2. Le fragile, le brisé, siègent dans des temples et restent muets.

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Au bout d'un peu plus d'une heure et demi, les huit amis se retrouvèrent dans le hall d'entrée de l'hôpital, là où se terminait le film. Les notes de la chanson de Bring me the Horizon résonnèrent dans leur oreilles, accompagnant le générique.
Ambre était accrochée au bras d'Estéban, tremblante. Elle avait détesté ce film, et voulait à tout prix quitter cet endroit lugubre. Il faisait froid, le carrelage au sol était fissuré et cassé à plusieurs endroits, et le néon au plafond grésillait, rendant l'ambiance encore plus glaciale. Les murs délabrés et eux aussi fissurés lui donnaient une impression désagréable d'enfermement et de claustrophobie. Elle avait l'impression qu'ils se rapprochaient d'elle, et qu'ils la narguaient en répétant dans sa tête qu'elle ne quitterait probablement jamais ce lieu.
C'était ce que son inconscient n'arrêtait pas de lui asséner dans l'esprit : l'impression qu'elle ne pourrait pas partir d'ici.
-        On peut revenir dans le monde réel ?, demanda-t-elle d'un ton insistant pour chasser ses pensées lugubres et tenter de se rassurer.
Estéban se tourna vers elle et lui attrapa le menton pour relever son visage et la regarder dans les yeux.
-        T'inquiète, encore quelques secondes., la rassura-t-il avant de l'embrasser.
Pourtant, quand la musique fut achevée et qu'un silence presque inquiétant la remplaça, rien ne se passa. Le film restait au même point, et le néon continuait de grésiller au-dessus de leurs têtes.
-        C'est normal, ça ?, demanda Hazel, perplexe.
-        C'est rien. Ça doit être un petit bug., annonça Estéban.
Un frisson parcouru l'échine d'Hazel. Aussitôt, son jumeau ressentit le même frisson. Il se rapprocha de sa sœur et passa un bras autour de ses épaules, comme pour la rassurer.
-        Vania, tu peux désactiver l'hologramme avec la télécommande s'il te plaît ?, s'impatienta Ashley.
Tout le monde approuva cette idée. Étrangement, un léger sentiment d'angoisse s'installa en eux. L'idée de revivre le film une seconde fois les rendait nerveux, mais il n'y avait pas que ça. Un autre sentiment, très puissant, s'insinuait également dans leurs esprits et leurs corps : celui que quelque chose d'autre clochait. Mais impossible de savoir exactement de quoi il s'agissait, il y avait seulement le mal être qui persistait.
-        T'attends quoi ?, répéta Lenny à Vania.
-        Je... Je ne la trouve pas..., avoua la pom-pom girl d'une voix tremblante, tout en tâtant les poches de son pantalon à plusieurs reprises.
Le cœur de Ambre manqua un battement. Elle s'énerva :
-        Tu te fous de nous ou quoi ? Si c'est une blague elle n'est pas drôle ! Comment ça tu ne la trouves pas ?
-        Calme-toi babe., ordonna gentiment Estéban en attirant Ambre contre lui. Il reste la commande vocale.
Il afficha un sourire présomptueux et passa une main dans ses cheveux qui n'avaient pas bougé, malgré les nombreux sprints qu'ils avaient fait quelques minutes plus tôt. Puis, d'une voix claire et en décomposant chaque syllabes, il ordonna :
-        Arrêter. Le. Film.
Quelques secondes après, une voix féminine robotique leur répondit :
-        Commande vocale désactivée.
Estéban fronça les sourcils. Son cœur s'accéléra. Ambre avait de plus de mal à respirer.
Maxime et Lenny se regardèrent en grimaçant d'incompréhension, Craig et Hazel resserrèrent leur étreinte fraternelle, Ashley croisa les bras contre sa poitrine et tapa du pied, et Vania, elle, se sentit désemparée.
-        Comment ça « commande vocale désactivée » ? Je ne la désactive jamais ! Arrêter. Le. Film., répéta Esté en insistant sur chaque mot.
-        Commande vocale désactivée., prononça à nouveau la voix mécanique.
-        Réactiver la commande vocale !, ordonna Estéban en haussant la voix.
-        Commande vocale désactivée.
Estéban lâcha Ambre, s'éloigna d'elle en la poussant presque et serra les poings. Il s'apprêtait à répéter son ordre une troisième fois quand Lenny l'en empêcha.
-        Mec, laisse tomber... T'as vérifié le matériel avant de lancer le film ?
-        Pour quoi faire ?, rétorqua Estéban en fronçant les sourcils.
Vérifier le matériel, et puis quoi encore ? Il était sportif, pas technicien, et il ne comprenait rien à toutes ces conneries de puces et de fils électroniques.
-        Bon..., tenta de calmer Craig. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
-        On est coincés ici, on va mourir..., chuchota Hazel d'un ton inquiet.
-        N'importe quoi !, rétorqua Lenny. Mais de toute façon si ça devait être le cas, avec Craig vous seriez les premiers à crever parce que vous êtes black.
Il accompagna sa blague douteuse d'un rire gras.
-        Non, toi tu vas mourir en premier parce que t'es le plus con !, rétorqua Craig froidement.
Lenny cessa de rire aussitôt, peiné.
Tout ce qu'il voulait, c'était faire de l'humour et détendre l'atmosphère de la situation, pas vexer qui que ce soit.
-        Bon, sérieusement., repris Craig au bord de la crise de nerfs. Qu'est-ce qu'on fait ?
-        On ne fait rien !, s'emporta Estéban qui avait tenté de réfléchir à une solution, en vain. On ne peut rien faire, si la commande vocale ne fonctionne pas, le seul moyen d'arrêter le film et de désactiver l'hologramme, c'est d'appuyer sur le foutu bouton off de cette putain de télécommande, ok ?
Conscient qu'il était en train de sortir de ses gongs, Estéban inspira un grand coup. Il était inconcevable qu'il puisse perdre la face devant ses amis, et encore moins devant Ambre. Il était capitaine de l'équipe de foot, il était fort, il était chargé de la sécurité de tout le monde ici. Si lui commençait à flancher, ils étaient perdus.
Il rassembla ses esprits en s'encourageant mentalement avant de demander calmement à Vania si elle se souvenait à quel moment du film elle avait perdu la télécommande, en admettant qu'elle s'en souvienne.
Nerveusement, la pom-pom girl rassembla quelques mèches de ses cheveux blonds bouclés derrière ses oreilles et enroula l'une d'elles entre ses doigts fins.
-        Euh..., commença-t-elle. Je ne sais pas, je crois que ça devait être pendant les vingt premières minutes, quand on courait dans l'esca...
Un cri strident, de surprise et de peur, retentit alors et la coupa dans sa phrase.
Tous sursautèrent et se retournèrent vers la source du hurlement.
C'était Ambre qui avait crié.
La main plaquée sur sa bouche et les larmes aux yeux, elle désignait Estéban de son autre main.
-        De... Derrière toi..., chuchota Ambre.
Estéban se retourna et dévoila ce vers quoi le doigt de sa copine pointait.
Tous purent observer une fillette au regard assassin et à l'allure délabrée. Ses longs cheveux salles couvraient la moitié de son visage strié de coupures et de cicatrices diverses. Sa robe, à l'origine de couleur bleu ou rose, impossible de le déterminer, était désormais pleine de crasse, de sang, et déchirée à plusieurs endroits.
Elle pencha la tête sur le côté et afficha un long sourire sadique en regardant le groupe d'amis.
Tous, à l'exception d'Estéban, retinrent leur respiration et reculèrent d'un pas.
Estéban les observa faire et émit un petit rictus moqueur.
-        Relax les gars, elle n'est pas réelle.
Il s'avança vers la gamine pour prouver ses dires, mais avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, celle-ci lui enfonça violement son poing dans le ventre. Sous l'effet du choc et de la douleur, Estéban régurgita du sang.
Les sept amis assistèrent à la scène, horrifiés et impuissants. Pourtant, ils ne pouvaient détacher leurs yeux de ce qui était en train de se passer.
Quand la petite fille retira sa main de l'abdomen d'Esté, elle tenait en elle un organe. Lenny reconnu l'intestin grêle.
Estéban s'écroula au sol, à genoux, et toujours en vie. La douleur était si forte qu'il lui était impossible de s'évanouir. Ce fut pire quand l'enfant mordit dans son intestin pour le dévorer.
À ce moment là, Ambre hurla, et attirée par ce cri, la gamine se retourna dans leur direction.

L'Hôpital des Âmes [Hospital for Souls] {correction à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant