L'Hôpital des Âmes [Hospital for Souls] {correction à venir}

3. Nous sommes impuissants.

- Je propose de courir..., suggéra Craig en s'éloignant de la scène de crime, abandonnant le corps agonisant de celui qui avait été autrefois son capitaine d'équipe.
Tous approuvèrent cette décision et s'enfuirent. Tous, à l'exception de Ambre.
Les larmes coulèrent le long de ses joues, et, au bord du désespoir, elle se précipita vers le corps meurtri de son défunt petit ami.
Ashley la retint en l'attrapant par le bras.
- Tu ne peux plus rien pour lui, viens !
Mais Ambre ne voulait rien savoir. Les larmes continuaient à noyer ses yeux au fur et à mesure que sa respiration s'accélérait. Elle voulut prononcer quelque chose, mais les sanglots et les hoquets rendirent sa phrase incompréhensible.
Voyant la petite fille cesser son festin cannibale et se lever pour marcher dans leur direction, Ashley insista :
- Ambre, fais pas la conne, bouge s'il te plaît !
Elle tira de toutes ses forces sur le bras de son amie et Ambre réagit enfin. Elle se décida à courir, et elles rejoignirent les autres pour tenter de se mettre en sécurité.
Après avoir traversé un long couloir sans jamais oser regarder une seule fois derrière eux, ils bifurquèrent dans une salle au hasard.
Il s'agissait d'une chambre, tout aussi délabrée que le hall dans lequel ils se trouvaient quelques minutes plus tôt, et dont le seul lit présent était caché par un paravent médical.
Tremblante, Hazel l'ouvrit lentement afin de vérifier qu'aucune créature n'avait élu place sur, ou sous le lit.
À son grand soulagement, les lieux s'avérèrent être vides. En tout cas, ils semblaient l'être.
Elle se surprit à penser que l'un des patients fous qui étaient présents dans le film pouvait surgir à n'importe quel moment et de n'importe où pour lui sauter à la gorge, et les battements de son cœur s'accélérèrent en même temps que sa respiration.
Une autre respiration, plus rapide, plus bruyante et plus intense, s'éleva alors dans la pièce.
- C'est quoi ?, chuchota Hazel d'une toute petite voix après avoir sursauté.
- C'est rien., répondit Craig en lui attrapant main. C'est Ambre qui fait une crise d'angoisse.
Le contact de son frère la rassura et son inquiétude descendit immédiatement d'un échelon.
Sans lâcher la main de sa jumelle, Craig déposa l'autre sur la joue de Ambre et lui dit doucement :
- Ambre, calme-toi, essaye de respirer lentement...
- Attends, c'est ça ton conseil ?, s'indigna Ashley. Une mioche de dix ans à peine vient de bouffer son mec, et toi, tu lui suggères de respirer ?!
Elle leva les bras au ciel et écarquilla grand les yeux devant l'absurdité de la situation. Craig recula, vexé.
- Non mais pour qui tu te prends, toi !, s'emporta Hazel en pointant un doigt vers Ashley. Tu vas lui parler autrement, pigé ?
- Je lui parle comme j'ai envie, pigé ?, rétorqua Ashley en plantant ses prunelles bleues dans les noires d'Hazel.
- Stop vous deux !, intervint Lenny. Ce n'est pas le moment de vous disputer.
Il éloigna les deux filles en se plaçant entre elles, craignant que la situation ne s'aggrave si elles venaient à se battre. Les choses étaient déjà assez compliquées comme ça, il ne fallait pas en plus qu'elles en rajoutent avec leurs enfantillages.
Maxime, lui, qui n'était pas intervenu depuis le début de cette galère dans laquelle ils étaient tous coincés, était concentrée sur celle que tous délaissaient : Ambre.
Il avait posé une main sur sa joue, une autre sur son bras, et la regardait d'un air bienveillant en lui prononçant quelques mots.
Comme ils faisaient presque la même taille, leurs fronts étaient collés l'un à l'autre et de temps en temps, Ambre hochait vivement la tête en déglutissant sa salive, comme pour approuver quelque chose. Elle avait l'air de s'être un peu calmée.
S'ils n'avaient pas été dans une ambiance aussi lugubre et dans une situation aussi glauque, Lenny aurait pu jurer que ces deux-là étaient sur le point de s'embrasser.
- Bon., lâcha Vania après un long silence. Je suis désolée...
- Sans blague, Vania ?, s'énerva Ashley.
- Ça suffit !, intervint une nouvelle fois Lenny en plaçant la paume de sa main devant elle comme pour l'empêcher d'avancer.
Ashley perdait son calme. Elle donnait l'impression de vouloir se jeter sur tout ce qui bougeait, n'importe quoi tant que ça pouvait la défouler et qu'elle pouvait cogner. Lenny se réjouit doucement de cette agressivité enfouie en elle : elle pourrait s'avérer efficace, si une gamine meurtrière ou une autre chose du genre venait à les attaquer. Les faibles prenaient peur et fuyaient, les forts se battaient et restaient, et lui, il faisait définitivement partie des faibles.
- Je propose qu'on aille chercher cette foutue télécommande., annonça Lenny comme s'il suggérait de partir en expédition.
Ashley ricana.
- Non je propose que elle aille chercher la télécommande !, corrigea-t-elle en pointant un doigt accusateur vers Vania. Nous, on l'attend ici.
Elle pointa ce même doigt vers le sol pour joindre le geste à la parole. Lenny s'apprêta à rétorquer quelque chose quand une douce voix brisée intervint.
- Taisez-vous. Vous allez attirer les monstres...
C'était Ambre qui avait parlé.
Calmée mais encore en état de choc, ses yeux marrons fixaient le vide et elle se tenait aux bras de Maxime pour ne pas tomber. Celui-ci avait placé une main réconfortante dans son dos et la caressa doucement, comme pour la rassurer.
- Ambre a raison., appuya Craig. N'oublions pas qu'il y a des créatures, dehors, qui sont susceptibles de nous attaquer à tout moment. Alors pour notre sécurité, je suggère que nous restions ensemble.
Vania approuva cette idée, soulagée. Pour tenter d'arranger les choses, du moins, autant qu'elles pouvaient l'être, elle émit la théorie qui lui traversa l'esprit à l'instant même :
- Si on ne peut pas retrouver la télécommande tout de suite, on pourrait peut-être au moins essayer de sortir du bâtiment. On aurait moins de risque de se faire... Enfin de...
Hazel, qui comprenait l'idée, fut navrée de briser les espoirs de son amie.
- C'est impossible., souffla-t-elle. Le film a été conçu ainsi. L'action commence dans l'hôpital, elle se termine dans l'hôpital. C'est comme ça que l'hologramme est programmé...
Un silence pesant et une ambiance d'une tristesse infinie s'écroula alors sur eux tous, fracassant les espoirs des uns et les rêves des autres comme un pan de plafond aurait fracassé leurs crânes.
C'était comme si Hazel avait prononcé leur arrêt de mort. Comme si elle venait de leur dire qu'il n'y avait plus aucune solution, et qu'ils allaient tous mourir ici.
Mais l'espoir et l'instinct de survie étaient des sentiments dont il était difficile de se débarrasser, et dans le cœur de Lenny, une étincelle le raviva, en même temps qu'une once de courage.
- On ne va pas rester ici éternellement., annonça-t-il. On va sortir, tous ensemble, et chercher cette télécommande afin de mettre un terme à tout ça. Vania, tu ouvriras la marche et tu nous guideras, ok ?
Vania approuva d'un regard. Lenny jaugea les visages des autres et chercha leur approbation. Tous avaient les yeux levés vers lui, tous à l'exception de Ambre, qui était toujours en état de choc. Mais dans ceux des autres, il voyait uniquement le soutient et la confirmation que son idée était la bonne.
Alors, il ouvrit la porte et ils s'aventurèrent dans le couloir.