6. Nue. Encore. (V.2)

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Sous ma forme féline, je demeurais cachée contre Jeb. Tous mes poils étaient hérissés par la peur, sans que je sache la raison. Je me sentais comme l'enfant qui a peur des monstres qui sont sous son lit, sans pour autant en avoir vu sous ceux-ci. Je voulais certes des réponses, mais je ne voulais pas rester ici.

Blottie contre lui, je commençais à me demander comment tout ceci pouvait être réelle. Certes, j'avais expérimenté quelques fois la transformation en chat chez moi, mais on ne m'avait pas parlé de divinités. Ni que j'allais rencontré des loups plus gros que nature, ni de portail magique ou spatio-temporel. Encore moins que j'allais avoir des visions, quoique la dernière n'était pas si effrayante. Prise avec mes réflexions, je plantais instinctivement mes griffes sur lui, le faisant ainsi grogner.

Eh ! Je ne l'ai pas fait exprès!


       - 
Merde, mais arrête ça, espèce de boule de poil!

Il me souleva par la peau du cou alors que je me débattais en lui crachant dessus. Je détestais quand il prenait ainsi! Je me sentais aussi petite qu'une souris entre les mains du prédateur. J'étais lassée d'être ballotée par lui, qu'il me terrorise!

Puis sa voix de velours retentit à nouveau:


       - Toujours aussi peu docile?

Je me figeais et regardais la magnifique femme à côté de moi. J'arrêtais de me débattre alors qu'elle me regardait de ses yeux verts pommes, pétillants d'une lueur étrangère. Ma première pensée en la voyant était le fait qu'elle était bien plus belle que sur la toile qu'on avait vu avant de se retrouver ici. Elle avait des traits fins, ciselés à la perfection, mais un regard déterminé. Ses lèvres charnues étaient d'une couleur rose à la fois vif et naturel. Elle possédait une taille avec de belles courbes, mais un corps entraîné. Elle avait la grâce d'une loutre, mais son avantage d'être imprenable tant elle était agile. Ainsi qu'une posture d'une femme à la fois sensuelle, mais mortelle.

Bref, à côté d'elle, je me sentais encore plus vulnérable que je ne l'étais déjà. Je frissonnais légèrement alors qu'elle se pencha vers moi et demanda:


       - Mais pourquoi prend-t-elle cette forme aussi insignifiante?

       - Je l'ignore, maîtresse.

Je les fusillais du regard, une frustration éclata en moi. Ils parlaient comme si je n'étais pas là, les deux idiots.

Dépose la, ordonna-t-elle à Jeb en premier avant de m'en donner un aussi : reprends forme humaine, Caith Sidh.


Je grognais malgré moi, mais Jeb répéta son ordre. Son regard inflexible me fit grogner encore plus alors que je tentais de ne pas baisser les yeux. Mais là dessus, je perdais aussi. Je lâchais un miaulement mécontent alors que j'arrêtais de me débattre.


Reprendre forme humaine. Je fermais les yeux, essayant de me souvenir comment j'avais réussi la dernière fois, dans la cuisine. Je m'efforçais de me calmer et de relâcher la tension dans mon corps. J'ai dû m'y prendre deux fois avant de parvenir à me détendre et à reprendre forme humaine. J'imaginais mon corps hâlé et mes cheveux aux couleurs dégradées du brun au blond doré. De nouveau cette sensation de vide avant de me retrouver prostrée au sol.

Nue. Encore.

Que je détestais cette faculté (ou malédiction je dirais...) qui me permettait de changer de forme. Je rougis violemment alors que Aifé se moquait délibérément de moi et claqua des doigts.


        - Trouvez-lui une tenue, ordonna-t-elle en se tournant vers des individus en kimono portant des masques effrayants.

Je les regardais, ébahie par leur habits et malaisée par leurs masques. J'ignore pourquoi, mais les masques m'avaient toujours inspirée un sentiment d'angoisse. Je ne pouvais pas voir leur visage, ni leur yeux. Je reculais d'un pas pour buter contre Jeb. Le temps que je lève mes yeux sur lui, il me poussa vers l'un des masqués. Je serrais les dents d'appréhension alors qu'on m'enfilait un kimono. Je m'étais crispée alors qu'on me faisait tournoyer. Malgré mes tentatives pour me soustraire d'eux, on m'avait vêtu d'un habit japonais de couleur brun sable et noir. Ils m'avaient même enfiler des sous-vêtements, sans que je puisse faire quoique ce soit ! Étourdie, je clignais plusieurs fois des paupières avant de pouvoir voir Aifé me sourire d'un air moqueur. Jeb, quant à lui, me dit d'un ton égal à son surnom de Yéti:


        - Regarde toi.

Je baissais les yeux pour contempler mon nouvel habit. On m'avait faite enfiler un pantalon bouffant et léger avec un un haut de kimono. Ce dernier était rabattu par un grand tissu qu'on avait attaché dans mon dos. Le col était élargi, dévoilant de mes clavicules et le haut de ma poitrine. De mon angle de vue, je pouvais même voir le morceau de tissu qui me servait de brassière et c'était étonnement confortable. Tout comme j'ignorais comment, mais ces vêtements étaient tous à ma taille. Malgré tout, je ne me sentais pas tout à faite à mon aise, surtout après avoir été vêtu telle une enfant. Les joues rougies par cette expérience, je bégayais:


       - M-Merci...?

       - Maintenant, suis-moi, chaton, ordonna Aifé, se moquant ainsi ouvertement de moi.

Elle me lança un regard hautain, en se dirigeant vers un couloir, suivie de peu par Jeb. Rougissant, mais cette fois-ci de colère, je les suivis tout en regardant nerveusement autour de moi. C'était une sorte de palais en forme de cube de style grec. Pourtant, les finitions démontraient qu'il s'agissait d'une construction celtique. Je reconnus des symboles que j'avais vu dans le musée avant de venir ici. Les matériaux était gris et la seule exception de couleur était la flore. Des vignes serpentaient sur les murs, il y avait quelques saules en contrebas alors que nous grimpions les escaliers. Des gens se promenaient, hommes et femmes, tous en habits de combat variés selon les époques. Ce genre de tableau avait quelque chose d'à la fois harmonieux et des désordonné.


Je regardais de nouveau devant moi, regardant mes hôtes parler à voix basses. Ils me jetèrent un bref coups d'œil avant de retourner à leur cachotterie. Je serrais les dents en baissant les yeux. J'étais loin de chez moi, de tout ce que je connaissais. J'en avais marre d'être le bouc-émissaire, celle qu'on se moquait car elle était toujours sur la touche.
Pourquoi avais-je suivi ce Yéti, déjà?

Finalement les marches finirent sur une grande pièce illuminée par des chandelles... et des femmes. Partout. Je rougis fortement en les voyant s'immobiliser dans leur habit en diaphane et sensuel. Toutes sublimes, elles étaient toutes différentes. Elles s'approchèrent de moi, mais un sifflement retentit, les faisant figer.

Jeb se tourna vers les femmes et ordonna:


       - Sortez, concubines.


Elles se figèrent pour regarder le jeune homme. Elle soupirèrent avant d'obéir, à ma plus grande surprise.

Il possédait un harem? Mais c'était un pervers, ce mec !

Je le fusillais du regard, dégoûtée par un tel comportement. Celui-ci surprit mon regard, fronçant les sourcils. Je croisais mes bras en les regardant sortir et j'entendis Aifé s'exclamer:


       - Rabat-joie, Jeb!


Elle soupira puis s'assit directement sur une table qui trônait au fond de la pièce. Contre les murs latéraux étaient disposées des coussins par dizaines. Pourtant je demeurais obstinément debout. Je croisais les bras contre ma poitrine. Jeb s'installa sur un grand pouf ombre (l'unique de la pièce) et résumait ce qui s'était passé depuis notre rencontre. Le mec flippant qu'il appelait "zombie", ma séquestration contre mon gré, l'appartement qui explose et la course poursuite. J'écoutais attentivement sa version de l'histoire, décontenancée qu'il parle avec précision de mes deux hallucinations. Je fus même mal à l'aise en découvrant que j'avais blessé un dénommé Nathan. Par contre, je voyais bien que ces informations avaient une valeur. Une valeur qui m'échappait.

Je jouais avec ma longue chevelure tandis que Aifé hocha la tête à la fin du récit avant de me fixer longuement. Je me sentis rapidement mal à l'aise, mais m'obstinais à paraître indifférente. J'essayais de ne pas me tortiller tant son regard était pénétrant.

La tension montait tellement que je me décidai à parler. Mais avant même d'émettre un son, Aifé me plaqua au sol, une dague à la main, menaçant de m'égorger. 

Cait Sidh 1: l'ignorance tue (PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant