« Comment vas-tu, Orion ? »
Mal. Je déteste ce village qui pue l'étroitesse d'esprit, rempli de gens qui m'étouffent avec leurs promesses vides de m'aider et leurs commentaires permanents.
« Bien. Merci. »
« Il y a quelque chose dont tu aurais envie de parler?»
Mes doigts pianotent nerveusement sur le bois du bureau acajou. Red m'observe, intensément. Je n'aime pas ça. J'ai mal au cœur, j'ai mal à la tête. Je n'ai qu'une envie, dormir, m'enfermer. Mourir. Rien n'a de goût aujourd'hui. Hier non plus. J'ai envie d'aller mieux, mais ce n'est pas pour moi. Rien n'est jamais pour moi. Pas même lui, Antarès.
La dépression est un démon qui me hante depuis trop longtemps. Petit à petit, il s'immisce dans mon âme, et s'y installe. Il s'abreuve de mon énergie, de mes désirs et de ma vie. Red tente de me libérer en forçant les cachets dans ma bouche. Je n'aime pas ça, c'est mon démon, pas le sien.
« En fait non, je ne vais pas bien. » Entamais-je, mordant impitoyablement ma lèvre inférieure.
Elle bouge sur son siège, se redresse et ouvre son carnet. Ses sourcils se haussent un instant, créant une barre temporaire sur son front.
« Tout se mélange dans ma tête. »
Elle tourne le stylo entre ses doigts et j'hésite. J'hésite à parler. J'ai mal.
« À quel sujet ? »
« Olympe. »
Elle griffonne.
« Je me souviens de la route de campagne. Je me souviens qu'elle m'ait laissée sa place.. »
« Continues. »
Je déglutis et ma voix devient rauque.
« J'ai pris le volant. Tout allait bien, jusqu'au pont, puis j'ai glissé. Enfin, j'ai freiné, mais rien ne marchais.. Tout est devenu flou pendant un long moment, quand j'ai rouvert les yeux... »
Je me redresse sur mon siège, puisant mes dernières forces. « Je l'ai bel et bien tuée. Pas vrai? Les souvenirs sont vagues, et je n'arrives jamais vraiment à être sûr. »
Il y a un silence qui m'offre le temps de fouiller dans mes pensées, de retourner mon esprit, impitoyablement.
« Non. Tu es responsable de l'accident, mais tu ne l'as pas tué. »
Le démon aspire un peu plus, il tire sur ma ligne de vie. Je saute sur mes jambes dans un effort ultime.
« Je suis responsable de l'accident qui l'a tué. Je l'ai tué. Vos tournures de phrases ne changent rien à la vérité. Je l'ai tué et vous le savez, ils le savent tous. »
« Assis toi Orion. »
« Non. Ne me donnez pas d'ordres. J'en ai assez de vos mensonges. Assez de vos questions de merde. Bien sûr que non, je ne vais pas bien. Vous le savez. Alors fermez-là avec votre politesse maladive. C'était notre dernière séance. Je n'ai pas besoin de vous. Ce dont j'ai besoin c'est que quelqu'un ouvre sa putain de gueule et me dise la vérité! »
Blanc. Le démon sourit. Il me guide hors du cabinet, il fuit le Dr.Red qui m'ordonne de revenir. Il me force à accélérer dans les ruelles, courant à mes trousses. Il ne se fatigue pas lui. Je crache au sol. Je vois trouble.J'ai chaud et je ne sais toujours pas où je suis. Toutes les ruelles se ressemblent. Je crois qu'au fond de moi, j'ai peur. Le soleil se couche sur la ville. Des nuances de roses pâles, oranges flamboyants et rouges s'étreignent lentement. J'aime la solitude contrôlée. Je n'ai jamais eu peur de rentrer dans une maison vide, et de m'allonger dans un lit tout aussi vide, mais ces derniers temps c'est différent, j'éprouve une envie de contact, de proximité. Je crois qu'au fond de moi j'ai peur de ne manquer à personne, de ne plus avoir personne à manquer. J'ai peur car je me sens dériver, lentement, une fois encore. J'ai peur car si tout redeviens noir à nouveau Antarès ne voudra plus de moi. Je ne voudrais plus de moi. Ça sera sans doute la dernière fois que je verrais noir.
Je frappe à la porte d'une maison de brique et je retrouve mes esprits. J'observe mon poing, resté en suspend à quelques centimètres du bois sculpté.
Maja m'ouvre la porte. Elle fronce d'abord les sourcils, un court instant, avant de me sourire.
« Orion, salut ! Antarès est sorti mais tu peux l'attendre si tu veux. Je viens de finir de cuisiner et j'en ai fait bien trop pour deux personnes.»Je reprends mon souffle. La grande sœur d'Antarès est indéniablement jolie, elle aussi. Ils ont ce même teint livide, qui semblerait maladif sur quiconque autre qu'eux, cette chevelure d'argent et ces traits fin, les mêmes yeux gris.
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ORION
Teen FictionNOM : Erez Orion ÂGE : 17 SEXE : Masculin PATHOLOGIE : Trouble bipolaire, irritabilité notable. OBJECTIF DE LA THÉRAPIE : Faire retrouver pied à Orion et lui permettre d'enterrer son passé. ↑☾↓