Utah, november 3rd, 05:14 pm

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Les routes accidentées freinaient notre avancée. Non seulement devions-nous nous arrêter très constamment pour nous nourrir, chercher des vivres et dormir, mais en plus avions-nous dû changer plusieurs fois de route et rebrousser chemin à cause d'obstacles infranchissables. Harry et moi alternions nos places, et, par chance, nous trouvâmes une station essence, dans laquelle nous remplîmes plusieurs barils, assez pour effectuer le reste du périple.

Nous nous étions arrêtés pour la nuit, au beau milieu de nul part. Cela faisait des heures que nous n'avions pas croisées d'habitations humaines, ce qui voulait dire peu de chance d'infection ou d'hybrides dans les alentours. Alice était la plus reposée de nous ; elle n'avait pas à conduire, ni à chasser. Elle nous suivait sans cesse, lorsque nous nous arrêtions quelques heures, un petit revolver en main–j'avais prit soin de ne pas le charger, cependant, il était seulement un moyen de la rassurer, je crois.

— On devrait se mettre à chasser, à proposer Harry.

J'acquiesçais, jetant un vague coup d'oeil à tout l'attirail d'archer qui m'était destiné. Je n'avais plus touché à un arc depuis des mois, et même si les années à en pratiquer étaient encrées en moi, je n'étais pas sûre de m'en sortir aisément. Je pris l'arme en main, surprise par la fraîcheur du métal sous mes doigts crispés.

— Tu as raison, nous devrions y aller.


*


Les animaux ne vinrent pas à nous. Nous avions déjà passé une heure dans la forêt, mais rien ne s'était présenté. Harry et Alice s'impatientaient–seulement, ayant beaucoup chassé autrefois, je savais que la patiente était essentielle ; nous devions persévérer. Mes deux coéquipiers se trouvait assit sur un tronc d'arbre déraciné, à plusieurs dizaines de mètres de moi. Harry avait tendu son imperméable au-dessus de leurs visages, de manière à les protéger de la légère averse qui s'abattait sur nous ; ils discutaient très bas, je ne les entendais pas.

J'étais immobile, ma veste était totalement fermée et sa capuche était passée au-dessus de ma tête. Mes chaussures de marche s'enfonçaient dans la boue, mais je ne fis pas un geste ; j'observais. J'avais revêtu les gants trouvés dans la cabane : ils ne recouvraient que mon index, mon majeur, mon annulaire et mon pouce, protégeant ma main des frottements occasionnels de l'arc. Je tenais celui-ci à deux mains, pinçant avec l'une d'elles une flèche contre la corde décontractée.

Mes cheveux adhéraient à mon visage, poussés par l'eau battante. Aucun bruit ne se distinguait de la pluie violente, brouillant mes sens. Les gouttes d'eau obstruaient ma vue, mais pourtant, je vis le daim dés qu'il pénétra mon champ de vision. Je brandis mon arme dans sa direction, la corde tendue, mes doigts effleurant ma pommette. Il ne bougeait plus, se contentait de se nourrir tranquillement, à l'habit de la pluie sous un arbre gigantesque. J'avais une certaine chance–ces mammifères étaient quasiment impossible à trouver dans cette partie du pays.

Je me concentrais sur ma proie, et, lorsque je fus sûre qu'il était dans la trajectoire exacte de ma flèche, je retins mon souffle. La corde soufflait l'air lorsque je la relâchais, alors que la flèche filait jusqu'à la bête, l'atteignant au crâne. Elle s'effondrait au sol après quelques secondes imprécises, dans un amoncèlement d'eau et de boue.

Harry m'eut rejoint en quelques instants seulement, un sourire étalé sur son visage. Alice se tenait derrière lui, accrochée à son imperméable, observant timidement mon arc.

— Tu es encore plus douée que ce que j'imaginais, a-t-il dit.

— Ne vous réjouissez pas trop vite, ai-je répondue, resserrant mon poing sur l'arc. Les daims pèsent entre soixante-cinq et cent-trente kilos, en général. Je ne sais pas comment on va le déplacer...

Zugzwang  |  H.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant