/partie I / 2/8

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- Arria! cria brutalement Mr Drust alors que mon regard se portait sur les jardins de Madame Cavorelle que j'observais depuis la fenêtre.

Il s'agissait de ce bon vieux Mr Drust dont les rides avaient recouverts l'intégralité de son visage aux fils des saisons. Huitièmes années d'école, et à quatorze ans, c'est toujours ce Mr Drust qui nous enseignait des cours aussi long qu'était courte la jupe de Clarisse aujourd'hui...

je me redressai alors, le coude appuyait sur la table abrupte et ma tête au creux de ma main, habituée à ses réflexions excessives.

-Si l'extérieur te semble plus intéressant que mon cours tu peux partir!

Pour lui, l'extérieur signifiait ce qui se trouvait en dehors de l'école, et donc partir se relirai au fait de quitter la classe.

Dans mon esprit, il y avait une nuance.

"Si l'extérieur...": pour moi il s'agissait clairement de ce qui pouvait se trouver derrière les barricades du village.

"...Te sembles plus intéressant que mon cours". Tant de justesse en une phrase... je préférerai largement parler de cet extérieur que de continuer à écouter ses rabâchages historiques et géographique dédiés à la terre d'autrefois.

"... tu peux partir!". Serait-ce une invitation a quitter le village? Dans ma tête oui.

Et il y avait tant de différences entre sa tête et la mienne.

-Tiens Arria, reprit-il. Maintenant que tu sembles disposée a travailler, vient me situer Gravich sur la carte!

Je me levais, en sachant d'avance que je ne connaissais pas la localisation de ce nom propre.

Je me trouvais face au tableau, face à carte, espérant trouver le nom Gravich écrit quelque part.

-A croire que ce n'est pas un grand pays, puisqu'il n'est pas mentionné sur la carte, lui dis-je en souriant timidement.

Parfois, il valait mieux ne rien dire plutôt que tenter de se rattraper, mais j'étais comme ça.

Il se mit à souffler, ce genre de souffle de désespoir. Est-ce que cela avait déjà aidé quelqu'un?

Il se tourna vers le reste de la classe et voir leur visage plein de mépris m'agaçait plus qu'autre chose. J'avais l'étrange impression d'être jugée... peut-être parce que c'était le cas. J'étais mal vue, mal appréciée. Je me sentais sans cesse épiée, ressentant leur regard posé sur moi avec honte, comme si j'étais une moins que rien.

Et je ne parlais pas seulement des personnes présentes dans cette classe, il y avait aussi leurs parents et les autres villageois qui me dévisageaient ainsi. J'étais donc devenue cette fille. Cette fille qui s'enferme puis qui explose, cette fille associable ou juste différente. Moi...

Je me détestais, par mon caractère mais aussi par mon atroce physique. J'étais malade, je possédais dans mon corps un virus qui pouvait gravement nuire à ma santé. Je n'en savais pas plus, tout ça était très complexe. Ma mère a remué ciel et terre pour me trouver un remède. Ce médicament sous forme de cachet, en échange de me sauver, était destiné à empêcher la pousse de la moindre pilosité sur mon corps.

Pas une seule fois dans ma vie je n'ai pu ne serait-ce que percevoir la couleur de mes cheveux ou sentir leur texture. Jamais le vent n'a soufflé dessus me forçant à les dégager de mon visage avec ce geste si singulier que toutes le filles faisaient. Mais malgré la féminité que ce manque m'enlevait, j'en avais l'habitude et ma vie me convenait très bien ainsi car je savais pertinemment que je ne pouvais pas tout avoir.

Alors cela ne me dérangerait pas si seulement les habitants ne me mettaient pas dans un autre panier du fait de ma différence physique...

J'avais donc cette habitude à me sentir observer, jusqu'en devenir paranoïaque et je ne voyais plus que ça. J'avais l'impression d'être à part, à côté, comme si je ne rentrais pas dans ce cercle du modèle unique à suivre et que je ne trouverai jamais ma place ici...

-Morale de l'histoire, écoutez en classe si vous ne voulez pas paraître aussi futile que l'est actuellement votre camarade.

Je venais de me prendre une claque...

-Et travailler bien surtout, pour ne pas vous retrouver plus tard à donner des cours aussi futiles que ceux que nous devons écouter.

Moi aussi je pouvais en donner, et avec le sourire.

Mais... malgré mon air de fille forte, je suffoquais sous leur regard insistant et l'ambiance de classe était devenue lourde et silencieuse. Tant de regards froids étaient orientés sur ma petite personne. Je voulais changer d'air et oublier la vision de leur yeux irrespectueusement braquait sur moi avant de craquer. Comme me le rappelait souvent ma mère, je n'avais pas le droit de m'énerver.

Alors je quittai la classe.
La simplicité était ma devise.

-Arria, je te pris de reprendre ta place!

Cause toujours papi.

Une fois dehors je décidai de partir vers les bois. Une brise de vent balayait les feuilles qui ornaient le sol. Je me sentais libre, contrairement aux autres élèves de la classe, soumis à écouter des sottises historiques à longueurs de journée, leurs faisant croire que restait enfermé à pourrir ici était une bonne chose pour eux.

Mon visage, inexpressif et morne, se reflétait contre la vitre de l'épicerie que je contournai. Mes yeux étaient rouges et ma tête triste. Je me sentais si faible lorsque je n'avais pas la force de sourire. J'étais remplie de haine et d'incompréhension; Je crois bien que j'avais peur.

Le silence... ma matinée résumée en un mot. Quoique solitude conviendrait aussi? Bref. Mr Drust ira sûrement voir ma mère à midi et elle se fera encore du souci... C'était la seule personne pour qui j'avais de la valeur.

Désolé de te décevoir maman...

Comme à mon habitude, à chaque escapade de classe, je me rendais dans cette clairière verdoyante, aussi calme qu'apaisante, qui avait le don d'anesthésier ma colère. Il faisait bon, le vent frais passait sur mon visage. Un temps parfait pour faire l'école buissonnière.

Allongée sur le dos, je caressais de mes mains l'herbe tendre sur laquelle j'étais allongée. Je me laissais bercer par le chant des oiseaux, tels des murmures soporifiques. Le ciel était dégagé et j'analysais les quelques nuages dont il était garnis. Je ne faisais pas grand-chose, mais j'étais bien. Loin des autres et surtout seule. Comme si la solitude enlevait tout le poids que portaient mes épaules...

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Merci de ta lecture ❤

La Légende D'ArriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant