5. Tout le monde veut aller au paradis mais personne ne veut mourir.

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Un bruit sourd et mécanique se fit entendre au loin, les sortant tous de leur torpeur.
- Qu'est-ce que c'est ?, demanda Hazel en se levant d'un bond.
Sa tête tourna un instant et elle tanga légèrement. Le bruit mécanique persistait, semblable à une alarme d'évacuation d'urgence.
Hazel espéra que ce soit le système d'hologramme qui allait s'arrêter d'une minute à l'autre, même si les chances que se soit le cas étaient très minces.
Le groupe d'amis se regarda, désemparé, impuissant, et le bruit cessa pour en laisser place à un nouveau.
C'était une sorte de crissement, comme si quelqu'un déplaçait un meuble sur le sol sans le soulever.
Vania, Lenny, Max, Ashley et Hazel regardèrent promptement autour d'eux et comprirent.
- Je crois... Je crois que les murs se rapprochent de nous., déclara tout haut Vania ce que tous pensaient tout bas.
- C'est pas vrai..., souffla Hazel au bord de l'implosion.
- Comment on fait pour sortir ? Elle est où la porte ?
C'était Ashley qui avait posé ces deux questions si pertinentes.
Effectivement, en balayant les murs du regard, elle avait constaté que ceux-ci étaient entièrement lisses, vides de toute ouverture ou d'une quelconque brèche qui pouvait faire office de sortie.
La porte avait disparu.
- On est coincés !, sanglota Hazel.
Pas question., pensa Lenny.
Les murs se rapprochaient à une vitesse folle, réduisant de plus en plus leur espace. Les cinq amis se rassemblèrent au centre de la pièce, près du cube en verre, en se collant presque à lui.
C'est là que Lenny repéra la solution.
- Là-haut, regardez !, s'exclama-t-il en désignant le plafond.
Ses camarades levèrent la tête et plissèrent des yeux pour bien voir ce qu'il leur désignait. Lenny expliqua :
- Il y a une trappe qui mène dans le conduit de ventilation, juste là ! On peut y accéder en grimpant sur le cube. Hazel viens, je te fais la courte échelle !
- Et si... Si il y a un monstre, dans le conduit ?, hésita Hazel.
Lenny haussa le ton, excédé :
- Tu préfères te faire réduire en charpie peut-être ? Allez grouille, on a pas le temps de tergiverser là !
Encore quelques minutes, peut-être secondes, et les murs réduiraient leurs corps en bouillie de chair et d'os.
Lenny s'agenouilla, croisa ses mais entre elles et les plaça à quelques centimètres du sol. Hazel posa un pied dans celles-ci avant de prendre appui sur les épaules de son ami et de se projeter sur le cube qui avait vu mourir l'une de ses plus grandes amies.
Elle se hissa dessus et s'agenouilla pour ôter la grille qui protégeait l'entrée de la bouche d'aération.
Au terme d'un effort assez intense, elle réussit à la décrocher et la balança au sol.
La grille rouillée s'effondra sur le carrelage de la pièce dans un bruit métallique.
Hésitante, la brune s'introduisit alors dans le conduit. Il était sombre, mais elle pouvait tout de même voir devant elle, et elle fut rassurée de constater qu'aucune créature ne se cachait là. En tout cas, pas pour l'instant.
Elle se maudit d'avoir pensé une chose pareille et prévint ses amis que tout était ok.
Lenny précipita les autres pour qu'ils se dépêchent. Il fit la courte échelle à Ashley, Vania, puis enfin Max.
- Et toi ?, demanda ce dernier à son ami avant de prendre appui sur lui pour s'aider à monter.
- T'en fais pas, je me débrouillerai, j'arriverais à monter tout seul...
Mais les murs étaient déjà bien trop proches. Lenny savait qu'il n'avait plus aucune chance.
Maxime disparut dans la bouche d'aération, et le son de sa voix mélangé à l'écho du conduit parvint aux oreilles d'un Lenny qui allait mourir.
- Lenny, viens !, disait la voix de son ami, mais il lui était impossible de les rejoindre.
Il n'avait plus le temps, les murs s'étaient trop rapprochés, et bien qu'il essayait de les repousser rien qu'à la force de ses bras, il savait que c'était inutile.
Il sentit lentement les parois lisses et froides l'emprisonner entièrement jusqu'à devenir oppressantes. Ses os se brisèrent lentement dans un craquement immonde et douloureux, et sa cervelle se transforma en une sorte de gelée rosâtre après qu'il ait eu sa dernière pensée.
Au moins, il avait sauvé les autres, c'était tout ce qui comptait.
Assis inconfortablement dans la bouche d'aération, les quatre survivants avaient tout entendu, et bien qu'ils n'aient pas directement assisté à la scène, le son qui s'en était échappé avait été trop explicite pour qu'ils puissent l'effacer de leurs mémoires.
Alors Hazel vomit.
Elle régurgita toute la peur et l'incompréhension qui s'étaient logées en elle et lui avaient retourné l'estomac.
- Désolé..., lâcha-t-elle aux autres alors qu'une odeur désagréable parvenait jusqu'aux narines de ses amis.
- C'est rien., souffla Ashley.
Après quelques secondes de silence, Vania parla :
- On devrait avancer...
Elle s'apprêta à bouger, mais Hazel l'en empêcha.
- Non. Non s'il-te-plaît., dit-elle. J'en ai assez de courir et de fuir tout le temps. On est au calme ici, je veux faire une pause.
Elle changea de position en se contorsionnant légèrement, et s'assit en laissant ses épaules et sa tête reposer contre la paroi du conduit. Les trois autres la regardèrent faire et relâchèrent un peu la tension qui s'était installée en eux.
Hazel se sentait faible, fatiguée. Avoir vomi semblait l'avoir vidée de toute énergie.
- J'comprends pas ce qu'il nous arrive., lâcha-t-elle en fermant les yeux.
Une larme coula le long de sa joue.
- Personne ne comprend., lui répondit Maxime en chuchotant doucement.
Il s'approcha un peu et posa une main bienveillante sur le genou de son amie. Elle leva la tête vers lui et constata qu'il lui souriait nerveusement, comme s'il se forçait à le faire.
Quoi de plus normal dans une situation telle que la leur.
- On pourrait peut-être... Essayer de réfléchir à une solution, trouver un moyen de sortir de là., proposa Hazel, le regard plein d'espoir.
Il y avait forcément un moyen de s'en sortir, et elle avait plein de théories en tête sur la façon dont ils pouvaient se dépêtrer de la situation. Elle en exprima une :
- Je sais que ça ne se voit pas, mais on est dans une salle dans la maison d'Estéban. Si je me souviens bien, cette pièce a une porte. Si on parvient à ouvrir cette porte, tout sera fini, on aura de nouveau accès au monde réel ! Si on essaye d'ouvrir toutes les portes du bâtiment dans lequel on est, on pourra peut-être finir par tomber sur...
Elle s'arrêta en voyant le visage désolé de Vania la fixer.
- C'est impossible ma chérie..., déclara la blonde d'un ton compatissant. Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais juste à côté de cette porte, sur le mur à l'extérieur de la pièce, il avait un petit digicode. Il permet de la déverrouiller de l'extérieur uniquement. Une fois que la salle est fermée, la porte est verrouillée et on ne peut plus sortir. C'est pour éviter que n'importe qui n'entre dans la pièce pendant une projection, ou justement que personne n'en sorte en ouvrant une porte au hasard dans un film...
Le ton de Vania semblait leur dire qu'ils étaient pris au piège, mais Hazel refusait de se soumettre à cette idée.
- Mais, si on peut la désactiver de l'extérieur, ça veut dire que les parents d'Estéban...
À nouveau le regard rempli de pitié et de tristesse de son amie tua son espoir à peine naissant.
- Les parents d'Esté sont en voyage. Ils ne rentreront pas avant trois jours...
- Alors on va rester ici, et attendre pendant trois jours !
- Ah oui ?, prononça alors Ashley, qui ne s'était pas exprimée une seule fois depuis leur arrivée dans le conduit. Et comment on va tenir sans manger, ni boire, ni même dormir pendant trois jours ?
Hazel baissa les yeux, au bord du gouffre.
- Et une panne de courant ? Si jamais il n'y avait plus d'électricité, le système holographique serait désactivé !
L'idée était stupide, mais c'était la dernière à laquelle elle pouvait encore se raccrocher.
Vania fut désolée de briser ses rêves une fois de plus :
- En admettant que ça arrive, ce dont je doute, ça ne durerait qu'une brève seconde... Le système basculerait automatiquement sur un générateur de secours par la suite. Tout est prévu pour que le film ne soit jamais interrompu de manière impromptue, afin de profiter du confort d'intégration le plus total. Même nos téléphones, si on les avait sur nous, seraient inutiles à cause des brouilleurs de réseau.
- Tout est prévu, et il n'y a pas de foutu système de sécurité qui permet de désactiver l'hologramme en cas d'urgence ?, s'insurgea Ashley.
- Le système de sécurité d'urgence, au départ, c'est censé être la télécommande., pesta Hazel.
- Je sais..., répondit Vania dans un souffle.
Un nouveau silence pesant s'installa entre eux, et Hazel ravala sa colère.
Ce n'était pas de la faute de Vania si elle avait perdu la télécommande. Elle avait dû lui échapper, tomber de sa poche par inadvertance ou quelque chose comme ça...
- On devrait retourner à sa recherche., proposa enfin Hazel, ne trouvant plus d'autre solution.
Rester ici immobile n'allait pas arranger leur cas, il valait mieux agir et tenter de survivre, et puis, dans ce conduit, ils étaient en sécurité.
Du moins en théorie.

L'Hôpital des Âmes [Hospital for Souls] {correction à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant