Sauvage

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Les premiers temps, ce fut très dur. Mes réserves s'étaient évidemment épuisées au bout de deux jours. Les 2 premières semaines, la faim était devenue ma meilleure amie. J'étais restée cachée dans la forêt pendant 15 jours. Je me nourrissais de fruits et me désaltérais à une source d'eau fraîche, près de laquelle j'avais installé mon campement.
Deux fois, la police avait parcouru les bois à ma recherche, hurlant mon nom et m'assurant que je ne risquerais rien si je les rejoignais. Sauf de revenir à Funny Side. Je sentais que si je retournais là bas, je n'y serais pas en sécurité. Le comportement de Tybalt m'avait réellement effrayée.

Après 2 semaines, j'étais si faible que j'avais du mal à marcher. Ce n'étaient pas les fraises des bois ou les mûres qui m'aideraient à tenir... Il fallut donc que je sorte des bois. Je n'avais pas d'argent, mais j'étais rapide et discrète. Je m'introduisis dans un supermarché, dans la réserve à l'arrière de la boutique. Je pris un cagette de pommes  et une autre de cerises. Je sortis par l'arrière et personne ne me remarqua.
Trois jours plus tard, j'entrai dans une maison, vérifiant auparavant que personne n'était là. Je me servis dans un immense placard. Je pris des gâteaux secs, deux tablettes de chocolat et même des bonbons. Dans le frigo, je trouvai une bouteille de lait entamée. Je m'en emparai et sortis de la maison. La honte m'envahissait chaque jour un peu plus. Mais n'étant pas majeure, je ne pouvais pas postuler pour un emploi. Surtout que j'étais toujours recherchée. Il me restait jusqu'au 4 janvier avant de pouvoir circuler librement dans la ville. Une fois majeure, ils me laisseraient tranquille, non ?

Vers mi-août, je commençais à connaître la forêt comme ma poche. Je savais monter aux arbres avec une aisance incroyable.

Vers fin août, une équipe de recherche rafla une nouvelle fois les bois. Heureusement, je me trouvais sur la branche d'un noyer, adossée contre le tronc. Un homme trapu, qui semblait être le chef remarqua :
"La gamine a sans doute raison. Elle a dit qu'elle était partie dans le sud... Je vais téléphoner à James Prington pour discuter de cette affaire".
La troupe fit aussitôt demi-tour.

L'après-midi même, je m'introduisis dans l'établi d'une villa, au fond d'un immense jardin. Je volai une boîte à outils sûrement plus lourde que moi ainsi qu'une dizaine de planches. Pendant une semaine, je construisis une cabane dans chêne à une quinzaine de mètres du sol, tout près de la source d'eau. Plus d'une fois je me blessai avec le marteau ou les clous, mais je guérissais presque instantanément. Ce phénomène étrange ne m'inquiétait plus désormais, je m'y étais habituée. C'était très pratique, d'ailleurs.

Juste après avoir terminé mon refuge, je me dirigeai vers la grande villa. J'escaladai le grillage, une main occupée à tenir la boîte à outils. Une fois arrivée en haut, je jetai la boîte par terre et me hissai par-dessus la grille. Alors que je traversai une partie du jardin, un immense chien accourut, aboyant comme un fou. Tétanisée, je courus de toute mes forces jusque dans l'établi et claquai la porte juste à temps. Le chien commença à gratter à la porte furieusement et continuait à aboyer. Une petite fenêtre me permit de l'observer. Je croisai le regard furibond de l'animal. Il gronda, et sans le vouloir, je grondai à mon tour. Comme un animal. Choquée, je portai une main à ma bouche. Le chien se recroquevilla sur lui-même et mit sa queue entre ses jambes. Que venais-je de faire ?!

La baie vitrée de la maison coulissa. Le chien jappa à la vue de son maître, puis reporta son attention sur moi.

"Que t'arrive-t-il, mon beau ?" s'inquiéta un homme d'une quarantaine d'années.

Il était très séduisant pour son âge. Un pull en laine était posé sur ses épaules. Il avait un nez aquilin vraiment impressionnant et un regard bleu piscine.
Le chien remuait la queue, faisait des tours sur lui-même. Bref, il était agité. Il revint près de la porte de la cabane et recommença à gratter sur la porte en bois.

Tala AnabaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant