ne pas correspondre à ce que la société pouvait attendre de lui. Mais cette séance de sport venait de son initiative, il le savait. Quelque chose avait changé en lui, quelque chose d'infime mais qui arrivait à chambouler son quotidien. Scarlett en était-elle la cause ? La jeune femme l'avait remarqué, l'avait reconnu lui parmi tant d'autres. Lui qui s'était toujours dit que jamais on ne pourrait le désirer ! Un sourire apparut sur son visage luisant et le miroir en face, lui renvoya ce reflet teinté de joie. Surpris d'apercevoir cette marque de félicité, il recula d'un pas comme si le miroir pouvait être une créature dangereuse qu'il ne fallait pas approcher de trop près. Puis, une fois qu'il s'habitua à ce sourire, il se permit de l'observer sous toutes ses coutures et il avoua à demi-mot qu'il avait l'air bien plus beau ainsi, sans l'air maussade habituel. Etre heureux lui réussissait.

La belle jeune femme qu'il croisa à la sortie de la salle de gym lui offrit un regard langoureux et une moue joueuse. Ce n'était pas qu'il avait acquis une quelconque beauté – il était toujours le même homme, le même qu'il était quelques heures auparavant – mais en resplendissant de bonheur, le monde autour le remarquait plus facilement. Avant sa « transformation », ce n'était qu'un jeune homme ténébreux, refusant l'attention de ses semblables grâce à cet air froid qui aurait repoussé même le plus persistant d'entre eux. Difficile de ne pas se retourner sur son chemin pour admirer ce visage si singulier, si remarquable qui brillait parmi ceux inexpressifs, tiraillés. Non, Alec était un autre homme qui avait gardé la même enveloppe.

Quand il arriva sur le palier de son étage, il ne put s'empêcher de tourner la tête vers la porte de son ancienne amie Monica et le sourire, si bien imprimé sur son minois, se brisa légèrement. Il ne l'avait pas rappelée, n'avait pas tenté d'avoir de ses nouvelles ni celles de Junior qu'il avait laissé, il le savait, au bon soin de sa voisine. Cependant, les deux lui manquaient et jusqu'ici il n'avait voulu se l'avouer pour s'éviter une souffrance inutile et puis ces derniers jours, il s'était persuadé qu'il n'avait rien à se reprocher. Qu'il n'était pas en tort. Il n'avait fait que répliquer face aux attaques intrusives de Monica. Mais, bien moins aveuglé maintenant, il savait qu'il avait été brusque.

Sur le chemin, il n'avait pu s'empêcher de penser qu'il avait tant de choses à raconter à Monica comme sa rencontre avec Scarlett un peu singulière, comme cet amour naissant qu'il avait eu du mal à décrypter puis à accepter, comme ce geste qu'elle avait eu envers lui cette nuit et qu'il considérait supérieur à tous les mots qu'elle aurait pu user. Il était certain que sur le sujet de cette jeune institutrice il devait être bavard, il lui fallait maintenant simplement trouver l'oreille attentive. Sans une once de doute, c'était Monica, cette voisine si attachante, si compréhensive qui se comportait avec lui comme une mère sans les inconvénients parce qu'elle se contentait de le réprimander mais jamais de le punir. Il se rappelait encore de ce si joli sourire d'accueil que le visage de la vieille dame avait arboré en le voyant, debout dans le hall d'entrée, l'air un peu perdu, ses vêtements flottant sur son corps amaigri. C'était le premier cadeau que lui réservait son retour dans la société. Son deuxième avait été de devenir le maître de Junior.

Promis, demain je te quitteraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant