Clausuris

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Sophie était assise sur son bureau, en pleurs. Toutes les lumières étaient éteintes, chose inhabituelle pour elle à cause de sa peur du noir. Elle se tenait la tête entre les bras, cachant les larmes qui se déversaient le long de ses joues pour tomber sur son meuble en acajou. Elle pleurait comme elle n'avait jamais pleuré, elle poussait parfois des petits cris, semblable aux jappements tristes des chiens dans les chenils. Elle serrait ses manches si fort qu'elle plantait ses ongles dans sa peau, traçant un arc dans sa chair. Elle se rongeait la lèvre inférieure, rabattait ses dents sur son tissu rouge et le mordait frénétiquement, comme si cela pouvait arranger son chagrin. Cela faisait depuis une heure qu'elle était assise, inconsolable. Il était pourtant six heures du soir, et elle avait reçu son bulletin quelques heures plus tôt. Elle s'imaginait la scène sans cesse ; elle se revoit, stressée et apeurée, songeant que la pire chose qui pourrait lui arriver est un échec dans une de ses branches principales. 

Elle essayait de se réconforter en se disant qu'elle avait fait son possible, que même si elle avait raté quelque chose, elle s'était donnée à fond. Elle était assise avec sa mère car son père avait encore fait un coma éthylique. Lorsque son voisin de banc, dépité, sortit de la classe suivi par les regards accusateurs de ses deux parents habillés en costumes semblables à des déguisements. La jeune fille se leva en même temps que son accompagnatrice matrimoniale et se dirigea vers la porte entrouverte. Derrière se cachait sa professeur de français, ses cheveux bruns coupés courts, son teint légèrement rouge parsemé de rides accompagné de grandes lunettes rouges et possédant un sourire empli d'une hypocrisie certaine. Elle les accueillit et les fit s'asseoir, une seconde fois, comme si l'annonce allait être tellement choquante qu'ils risquaient de s'étaler lamentablement sur le sol en voyant les résultats pittoresques. Ce fut la pensée exacte qu'eut Sophie à ce moment. Lorsque la titulaire tendit le bulletin au parent d'élève, l'adolescente se crispa. Quelles pouvaient bien être ses notes ? Elle avait peur. Puis elle vit sa mère arborer un grand sourire. Elle lui montra son bulletin et lui murmura un "Je suis fière de toi" que Sophie avait à peine entendu dans l'euphorie. Elle était si contente d'elle ! Ses points étaient bien plus élevés que d'habitude, et elle n'avait de problème dans aucune matière. Elle se sentait comblée, comme si avoir de beaux points était l'accomplissement de toute sa vie. C'est sûrement ce que la prof de français a pensé, vu ses sourcils arqués et son sourire hypocrite se transformant en un sourire gêné et gênant. Cela peut sembler évident pour quelqu'un d'extérieur au monde de la demoiselle ; il fallait comprendre comment ses nuits et ses pensées étaient troublées à cause de son rapport étroit avec la création et la destruction. 

Alors que Sophie venait de se remettre de ses émotions, la titulaire effaça immédiatement son sourire pour le remplacer par une mine grave, toujours fausse mais un peu plus sincère. Elle lui dit des mots doux, sympathiques. Alors qu'elle parla soudainement d'Éthan elle déglutit et tendit une lettre à l'adolescente. Son bonheur s'était offusqué et sa mère observait l'échange entre les deux femmes d'un œil sceptique, ne comprenant pas ce que l'enveloppe pouvait bien contenir. Sophie l'ouvrit. Elle perdit immédiatement le sourire. Au fur et à mesure que ses yeux descendaient pour arriver au fond de la lettre, son expression faciale devenait triste et intrigante et ses yeux devenaient de plus en plus humides. Lorsqu'elle eut fini d'analyser le papier, elle pleurait et tremblait de tous ses membres. Elle gémit, et fut secouée de spasmes. La professeure regardait la scène, essayant de comprendre comme quelqu'un pouvait réagir de la sorte. La mère et la titulaire s'échangèrent un regard et la figure maternelle se leva et prit sa fille par le bras et la poussa à sortir. La peau de Sophie était devenue si froide, comme si elle s'était gelée d'un seul coup. Sa mère ignorait le contenu de la lettre, mais cela devait être terriblement affreux pour que sa fille réagisse de la sorte.

Ad BaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant