XXVIII. L'EMBUSCADE

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La Cérynie, région boisée et vallonnée comme une mégère spartiate, est, selon ses habitants, une terre fertile et accueillante où le voyageur trouvera une hospitalité des plus sincères si, évidemment, il ne s'est pas fait dévaliser avant d'être arrivé à destination.

Pour atteindre la contrée depuis Mycènes, il faut justement traverser moult bois et forêts peuplés de pins, de cyprès et autres chênes ou oliviers, au cœur desquels pullulent une faune abondante.

Justement, cher lecteur, admirons ce beau baudet déambulant fièrement au milieu de ces grands arbres.

━ Ola, l'âne ! Pense à moi comme je me traîne ! hurla Patos en transpirant à grosses gouttes. Regardez, seigneur Hercule, on dirait bien que le mulet fait exprès d'accélérer la cadence !

━ Je pense plutôt que c'est mon bon Patos qui commence à faner, rigola Hercule. Le mulet est bon et loyal, je ne vois pas pourquoi il agirait de manière aussi fourbe que toi.

━ Oui, c'est probablement juste. Pfiou.

━ Mais, Patos, ne sens-tu rien ? demanda Hercule en arrêtant sa marche.

Le brigand leva le menton et agita ses deux naseaux.

━ Mais, vous avez raison, on dirait bien un tapis de girolles !

━ Non, Patos ! Ouvre tes esgourdes et écoute ce silence qui nous entoure.

━ Mes esgourdes ? Mais que me parlez-vous d'oreilles quand vous me demandez de renifler ?

━ Chut ! intima Hercule. Les oiseaux se sont tus, les rongeurs ne rongent plus, les rampants ne rampent plus.

━ Et mes pieds ne piétinent plus, soupira Patos en s'asseyant sur le sol poussiéreux.

━ Oui, je le sens, dit Hercule en tirant sur les sangles du mulet afin d'y récupérer sa massue en bois d'olivier, je sens...

━ Ah ça, pour sentir, vous sentez ! osa Patos.

A peine eut-il prononcé les derniers mots de sa boutade que plusieurs cris de guerre retentirent dans toute la forêt.

━ Une embuscade ! s'exclama Hercule.

Alors se mirent à tomber des arbres alentours, comme les pommes d'un pommier secoué par deux bras experts, une belle douzaine de personnages hauts en couleur et armés jusqu'aux dents qui, en quelques secondes, avaient encerclé nos héros et leur mulet.

━ Ah ah, vous êtes pris ! annonça une femme aux formes généreuses, qui paraissait être la meneuse.

━ Vous êtes pris, ah ah ! répéta un homme au crâne chauve et au torse velu, sûrement lui aussi le meneur.

━ Mais, mais, mais, dit Patos en tremblant, je vous reconnais, vous n'êtes autre que...

━ Je suis Bonis ! annonça la femme.

━ Je suis Claïde ! continua l'homme.

━ Bonis et Claïde ? demanda Hercule.

━ Oui, Maître, Bonis et Claïde, des dévaliseurs de grand chemin. Enfer et damnation !

━ Eux, des malandrins ? rigola Hercule.

━ Nous, des malandrins ? questionna Claïde.

━ Des malandrins, nous ? répéta Bonis.

━ Ni plus, ni moins, confirma Hercule en croisant les bras et en serrant sa massue de plus belle. Et si je vois encore vos museaux dans une minute, je vous promets à tous autant que vous êtes le quart d'heure de votre vie.

HerculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant