A V R I L

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I don't love you I'm just passing the time
You could love me if I knew how to lie
But who could love me?
I am out of my mind
- Panic at the Disco!, She had the world

Elle rit, balançant la tête aux paroles de la chanson et monte le volume d'une main. Je chante à tue-tête, faisant des signes aux automobilistes qui nous dépassent.

Le nouvel an est dans quelques heures et au lieu de nous préparer à rejoindre nos amis, nous célébrons le cadeau de Noël d'Olympe sur les routes de campagnes longeant la ville. L'océan d'or qui s'étale devant nos yeux était obstrué par quelques nuages, qui créent à leurs contours des lueurs rosées.

Elle s'arrête sur le bas côté et, pleine d'entrain, s'exclame « Alors, toujours envie d'apprendre à conduire Minus? »
« J'ai un prénom, tu sais.» Rétorquais-je, levant les yeux aux ciels dans un éclat de rire.
« Allez, prends ma place avant que je ne changes d'avis, tant que c'est vide.»
Je descends, tremblant d'excitation a l'idée de mettre en pratique la théorie qu'elle m'avait apprise il y quelques jours. Personne aux alentours. Plus la moindre trace de vie depuis qu'on avait quitté la nationale. Seuls quelques bovins nous observaient d'un air douteux. Mon souffle crée une lourde buée devant mes lèvres. Il fait un froid glacial.

Je prends le volant, m'élançant à travers les nids de poules dans la joie enfantine d'apprendre enfin de ma grande sœur. Embraie, accélère, parfait. Répète-t-elle doucement, quand elle ne joue pas des percussions sur le tableau de bord, au rythme de la musique.
J'engage la jeep sur une passerelle, accélérant doucement pour dépasser les 50km/heures. L'adrénaline pulse, j'ai le sourire aux lèvres.

La pluie avait gâchée une bonne partie de la journée.

+ + +

Trois coups secs se font entendre à la porte d'entrée, précédés du bruit d'un moteur de voiture.

Je m'étais persuadé qu'il ne viendrait pas. La semaine n'avait été qu'un silence radio, si bien que j'avais commençé à croire que l'hôpital et la nuit à ses côtés  n'avaient été qu'un songe provoqué par la tablette de Dépronal. Une partie de moi s'était sentie rassurée, pour être tout à fait honnête.

Mais il était là, semblant avoir été sorti violemment de son sommeil. Le regard vide, il n'offre aucune réponse à mon sourire.

Papa passe ses chaussures un peu plus loin dans le couloir, prêt à rejoindre Maman à l'hôpital pour son service de nuit. Veste sur les épaules, il accueille notre invité d'un sourire exagéré. Il est surpris, surpris que son fils ait un ami. Ou de la visite, tout du moins.

« Bonsoir.. Jeune homme. » Il prononce ces mots d'une voix rouillée, Antarès s'arme d'une de mes répliques et se présente brièvement. « Eh bien, bonne nuit les jeunes. À demain, Or'. »

Et à ces mots il sort, nous laissant face à face.

«Pour être honnête, je n'étais pas sûr que tu viennes.» Entamais-je en reculant, l'invitant silencieusement à entrer. «Et puis je ne savais pas trop ce que tu voudrais, alors j'ai pris un peu de tout.» J'attrape les boîtes de pizza trônant sur la table basse, parlant vite, trop vite. «On monte ?»

Mon sourire trahit mon humeur, mes pensées.

«Comme tu veux, j'te suis.» Souffle-t-il en m'emboîtant le pas dans l'escalier.

Il ne sourit pas, lui.

Les boites de pizza trouvent leurs places sur le lit, Antarès aussi. Il s'affale contre ce dernier, dos au mur. Son regard est vide et le malaise me gagne.

ORIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant