Adieu

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Après avoir entendu les paroles d'Iskander : "Lupa a repris forme humaine", sans même nous concerter, nous nous élançâmes dans la neige et courûmes jusqu'à la maison principale. Nous entrâmes sans bruit et enlevâmes nos chaussures et nos manteaux. 

"Tu l'as vue ?" demandai-je à Iskander. 

Il secoua la tête. Il avait l'air aussi agité que moi, si ce n'est plus. Dans les escaliers, nous croisâmes le père de Kaya et Ayasha. Il parut hésiter en nous apercevant, puis dit :

"C'est bon, allez-y. C'est de vous qu'elle a besoin, après tout."

Puis il nous dépassa sans rien ajouter. Isk et moi échangeâmes un regard inquiet, puis grimpâmes quatre à quatre les marches qui restaient. Nous traversâmes le couloir rapidement, mon cœur s'affolant de plus en plus. Une fois devant la porte, nous découvrîmes les parents de Shyam et Nayeli en train de discuter à voix basse. Lorsqu'ils nous aperçurent, ils se turent subitement. Citlali, leur père, prit finalement la parole :

"Lupa a repris forme humaine cette nuit. À cause de sa transformation, certaines de ses plaies se sont rouvertes. Elle a perdu beaucoup de sang. Lubin a bientôt fini de la soigner."

Lubin était le père de Peter et Stan. C'était lui qui avait pansé les plaies de Lupa lorsqu'ils l'avaient ramenée au début des vacances. 

"Vous n'avez qu'à attendre, on vous appellera quand il aura terminé." proposa Maiara.

Je hochai la tête et entraînai Iskander dans la chambre de ma mère. Voyant qu'il était tétanisé, je le forçai à s'asseoir sur le lit à baldaquin de ma mère. 

"C'est bien plus grave que ce que j'avais imaginé." lâcha-t-il d'une voix tremblante.

Je posai une main sur sa cuisse pour lui montrer ma compassion. Lupa était comme une mère pour lui. Je le savais, j'arrivais à ressentir son inquiétude et son effroi.

"Lupa est forte, elle va s'en remettre. Et puis, elle est entre les mains de Lubin !"

Iskander plongea son visage dans ses mains. Son pied droit claquait rapidement sur le sol. 

"Je ne peux pas la perdre... Elle m'a élevée, c'est elle qui veille sur moi depuis toujours." 

J'aurais voulu l'embrasser pour le calmer. Mais après ce qu'il avait vu dans la forêt, mieux valait éviter. Il était sûrement en colère, et je ne l'en blâmais pas. Au contraire, cela me fichait la trouille. Et s'il n'avait plus envie de moi à ses côtés ? J'enlevai ma main de sa cuisse. Il était bien trop poli pour oser me demander de l'enlever... 
Mon geste attira son attention. Il regarda sa cuisse, puis ma main qui l'avait quittée, et leva les yeux vers moi. J'évitai soigneusement son regard ambre. Je le vis du coin de l'œil ouvrir sa bouche, puis la refermer. Il allait me le dire, j'en étais sûre. Il allait me demander de m'en aller et de ne plus jamais lui adresser la parole. 
Mais non. Soudain, il prit ma main dans la sienne et en caressa le dos avec son pouce. 

"Tala, à propos de toute à l'heure avec Akis..."

N'y tenant plus, je pris les devants, terrorisée :

"Je te promets, Isk, ce n'est pas ce que tu crois. Akis est un crétin, il ne m'intéresse pas. C'est juste que..."

Iskander posa un doigt sur mes lèvres qui s'immobilisèrent aussitôt. Il releva mon menton et me força à le regarder dans les yeux :

"Tala, je ne doute pas de toi... C'est ce que je voulais te dire. J'ai confiance en toi, je sais que tu es quelqu'un de bien, avec des principes."

Je clignai des yeux plusieurs fois, surprise. Il ne me faisait pas la morale ?

Tala AnabaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant