VII. MOLORCHOS LE LABOUREUR

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Pour se rendre de Mycènes à Némée, le voyageur doit emprunter les sentiers sillonnant les contours des collines de l'Argolide. Ce n'est pas un voyage périlleux, mais cela suffit à fatiguer un homme en grand manque d'activité physique.

━ Allons Patos, c'est au moins la huitième fois que tu t'arrêtes sur le bord du chemin ! A ce train-là, nous n'atteindrons jamais Cléones avant la nuit.

━ Mais seigneur Hercule, pfiou, je suis bien différent de vous : je ne suis pas taillé pour ce genre d'aventures, moi, pfiou !

━ Ah car si je t'avais dit, alors que je m'apprêtais à t'aplatir la cervelle, que ta servitude serait tout entière dévouée à me suivre sur des chemins de cailloux à combattre des bêtes féroces, tu aurais préféré la première option ?

━ Dis comme cela, non, pfiou.

━ Alors ramasse tes mollets et tais toi.

━ Si je puis au moins chevaucher le mulet, pfiou ?

━ Tu ne veux pas que je te porte sur mon dos, tant que tu y es ?

━ Vous le feriez vraiment ?

━ Ouste ! Du balai ! récria Hercule en adjoignant un coup de pied bien placé dans la cible trop facile qu'était le postérieur du brigand.

━ Ouille ! Je vais, je vais !

Une heure plus tard, et alors que la nuit commençait à tomber sur les collines, nos deux héros arrivaient en vue du petit village de Cléones, qui se résumait à quelques bicoques délabrées occupées par des familles de laboureurs et viticulteurs locaux.

━ Demandons l'asile à ces paysans. Nous pourrions passer la nuit dans les écuries. L'odeur ne me changera pas trop de mon compagnon de route, rigola Hercule.

Il s'approcha de la première maison, et frappa trois coups secs sur la porte, qui manqua de sortir de ses gonds.

━ Paix sur toi et ta famille, quiconque est à l'intérieur, je suis Hercule, fils de Zeus, et viens te demander l'asile pour la nuit.

La porte s'ouvrit et révéla un paysan de cinquante à cinquante-deux ans, tenant d'une main un couteau, de l'autre les oreilles d'un lapin terrorisé.

━ Paix sur vous, dit le paysan en dévisageant les deux compagnons. Si vous êtes bien le fils du tout Puissant, alors je suis à votre service, noble Hercule.

━ Ton hospitalité nous comble, paysan. Comment te nommes-tu ?

━ On m'appelle Molorchos. Et votre ami, est-il également un envoyé des Dieux ?

━ Patos, un envoyé des Dieux ? C'est la meilleure de la saison, Molorchos, j'aime ton humour subtil ! Il est juste bon à voler des mulets.

━ Ah ?... répondit le paysan devenu méfiant.

━ Mais ne t'inquiète pas, Molorchos, Patos se tiendra à carreau durant la durée de notre séjour. Pas vrai Patos ?

━ Oui, seigneur Hercule, pfiou.

━ Mais dis-moi, paysan, dit Hercule en considérant le lapin et le couteau, ne t'apprêtais-tu pas par hasard à passer aux fourneaux ?

━ Aux fourneaux ? répéta Molorchos en considérant tour à tour l'animal et l'ustensile, ah non, je comptais justement sacrifier à Zeus votre père.

━ Je ne vous en tiendrai pas rigueur. Mais le lapin, vous en faites quoi ensuite ?

━ Oui, vous en faites quoi, ensuite ? répéta Patos.

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