Chapitre 5

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Comment avait-il pu rester ainsi de marbre alors qu'elle n'avait été que gentillesse et douceur ? N'avait-il aucune once de sympathie ? Alec... Un fantôme humain. Junior lui avait apporté plus de chaleur que le jeune homme. La cocotte sur le feu émit un sifflement qui coupa court ses pensées qu'elle ressassait depuis maintenant deux jours. Pourquoi accordait-elle tant d'importance à ce jeune homme ? Elle se détestait de penser à lui alors qu'elle devrait rester pleinement concentrée dans la confection du déjeuner. Sa mère, sa sœur, son mari ainsi que leurs deux enfants venaient manger à la maison et Scarlett était loin d'être une cuisinière talentueuse. Un plat était si vite brûlé... Combien de déjeuners étaient tombés à l'eau par la faute de son inadvertance ? Dans ces cas-là, elle faisait appel au restaurant chinois en bas de la rue qui la livrait dans la minute et elle présentait tous ces délicieux mets honteusement, aux invités. Aujourd'hui, elle ne se mettait aucune pression, se disait-elle pour se rassurer. Ce n'était que sa sœur et sa mère. Elles la connaissaient. De toute façon, elles n'étaient pas ici pour manger raffiné, elles venaient pour Scarlett.

Alors que la jeune femme pensait être en avance sur ses cuissons, la sonnette de l'interphone se fit entendre et tout son calme disparut pour laisser place à la nervosité. Bon sang, rien n'était prêt et les invités étaient déjà là ! Elle accourut à l'interphone et prononça dans le combiné un « prenez votre temps dans l'ascenseur » qui fit rire sa sœur comme si en l'espace d'une minute elle pouvait dresser une table de manière correcte, obtenir le plus délicieux des gigots et enfiler une robe à l'instar de ce vieux tablier chiffonné. Mission impossible. Au lieu de se dire qu'elle aurait s'y prendre plus tôt, elle retourna aux fourneaux, la mort dans l'âme, comme une condamnée en sachant qu'elle ne découvrirait qu'une cuisine sens dessus-dessous, une viande à moitié cuite et un four qui refusait de s'allumer. Elle détestait faire la cuisine, elle n'était tout simplement pas capable de lire des instructions et de les suivre à la lettre. Souvent, elle rajoutait des ingrédients qui sortaient de nulle part et, bien sûr, n'obtenait qu'un piteux résultat. Elle n'était pas bonne cuisinière mais dans la vie de tous les jours, elle s'en sortait. Seulement, quand on invite des gens, on ne peut leur servir le reste de lasagnes décongelé de la veille.

On toqua à la porte doucement. Scarlett, la sueur dégoulinant de son front, se précipita pour aller ouvrir. Elle offrit un malheureux spectacle d'elle-même dans son tablier où on pouvait à peine lire le « je suis une chef » tellement il était vieux et sale et ses mains qui étaient plongées dans deux maniques jaunes si immenses que Scarlett eut du mal à ouvrir la porte avec. Toutefois, personne ne fut surpris de la voir dans un tel accoutrement. Cela ne sortait pas de l'ordinaire. Tout le monde savait que Scarlett était une piètre cuisinière.

— Scarlett ! S'écria Leslie qui était d'un an sa cadette mais qui semblait justement être l'aînée par le simple fait qu'elle était mariée et mère de deux enfants.

Leslie serra fortement dans ses bras sa grande sœur tout en prenant soin de ne pas tâcher sa superbe robe violette contre le tablier de Scarlett. Elle était tout simplement resplendissante, même après avoir donné naissance.

— Bonjour Scarlett, Dit Marc de façon conventionnelle en lui faisant la bise, contrastant avec les marques d'effusion de sa femme. Lui aussi était impeccablement habillé. Scarlett aurait sûrement dû leur dire de venir en tenue décontractée mais cela aurait été peine perdue.

Sur les épaules de Marc était perchée une jolie petite fille aux cheveux tressés, mignonne comme un cœur. Le père attrapa l'enfant de trois ans et la mit à terre pour qu'elle puisse embrasser sa tante, ce qu'elle fit sans rechigner tant elle aimait Scarlett. Cette dernière prit sa nièce Jeanne dans ses bras comme elle avait l'habitude de le faire et, celle-ci fit savoir qu'elle était heureuse en souriant.

Promis, demain je te quitteraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant