Seattle

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Tybalt me réveilla deux heures plus tard. Non, Iskander, plutôt. Il allait falloir que je m'habitue... Bref, lorsque j'ouvris les yeux, je découvris un paysage magnifique. La ville de Seattle se donnait en spectacle, scintillante. Des immeubles éclairés, des panneaux publicitaires, des bâtiments illuminés. À cela s'ajoutait une immense tour très particulière. Le haut ressemblait à une soucoupe volante posée sur un socle. Le ciel était sombre et sans étoiles.

"Nous sommes bientôt arrivés, j'ai pensé que tu aimerais voir ça" chuchota Iskander à côté de moi.

Je fus touchée par son geste. Je n'étais jamais allée dans cette ville.

"C'est la Space Needle Tower", m'apprit Iskander. "On peut monter dedans et observer Seattle."

"Tu es déjà monté dedans ?" demandai-je avec curiosité.

Il secoua la tête.

"Non, j'en ai juste entendu parler. Mais j'aimerais bien, ce doit être incroyable !"

Je détachai mon regard du sien et me concentrai sur la ville. Une demi-heure plus tard, nous récupérions nos valises dans la soute du bus.

"Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ?" demandai-je en enfilant la doudoune qui perdait ses plumes.

Iskander tapota un instant sur son portable. Il se frotta le menton. Il ne paraissait pas tout à fait serein.

"Ils nous ont trouvés ? Ceux qui me traquent ?" m'enquis-je d'une voix nerveuse.

Iskander leva les yeux de son portable et parut enfin se rappeler que j'étais avec lui.

"Non, c'est... De mauvaises nouvelles. Mais tu peux être sûre que les autres te cherchent encore dans la forêt. Ils ne sont pas très malins. Enfin bref, nous devons trouver un hôtel où dormir."

Iskander prit mon sac sur son épaule droite, et le sien sur son épaule gauche. Je me contentai donc de mon sac de couchage.

"Allons par là." ajouta-t-il avant de marcher à une allure que j'avais du mal à suivre.

Je créais des petits nuages de vapeur à chaque expiration. Je ne fis pas vraiment attention au trajet, tant j'étais intriguée par cette grande ville. À part Olympia, je n'avais jamais vraiment voyagé. J'étais allée une fois en Floride avec le vieux monsieur qui m'avait gardée plusieurs années alors que j'étais encore très jeune. Mais j'en avais de vagues souvenirs. Là, même en pleine nuit, l'ambiance était joyeuse. Des gens chantaient dans les rues, des bars étaient installés tout le long des trottoirs et les vitrines des magasins étaient éclairées. Nous croisions des taxis toutes les deux minutes. Bref, c'était vivant.

Sans m'en rendre compte, je me retrouvai dans le hall d'un hôtel très moderne. Iskander parlait avec la concierge, qui lui tendit des clés.

"Passez une bonne nuit" dit-elle avec un clin d'œil. 

Je ne sais pas vraiment ce qu'elle insinuait par là, mais je n'eus pas envie creuser la question. Je suivis Iskander et nous entrâmes dans un ascenseur éclairé d'un néon désagréable.

"Elle ne t'a même pas demandé ta carte d'identité !" lançai-je, surprise, alors que nous gravissions les étages.

Iskander haussa les épaules.

"Je n'ai pas l'air d'avoir quatorze ans. Et puis, j'ai de l'argent. C'est ce qui compte."

Il est vrai que maintenant que je le regardais de plus près, il faisait effectivement plus vieux que ce qu'il avait prétendu à Funny Side. Sa barbe de trois jours accentuait ce sentiment.
Une petite sonnette retentit. Une voix féminine annonça le douzième étage. Mon compagnon sortit dans le couloir, et je lui emboîtai le pas. Une lumière agréable éclairait le corridor et la moquette au sol était très propre. Pas un tache ou un mouton de poussière. Iskander enfonça la clé dans la serrure de la chambre quinze.
L'appartement n'était pas très grand, mais c'était bien mieux que de dormir dans une cabane humide. Je fus émerveillée de constater que nous avions vue sur la Space Needle qui nous regardait de haut.
Iskander alluma la lumière. Je découvris que la pièce ne comportait qu'un lit double, une armoire vide et deux tables de nuits, une de chaque côté du lit. Je croisai le regard légèrement perturbé d'Iskander.

"Il n'y a qu'un lit"

"Il n'y a qu'un lit"

Nous avions parlé en même temps. Nous échangeâmes un sourire gêné, puis je traversai la pièce et entrai dans une autre, plus petite : la salle de bain.

"J'ai pris la chambre la moins chère" m'expliqua-t-il en fermant la chambre à clé. "Je pourrai dormir par terre, si tu veux".

J'haussai les épaules et secouai la tête :

"Ça ne me dérange pas. Le lit est grand."

Je restai concentrée sur la douche. Bien sûr que j'étais gênée. Mais je ne voulais pas qu'il dorme sur de la moquette alors que le lit était assez grand pour que nous puissions éviter tout contact corporel. Je l'entendis poser nos affaires sur le sol. J'éteignis la salle de bain et m'assis sur le lit, du côté de la fenêtre. Je vis un avion passer dans le ciel.

"Qu'est-ce que nous allons faire, demain ?" le questionnai-je alors qu'il ôtait son t-shirt.

Je découvris ses abdos, et je déglutis bruyamment. Je détournai le regard et attendis qu'il me réponde.

"Nous allons attendre les instructions."

"Quelles instructions ?"

Iskander soupira bruyamment. Il prit place sur le lit, lui aussi. Du côté de l'armoire à vêtements. Je l'entendis se coucher.

"Je répondrai à toutes les questions que tu voudras quand j'aurai passé une bonne nuit de sommeil. Ça fait bien longtemps que ça ne m'est pas arrivé, et j'aimerais en profiter, si ça ne te dérange pas."

Je me tournai vers lui, interloquée. J'avais des centaines de questions qui m'embrouillaient l'esprit, qui m'empêchaient de penser correctement !

"Tu ferais bien de dormir un peu, demain nous avons une grosse journée." murmura-t-il d'une voix pâteuse.

Je levai un sourcil.

"Je croyais qu'on attendait les instructions ?"

"On peut les attendre tout en s'occupant" soupira-t-il. "Tais-toi, maintenant. Et n'essaie pas de te faire la malle, je t'entendrai."

J'expirai bruyamment à mon tour et me levai pour tirer les rideaux. J'étais sûre qu'avec cette vue, je ne pourrais pas fermer l'œil de la nuit. J'enlevai mon pantalon et mon pull et me glissai sous la couverture à mon tour. Je fis bien attention à ne pas toucher le corps d'Iskander, qui dormait déjà. Je fermai les yeux à mon tour. Il devait être trois heures du matin, au moins. Je ne mis pas longtemps à sombrer.


"Allez, debout la marmotte !" fit une voix grave en tirant la couverture.

Je clignai des yeux plusieurs fois. Puis je croisai le regard amusé d'Iskander. "Merde" pensai-je mentalement en m'asseyant et en tirant sur mon t-shirt pour qu'il me couvre les cuisses. Mon acolyte arborait la même tenue que lorsqu'il s'était endormi : son pantalon noir et rien sur le torse. Euh, sur le dos. Enfin rien pour couvrir ses muscles, quoi. 

"Bien dormi ?" demanda-t-il en sortant une trousse de son sac à dos.

Je me frottai les yeux et répondis :

"Quelle heure est-il ?"

"Neuf heures trente-sept. Tiens, il y a des croissants, du thé et du jus d'orange" ajouta-t-il en me montrant un plateau posé sur ma table de chevet.

Je passai une main dans mes cheveux en bataille, essayant de m'arranger. Sans miroir, c'était peine perdue. Depuis quand mon allure avait de l'importance ?! Je tendis le bras et mordis dans le croissant tout frais. Iskander disparut dans la salle de bain pour y prendre une douche.

"Est-ce qu'on a reçu des instructions ?" m'enquis-je après avoir mis un nuage de lait dans mon thé.

"Nous avons rendez-vous dans un parking sous terrain demain à huit heures précises." s'écria-t-il depuis la douche.

Ses phrases mystérieuses commençaient sérieusement à m'agacer. Cinq minutes plus tard, j'entrai dans la douche et fis attention à ne pas mouiller mes cheveux. J'enfilai ensuite des habits propres et chauds. Je ne pris pas la peine de me maquiller. Je ne l'avais pas fait depuis des mois, alors pourquoi le faire aujourd'hui ?

"Qu'est-ce qu'on va faire jusqu'à demain matin ? On va rester cachés là ?"

"Non" sourit Iskander. "On va aller jouer aux touristes. Mets ta veste, il fait froid."

Nous sortîmes de la chambre, Iskander ferma à clé et nous entrâmes dans l'ascenseur.

Tala AnabaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant