Lacrimae

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Simon se tapait le front avec sa main, vêtu de son pyjama blanc vétuste. Il voulait que tout cela se termine au plus vite, que le vide sorte de son cœur, que le néant ne soit plus une part entière de lui, ni même qu'il n'existe. Il voulait la vie emplie d'odeurs de muscade, de sublimes arbres et de sentiments ardents, et non de relents fades, d'idées macabres et de sang. Son visage virait au rouge, sa lèvre inférieure saignant lentement. Il s'allongea sur son lit et s'empêcha de respirer un court instant. Il saisit alors son téléphone portable et l'alluma. Il fixa l'écran lumineux et commença à écrire, ses doigts tapotant la surface de son cellulaire. 

-Putain, James, ça fait bientôt trois semaines, pourquoi tu viens plus à l'école ? Pourquoi tu ne réponds plus ? Victor et moi on s'inquiète énormément, sans toi, il n'y a plus d'équilibre, mes visions reviennent 

-Ne t'inquiète pas Simon. Je vais bien. Il ne faut pas vous inquiéter.

-Oh sainte mère de Dieu, tu réponds ! Putain de merde de Jésus, pourquoi tu répondais pas ?

-Ils m'ont renvoyé en hôpital psychiatrique. 

-Pourquoi ?!? Et d'ailleurs, pourquoi ils t'ont relâché si tôt et si... rapidement ?

-Tu ne m'en voudras pas ?

-Non

-J'ai fait une tentative de suicide. Je sais que c'est complètement stupide et qu'on en a déjà parlé des millions de fois, mais je suis presque sûr que le seul moyen d'effacer la Bête c'est de nous effacer tout d'abord. Sinon je suis sorti car ils ont décrété que ce n'était dû qu'à un excès de stress. Je dois juste me bourrer de médicaments si je ne veux pas y aller. Une nouvelle fois.

-Et moi je suis sûr et certain qu'il y a une autre option. Le suicide ne nous arrangera en rien, on ne sait même pas si la Bête mourrait vraiment ou si elle ira juste chercher un autre hôte, le mieux c'est d'attendre et récolter des informations sur elle et surtout comprendre son origine. Victor et moi on est déterminé à la connaître. Surtout lui en fait 

-Je sais, mais on évitera probablement à plein de gens de clamser. Il y a déjà eu deux morts, et je n'ai pas envie qu'il y en ai jamais deux sans trois. C'est plutôt égoïste de vouloir continuer à vivre alors qu'on a envie de mourir et qu'en continuant de faire ce que l'on fait, on enlève la vie indirectement à certaines personnes. Je dirais même que c'est affreux.

-James, je t'en prie, stop. On a envie de mourir depuis tellement longtemps que c'est cette envie qui nous a poussée à vivre. C'est glauque, mais c'est vrai, la vie nous a fait des coups de sales putes, mais comme on est des fils de pute, elle nous doit au moins le droit de continuer vivre

-Simon. La dernière fois que je suis venu à l'école, autrement dit il y a trois semaines,  le professeur a dit que "Le silence est l'arme des faibles" en me fixant. Ils sont censés former notre avenir, et il nous balance des piques à chaque fois qu'ils en ont envie. Tu vas probablement te dire que j'exagère, mais tu sais très bien que ça touche. Je préfère leur laisser ma vie pour qu'ils puissent détruire le monde qu'ils créent à leur guise. Si leur cruauté continue ainsi, on aura au moins eu la décence de les avoir occupés.

-Justement, si tu réfléchis ainsi, ça ne devrait pas se passer comme ça. Tu devrais avoir l'envie de laisser tous ces salopards crever, un par un. Ils ne comprennent pas la souffrance psychologique, et là je te parle en tant qu'humain et non monstruosité morte-vivante, et dénoncent uniquement la souffrance psychique, ils te font espérer avec leur beau blabla rempli d'idéologies parfaites et lorsque ton cerveau se lâche ils ne trouvent pas qu'on t'a assez tapé sur la gueule pour que ton envie de vivre se rompe sous tes pieds. Leur logique est différente de la nôtre, et on en souffre donc de leur méprisable vision de la vie. "Blabla, oui mais vous dites n'importe quoi, vous vous inventez des problèmes, blabla, ta mère est morte mais pense à tous ces Syriens qui meurent de jour en jour, c'est égoïste de pleurer pour elle, blabla" Si tu veux rejoindre le clan de la pseudo-bien-pensance, fais-le, mais sache que si tu fais ça, je perdrais un gars en or que j'adore. Et encore, adorer est un verbe bien trop faible par rapport à mes réelles émotions 

-Je ne veux pas rejoindre ce "clan" dont tu me parles, mais je veux juste arrêter d'être égoïste deux minutes. Si l'on réfléchit clairement quelques minutes, on comprend que c'est nous le problème.

-Non

-Tu ne me laisses même pas argumenter ?

-Non, à part si tu veux que je te laisse débiter des conneries. Mais bref, arrêtons de parler de trucs chiants comme ça, comment vas-tu maintenant, quand vas-tu revenir à l'école ?

-Je crois que je vais bien. Franchement, je ne peux pas te répondre. Je me sens à la fois vide et complètement rempli. Je suis la problématique du verre d'eau, sauf que moi, je ne suis ni à moitié rempli ni à moitié plein. Je suis juste. Sinon, pour l'école, je crois rentrer la semaine prochaine. En gros on devrait se revoir dans pas très longtemps, trois jours.

-OK, je comprends ce sentiment, mais essaie de ne pas trop y penser, d'accord ? J'espère que tu ne feras pas de bêtises d'ici-là, n'est-ce pas ?

-Ne t'inquiète pas pour ça. J'en avais déjà marre d'être en hôpital psychiatrique, je ne compte vraiment pas y retourner avec très longtemps. 

-D'accord, je vais dormir, les visions sont parties. Je crois. 

-Bonne nuit ! 

-Bonne nuit !!! 

Simon se coucha sur son lit et poussa un long soupir se perdant dans l'obscurité de sa chambre. Ses yeux papillonnaient, sautant de sa fenêtre au coin sombre où tous les monstres et les créatures diaboliques sévissent et dévorent les rêves des enfants afin d'y laisser un relent de cauchemar et de ténèbres. Il finit par fermer lentement clore ses paupières et s'endormir, le froid mordant du mois de septembre glaçant ses os. 

***

Le sang se répandait partout sur le sol. Victor se tenait devant ce terrible carnage, courbé et les bras brinquebalant. Simon vomit et James s'écroula sur le sol. Le temps paraissait s'étirer, rallongeant des secondes aux minutes et des minutes aux heures, bloquant les horloges et les concepts humains. Brisant le cinquième mur. 

Soudain, il entendit des bruits de pas derrière lui. Il se retourna et vit une masse compacte d'adolescents terrifiés et d'éducateurs paniqués. Ces derniers forcèrent le passage et hurlèrent, remuant également les élèves. Une femme fut la première à se ressaisir et les obligea à descendre afin de ne pas assister à ce spectacle. Simon se racla la gorge et prit la parole.

-Monsieur. Pourquoi vous n'êtes pas venu plus tôt ?

Il s'écroula lamentablement sur le sol, aux côtés de son amour. Victor se retourna et regarda les adultes. Il avança l'air menaçant et tomba lui aussi, mais à genoux. Il commença alors à sangloter et à chanter un air étrange.

Ad BaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant