P R O L O G U E

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Il y a une dizaine de personnes semblant venues des quartes coins de la terre, tous réunis au détour d'une ruelle étroite, dans un bâtiment aux vitres teintées de blancs. Regroupés dans le secret d'un cabinet puant la fausse joie de vivre.

Les cloches de l'église voisine retentissent à notre entrée. On est une majorité de garçons, seulement quelques filles sont présentes.

J'ai les jetons, je me sens déjà partir en couilles. Pour ne pas faillir, je regarde fixement la thérapeute : une trentenaire au ton calme, rousse, bon chic bon genre. Aline Weil. Son nom est écrit en lettres d'or sur la plaque accrochée à la porte d'entrée. Porte derrière laquelle se trouve une bande de tarés assis en rond sur des chaises pliables, invités à prendre la parole au sujet de leur problèmes.

«Commençons par la droite. Sirius? On t'écoutes, c'est à ton tour.» Enonçe la thérapeute.

«Sirius. J'ai des problèmes d'identification d'émotions, voilà, c'est tout.» Petit joueur. Cingle ma conscience.

Je décroche vite du fil de mots que prononçe  le Dr.Weil. Une jeune fille attire mon regard, grande, blonde, pleine d'assurance. Qu'est-ce qu'elle peut bien foutre ici?

À mon humble avis, des yeux d'un étranger, il serait facile de croire que j'ai ma vie sous contrôle, tout comme elle. Pas le moindre problème au monde. C'est comme si les gens s'attendaient à voir mes démons portés tels une lettre écarlate épinglée sur ma poitrine. Après-tout, si on ne peut pas le voir, c'est que ce n'est pas là. Pas vrai?  Comme si la douleur n'existait pas à moins que vous n'ayez une plaie ouverte. La culpabilité? Juste une idée distante.

Or j'ai le sentiment que chacune des cellules de mon corps bougent si rapidement que mes veines sont devenues troubles. Que malgré le métronome constant de mes battements de coeur, dans mes oreilles, c'est comme écouter un bruit blanc. Tout se passe dans ma tête, et je suis dans cette salle, entouré de malades mentaux.

«Orion? C'est ça?» M'interpelle la femme.

«Erez Orion. Troubles post-traumatique.» Résumais-je. Imitant l'assurance du type ayant parlé avant moi. Un homme à la peau foncée, bien plus âgé. Menaçant.

Je ne réalise pas à ce moment que mes dents, perçant l'intérieur de ma joue, cherchent silencieusement à arrêter le tapotement nerveux de mes doigts sur le dessous de ma chaise. Je reste là, assis. Presque immobile. M'accrochant à moi-même comme si j'étais le dernier pont entre la réalité sur mes deux pieds et le nuage de sons et voix qui flotte autour de moi. Et j'évite le contact visuel de ce garçon un peu trop blond assis face à moi, non pas parce-que je n'ai pas écouté ce qu'il a dit précédemment, mais parce-que je cherche à me concentrer sur ma propre voix, espérant qu'ils ne puissent remarquer qu'elle est deux octaves trop aiguë et sur le point de craquer parce-que mes pensées me font soudainement l'effet d'un feu de forêt qui se propage sans que j'ai le moindre contrôle sur ma personne.

ORIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant