M A I

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Les dernières semaines m'avaient faite l'effet d'un bruit blanc et Dieu, c'est épuisant bordel. On ne s'entend plus penser.

Dr.Red dit que j'ai eu une crise de nerfs. Que maman m'avait trouvée allongée dans un parc à minuit et demi, inconscient. Elle a aussi dit que seulement quarante pour cent des couples restaient ensemble après la mort d'un enfant, et que je devais arrêter d'avoir peur de blesser Maman et Papa, car ils étaient forts. Je pense qu'elle a lut ça dans un magazine, quelque part, et qu'elle a jugé juste de me dire ça au passage.

Je lui ai parlé de l'accident, de mon suicide raté et surtout d'Antarès. De ses yeux grisants, de son humour récalcitrant et de son énervement.  Je lui ai dit qu'il souffrait d'anhédonie, et que pourtant, il avait sourit et rit. Puis il était parti et avait emporté la vie avec lui. Comme Olympe l'avait fait.

On s'était embrassés, mais c'était le genre de baiser que je ne pourrais jamais raconter à voix haute, pas même à Red. C'était le genre de baiser qui m'avait fait savoir qu'une partie de moi était encore vivante, logée derrière mon esprit tortueux. Un baiser qui m'avait consumé tout entier.

Puis Red m'avait dit d'arrêter de penser si fort. D'arrêter d'analyser, d'arrêter d'avoir peur. D'agir. Et que naturellement, je saurais si cela est bien ou pas. Et que si ça n'était pas bien, il fallait que j'arrête d'y penser et que je passe à autre chose. Seulement, elle n'avait pas parlé de réciprocité. Que faire si c'était bien, juste, vivant, mais seulement pour moi? Fallait-il continuer ou passer à autre chose? Continuer d'analyser ou fermer les yeux?

Elle m'a également dit que mon coeur s'était guérit lui même, mais que mon esprit était inquiétant. Mon esprit, rempli de souvenirs. Mon esprit, rempli de morceaux d'elle, qui continue de me couper comme des tessons de verre. Celui qui me garde debout la nuit, qui me fait crier, qui me pousse à tout détruire. Il faut le convaincre de lâcher prise, car mon coeur est déjà guérit. Je lui ai demandé comment arrêter. Mais elle ne savait pas, elle disait que ça prendrais du temps, comme d'habitude. Mais j'en rêvais, rêvais d'arrêter la douleur permanente, arrêter les lumières, les sons. J'ai mal à la tête, mal aux yeux, mal partout et la douleur qui persécute habituellement mes pensées est aujourd'hui une réalité matérielle. Les médicaments m'endorment légèrement, mais ils ne me soulagent pas. Non, au contraire, ils me font l'effet d'un membre endolorit. J'ai mal et j'attends. J'attends de vivre à nouveau.

Il y a cette fille à côté de qui je me suis assis chaque jour pendant plus d'une année scolaire, sans jamais lui adresser la parole. Elle ne m'adressait pas non plus un regard. Et pourtant, quand elle a appris pour ma crise, elle a été la première à m'envoyer un message. C'était étrange, d'entendre le "tu-dum" en provenance de Messenger, pour la première fois depuis des mois.

Je n'avais d'abord pas répondu. Car j'avais pensé que tout ça n'était que de la pitié, rien de sincère. Et c'était le cas, mais très vite, je m'étais senti mal pour elle. Car même s'il s'agissait de pitié, elle avait fait un effort. Alors j'avais répondu un merci, accompagné d'un smiley souriant. Aussi faux que ses vœux de rétablissement.

Et puis c'est d'Éléane que j'avais reçu un message. Cela m'avait surpris. Vraiment.

11/05/2016 6:56PM, Eléane Aubry : Je peux passer te déposer tes cours dans la soirée? J'ai récupéré tes copies de bac blanc ce matin...
Fais-moi signe.

J'ai remonté la conversation, relisant nos derniers échanges. Il y avait les condoléances au sujet de la mort d'Olympe, puis les questionnements auxquels je n'avais pas répondu. Puis un peu plus haut, des restes de qui j'étais avant. Le flirt camouflé sous un humour maladroit, les plans de soirées.

J'avais ressenti un drôle de pincement au coeur.

10/05/2016 10:10PM, Orion Erez : Merci.
10/05/2016 10:10PM, Eléane Aubry : Tu me détestes ?

ORIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant