OCTOBRE

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« Je ferme les yeux et je peux voir les couleurs de l'arc-en-ciel. Je n'entends qu'un bruit blanc et tout me semble calme. Je suis immobile et le cercueil d'Olympe est devant moi quand j'ouvre enfin les yeux, et je suis détaché de la situation. Maman pleure et moi.. Moi je ne ressens rien. Je ne ne contrôle plus rien. Et puis l'enfer commence. » Expliquais-je rapidement. Fixant les cheveux longs de Weil retomber en boucles élégantes sur ses épaules.
« Putain. » Murmure Nysa.
« Tu as vécu un choc Orion. Toi aussi, tu était une victime de l'accident. » Dit Weil, posément. « C'est un progrès énorme que tu arrives désormais à en parler aussi calmement. »
Je souris. La même chanson tourne en boucle dans ma tête.
« Je vais bien. Vraiment. » Ajoutais-je. « Et je commence à apprécier votre aide. »
Il n'y avait que Nysa et moi aujourd'hui. Les autres avait cessés de venir, petit à petit. Certains avait perdus foi, d'autres allaient mieux. Hélios était probablement en taule.
Elle acquiesce. « Penses-tu que tes relations personnelles affectent ta maladie? »
Je ris doucement. « Antarès m'aide. Et ce n'est pas une maladie.»
« Je sais. Vous vous épaulez mutuellement. Mais je crains que ce que ton amie t'as dis n'était pas entièrement faux. » Elle marque une pause, cherchant ses mots. « Partiellement. Les épisodes de manie peuvent en effet entraîner une addiction. À quelqu'un, a quelque chose, à un sentiment. »
Je hausse les sourcils, perplexe. « Donc la première chose qui me permet de voir un peu de lumière n'est qu'un symptôme? »
Je me lève, attrapant ma veste. « Merci pour cette session, énormément de progrès as été fait. Je suis éveillé depuis plus d'un mois. Je n'ai pas essayer de me passer la corde au cou depuis plus d'un mois. » Jusqu'à hier. « Ça me suffit. »
Je sors du cabinet sans attendre la réponse de Weil. Je marche d'un pas rapide jusqu'à sortir des ruelles du village. Et soudain, je ne peux plus me retenir. Je veux courir. M'échapper de la lenteur du monde. Je ferme les yeux, écouteurs dans les oreilles et m'élance, et quand je ferme les yeux, je peux voir l'arc-en-ciel. La lumière est trop vive. Si je rencontrais une voiture ou un obstacle quelconque, j'y passerais peut-être. J'accélère. Je me vois, endormi pour de bon cette fois et mon cerveau s'enflamme si vite que tout se mélange, arc-en-ciel, son, mots.
Quand j'ouvre enfin les yeux, je suis sur la passerelle. Je m'allonge au milieu du bitume encore humide de la pluie de ce matin.
Mon esprit vagabonde et je me surprends à espérer qu'une voiture passe, quelle ironie de mourir au même endroit qu'Olympe. Je crois que je bascule, j'en suis conscient mais pour la première fois j'en suis détaché. Je pense à Antarès. J'aimerais qu'il ai le pouvoir magique de me réparer, mais personne ne peux, cela ne tiens qu'à moi et à l'autre.

Je sors de la douche et j'enfile un boxer. J'aperçois mon reflet dans le miroir: toujours ce corps trop frêle, ces cheveux bruns mouillés, ces yeux verts et cette peau trop blanche. 
J'attrape le rasoir sur le comptoir et le glisse sur mes joues. Minutieusement, je descends sur mon menton. J'imagine la lame couper ma carotide.

Je m'enroule dans ma couette, aussi serré que possible et ouvre mon ordinateur. La lumière bleue éclaire mon visage dans le noir de la chambre. Je ne peux m'empêcher d'ouvrir Facebook. Je cherche Olympe et son profil, ses photos ou elle souriait encore. Il y a quelque chose d'étrange avec les pages Facebook des gens morts, il n'y a que des commentaires d'amour, alors que les trois quart de ces gens ne la connaissaient même pas. Quand-je ne serais plus là, je me demande qui oseras prétendre m'avoir aimé pour un like sous son commentaire. Et si la vie pouvait être ainsi? Si les gens pouvait seulement aimer ? Que de l'amour, jamais de douleur, de méchanceté.
Ma chambre est en bordel. Je ferme l'écran et je me mets à ranger, à organiser: trop de chose n'ont pas de place. Une guitare sans corde, des cahiers, des livres, des cartes postales, des vêtements, des CDs.

 J'allume une cigarette et j'attrape une boîte en carton vide dans la chambre d'Olympe. Je la remplie de toutes ces choses qui n'ont pas de place et je descends dans le jardin. Tout en fumant, je marche jusqu'au garage. J'attrape le gazol de la jeep et je le vide sur la boîte en carton, au milieu du jardin. À la dernière bouffée de ma cigarette, je jette celle-ci dans la boîte.

Tout s'allume et se consume, je suis fasciné et mon esprit brûle au même rythme. 

« Arrête de jouer avec mon briquet Orion, je n'aurais plus de gaz après. » Soupire Olympe, assise sur les marches du porche.
« Tu devrais arrêter de fumer des joints, tu n'aurais pas besoin de feu. » Rétorquais-je.
« Ça m'aide en philo. Tu verras quand tu seras en terminale. »
Je soupire, prenant sa guitare de ses mains. « Tu avais promis de m'apprendre à jouer l'été dernier. »
Elle sourit; riant doucement. « Tu n'as simplement pas l'oreille musicale. Je ne peux pas faire de miracle. »

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