9. Mets mon monde en feu, regarde-moi brûler.

4.9K 523 311
                                    

Vania inspira profondément. Elle voulait sortir de cette salle des tortures, mais n'osait pas tourner la poignée de porte. Elle était trop effrayée par ce qui pouvait se cacher derrière.
Voyant son hésitation, Maxime se dévoua, sûrement dans un élan de galanterie ou de courage, peu importe, mais toujours est-il qu'il écarta Vania d'un geste et posa sa main sur la poignée avant de clencher la porte. Il la tira doucement vers lui et jeta un œil dehors.
Le couloir était faiblement éclairé, mais suffisamment pour savoir qu'il était vide.
Alors Max ouvrit grand la porte et les trois amis s'engouffrèrent dans le corridor.
Il était extrêmement silencieux, peut-être même un peu trop, et Vania s'accrocha instinctivement au bras de Maxime pour se rassurer.
Ashley observa la scène du coin de l'œil.
-        Tu devrais le lâcher., suggéra-t-elle en replaçant une mèche de ses cheveux violine derrière son oreille.
-        Pourquoi ?, demanda Vania en s'écartant légèrement du garçon.
-        Si on se fait attaquer, ça sera moins pratique pour courir.
-        Alors c'est chacun pour soi, c'est ça ?
Ashley roula des yeux et s'apprêta à répondre quand les néons au plafond grésillèrent rapidement, comme s'ils allaient s'éteindre.
Vania sursauta et étouffa un petit cri.
-        Arrête de flipper pour rien enfin, qu'est-ce que ça va être quand il y aura un vrai danger., souffla Ashley au bord de l'exaspération.
-        Et toi arrête de nous porter la poisse !, s'énerva Vania en foudroyant son amie du regard.
-        Taisez-vous !, intervint Maxime. Vous feriez mieux de chercher cette foutue télécommande et d'arrêter de vous disputer. J'ai pas envie de me retrouver tout seul ici à devoir lutter pour survivre. On est ensemble dans cette galère, on doit se soutenir.
Les deux filles se calmèrent et approuvèrent d'un mouvement de tête en baissant les yeux sur le sol.
Max avait raison.
À trois, ils étaient non seulement plus efficaces dans leurs recherches, mais avaient également davantage de chances de survivre. Ils étaient plus malins et plus forts que s'ils avaient été seuls, et surtout, ils pouvaient se soutenir.
Quand ils sont partagés, les sentiments négatifs sont peut-être moins intenses que lorsqu'ils sont vécus seuls.
Ashley se répéta cette phrase mentalement en tentant d'oublier qu'elle n'avait jamais été aussi terrifiée de toute sa vie. Tous ses sens étaient en éveil. Elle avait l'impression que le moindre bruit, la moindre odeur, le moindre changement de température ou même le moindre mouvement d'ombre pourraient la faire s'évanouir de frayeur. Il était très probable de mourir de peur et, bien qu'elle soit jeune, elle n'était pas à l'abri de faire un arrêt cardiaque tant ses émotions avaient été malmenées jusqu'à présent.
Le cœur de Vania aussi avait fait les montagnes russes, et même si cette dernière se savait solide et résistante à bien des épreuves, elle sentait de plus en plus qu'elle était en train de perdre pied. Elle avala difficilement sa salive et eut l'impression que quelque chose se bloqua au niveau de sa gorge. Les autres étaient sûrement dans le même état qu'elle, même s'ils ne le montraient pas, et elle aussi devait avoir l'air forte.
Elle concentra à nouveau son attention sur le sol du couloir, mais n'y observa rien d'autre qu'un carrelage vert foncé taché et poussière et d'autres substances non indentifiables. Pourtant, elle en avait scanné chaque recoin.
C'est alors que ses yeux se posèrent plus loin : là-bas, tout au fond du couloir, se trouvait un escalier qui descendait vers l'étage du dessous. Vania s'y précipita.
-        C'est là !, s'exclama-t-elle un peu trop fort à son goût. C'est l'escalier qu'on a pris au début du film je crois.
Maxime fronça les sourcils. Il ne se souvenait pas d'être déjà passé par là, et de loin, il ne voyait rien qui pouvait ressembler un tant soit peu à une télécommande.
-        Je t'assure !, reprit Vania. C'est juste qu'on est montés au lieu de descendre, c'est tout, mais c'est le même escalier j'en suis sûre.
À vrai dire, la blonde ne savait plus trop et n'était sûre de rien, mais dans le fond, elle essayait de s'auto convaincre. L'espoir était la seule sensation à laquelle elle pouvait se raccrocher désormais, d'autant plus qu'une nouvelle pensée s'infiltrait en elle, doucement, subrepticement dans son cerveau, comme une petite voix qu'elle faisait semblant de ne pas entendre mais qui avait parlé quand même et qui résonnait à l'intérieur de sa boîte crânienne.
Les trois camarades gravirent, non sans appréhension, les marches de l'escalier. Celui-ci déboucha sur une grande porte battante de couleur grise, fermée.
-        On fait quoi ?, demanda Ashley.
-        Bah on entre, non ?, répondit Maxime. Vous voyez la télécommande quelque part ?
Les deux filles secouèrent négativement la tête tout en balayant une nouvelle fois les lieux du regard. La crainte de Vania était en train de se matérialiser.
-        Moi non plus., poursuivit Maxime. Alors on entre.
Il poussa le battant de la porte et entra dans la pièce.
C'était une salle très sombre, et les trois amis durent tâtonner un instant afin de trouver un interrupteur pour l'éclairer. Max glissa sa main sur le mur jusqu'à ce qu'elle heurte un relief carré. Il appuya dessus, et une douce lumière chaude surgit du plafonnier.
Elle était extrêmement faible, comme si l'ampoule avait été de basse consommation ou en fin de vie, mais elle éclairait suffisamment le centre de la pièce et les éléments aux alentours.
Maxime fit un pas en avant, suivi de près par Ashley et Vania, qui lâcha le battant derrière eux afin de refermer la porte. Tous observèrent les lieux.
La salle ressemblait beaucoup à ce qui pouvait être un débarras. Elle était mal rangée, un vieux lit rouillé trônait en plein milieu, comme s'il avait été posé là au hasard, et à côté de lui, une multitude de caisses en cartons étaient empilées les unes sur les autres.
Maxime ne résista pas à l'idée de s'effondrer sur le matelas dur et usé et de s'y allonger de tout son long.
-        C'est bon, je peux mourir ici., annonça-t-il en écartant ses bras et en laissant sa tête choir sur le côté.
-        Tu es sûr ?, demanda Ashley. Ça n'a pas l'air très confortable.
-        En effet.
Le garçon grimaça et se releva. Ashley prit place à côté de lui et constata par elle-même à quel point le vieux matelas à ressorts était inconfortable.
Vania, de son côté, s'était assise par terre et avait entrepris de fouiller dans l'une des boîtes en carton qui étaient à sa disposition.
Au départ, sans trop y croire, elle y avait cherché la télécommande, mais maintenant, elle était fascinée par ce qu'elle venait de découvrir.
De vieux documents et photos, datant certainement des années dix-neuf cent quarante ou cinquante, attestaient des recherches et des expériences qui avaient été faites ici.
Elle observa quelques clichés noir et blancs, vieillis et tachés par le temps.
-        C'est incroyable..., souffla-t-elle pour elle même.
Max et Ashley levèrent les yeux vers elle.
-        Apparemment les personnes qui étaient internées dans cet hôpital ont été victimes de lobotomies et d'expérimentations visant à... Étudier le comportement humain, c'est écrit.
-        Montre.
Maxime se leva et s'approcha d'elle. Il saisit quelques clichés à son tour et les observa.
L'un montrait le portrait d'un homme d'une petite trentaine d'années dont le front avait été comme percé. Son regard était vide et il ne semblait pas avoir conscience du monde qui l'entourait.
-        C'est affreux., fit-il en grimaçant.
Pourtant, Max était quelqu'un d'extrêmement curieux, et surtout, il adorait l'idée d'étudier le comportement humain. Au-delà du fait que ces clichés avaient éveillé en lui de nombreux questionnements, il voulu savoir quel genre d'expériences avaient été faites, et quels avaient été les conclusions des médecins. Il s'éloigna un peu des filles, de quelques pas, pour aller fouiller dans une autre caisse en carton à la recherche d'un journal de bord ou d'un compte rendu quelconque.
Vania, elle, détacha son attention des photos et se recula pour s'adosser au mur avant d'expirer un grand coup. Elle étala alors sa théorie aux autres :
-        Dites, vous pensez qu'il est probable que... Que l'une des créatures ait trouvé la télécommande et s'en soit emparée ?
Les cœurs de Ashley et Max manquèrent un battement et ils eurent un mouvement de recul.
Un bref silence s'installa entre eux, comme s'il fallait laisser quelques secondes à la phrase de Vania pour s'infiltrer dans les esprits. Alors, seulement après cela, Ashley parla doucement.
-        Cela voudrait dire qu'on serait coincés ici sans espoir de s'en sortir.
Voilà. Elle avait exprimé tout haut ce que Vania avait sous-entendu. Elle tapa nerveusement du pied en se mordant la lèvre inférieure et en tordant la bouche. Elle sentait la peur l'envahir encore, et elle ne voulait surtout pas y céder de nouveau. Mais ne pas vouloir céder à quelque chose était peut-être déjà le faire à moitié, car elle sentit son cœur battre de plus en plus vite et devenir de plus en plus lourd dans sa poitrine.
Elle avait besoin d'action, elle ne supportait pas l'idée de rester assise ici sans rien faire, à simplement attendre que les choses se passent.
Elle avait besoin d'action, il allait lui en être donné.
Tout se passa très vite, les trois amis eurent à peine le temps de réagir.
Maxime se releva brutalement, surpris et terrifié par ce sur quoi ses yeux s'étaient posés.
Là, tapie dans l'ombre, une créature se tenait accroupie, juste derrière Vania.
Tremblant, Maxime voulut la désigner d'un geste et crier « attention, derrière toi ! » mais déjà les yeux de la créature pétillèrent d'une lueur malsaine et ses lèvres s'étirèrent dans un long sourire sadique, dévoilant deux rangées de dents parfaitement alignées.
La chose agrippa Vania en lui posant une main sur la bouche pour l'empêcher de hurler, et, de l'autre, enserra son cou pour l'étrangler.
La terreur et le désespoir purent se lire dans les yeux bleus de la pom-pom girl juste avant que son visage ne disparaisse dans l'ombre avec celui de la créature.
Ashley étouffa un juron, et, une fois le choc passé et l'adrénaline aidant, voulu se lever pour venir en aide à Vania, ou du moins, essayer.
Mais à peine fut-elle debout que les mains d'une créature dissimulée sous le lit enserrèrent ses chevilles.
C'était un piège., pensa-t-elle.
Pris de panique, Maxime recula maladroitement, faisant tomber au passage quelques caisses d'archivage dans un bruit sourd.
Un nuage de poussière s'éleva à ses côtés, et il eut à peine le temps de réagir que déjà la créature qui avait attrapé Ashley par les chevilles tira cette dernière d'un coup sec pour la faire trébucher.
Max hurla son prénom au moment où la tête de la jeune fille se fracassa contre le carrelage.
Alors, dans un mouvement de précipitation et en voyant l'individu qui avait tué Vania se détacher de l'ombre pour rapprocher de lui, Maxime fouilla dans sa poche, en sortit la télécommande, et appuya sur le bouton off.

L'Hôpital des Âmes [Hospital for Souls] {correction à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant