Military Base, Unknown place, november 8th, 11:45 am

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Nous fûmes rassemblés en rangs serrés dans les couloirs gelés, par l'homme qui avait tenté de m'étrangler plus tôt. Il semblait plus docile à présent, mais je doutais que cette dite docilité me soit adressée plus tard, ou même qu'elle soit durable. Aucune de ces personnes ne me semblait commune, aucun sourire ne transparaissait sur ces visages éteints. Lorsqu'on nous fit avancer, le sentiment étrange qui m'avait habité plus tôt se manifesta plus intensément–ils ressemblaient à des robots, vides de pensées, de raison, programmés à cette vie de dérive, dans laquelle ils pensaient être protégés. Tellement protégés qu'ils s'étaient laissé faire, lorsque ces hommes les avaient reprogrammés, totalement. Je pensais, d'après la description d'Harry, me retrouver face à des guerriers féroces, capables de colère, de tristesse, de nostalgie ; je me trouvai face à des corps insensibles et irraisonnés. Se rendaient-ils même encore compte du monde qui les entouraient ?

— A la cantine, a murmuré Niall après un moment, l'air nerveux. Tes... Tes amis seront là, mais tu ne dois pas t'approcher d'eux. Tu devras me suivre, sans poser de question et sans leur adresser la parole.

— Pourquoi je t'écouterais ? Ai-je débité, tentant de capter son regard, sans succès.

Il me rappela un enfant, terrorisé. Pourtant, il semblait, en dehors des supérieurs, être la personne la plus consciente ici. En avait-il payé le prix ? Etait-ce pourquoi il n'osait poser son regard sur aucun être vivant présent dans les couloirs ?

— Il te tuerons si tu poses trop de problèmes et... S'ils ne te tuent pas, ils te puniront de manière à ce que les évènements ne se reproduisent plus, a-t-il soufflé. Ils cherchent la puissance, la société parfaite, dans laquelle une élite contrôle des personnes tellement inconséquentes, qu'elles ne peuvent plus raisonner. Tu le regretteras si tu t'imposes, ne le fait pas. Ils n'aiment pas... Les regroupements. Tu ne peux avoir d'« amitié » qu'avec moi, ton colocataire, ou ton chef de section. Les autres groupes seraient vus comme des menaces, et immédiatement éradiqués.

En relevant la tête, je remarqua qu'aucun autre n'osait en faire de même. Leurs visages à tous étaient abaissés, leurs regards arrêtés sur leurs pieds. Ils avançaient tous au même rythme, semblaient presque écervelés. Qu'avait-on bien pu leur faire ? Mon regard croisa celui de l'homme qui avait essayé de me tuer, à l'extérieur, plus tôt. Je le maintenu jusqu'à ce qu'il détourne les yeux, se mettant à parler avec un autre homme imposant qui, il me semblait, nous avait piégés dans la forêt il y a quelques jours. Mon regard s'attarda sur l'homme ayant tenté de me juguler.

— Qui est cet homme ? Ai-je demandé, mon visage toujours orienté dans sa direction.

Niall releva le regard le temps d'une seconde, si rapidement que je le manqua presque.

— Il est le chef de notre section, Liam. Nous avons de la chance de tomber sur lui, deux sections sont coincées avec Louis, une autre avec Kael. Il n'est pas trop cruel, tu n'auras sûrement aucun problème avec lui, a répondu le garçon.

— Il a essayé de m'étrangler, plus tôt, ai-je remarqué.

Le regard apeuré que Niall envoya dans ma direction à la suite de ma remarque m'inquiéta, encore plus lorsqu'il murmura vaguement que « j'aurais peut-être des chances de me racheter ». Puis, il plongea à nouveau dans le silence, sans préambule. Avait-il des préjugés ? Mon impulsivité, peut-être, l'effrayait. Après tout, j'étais nouvelle, ici. Et j'avais déjà laissé planer l'idée d'une évasion, ce qui, au vu de ses regards et de son comportement, devait être extrêmement effrayant. J'expira bruyamment sous l'irritation, avant de me mettre à étudier les alentours.

Les couloirs n'étaient pas très larges, gris, mais, au sol, arpentés de lignes continues jaunes, que j'imagina être phosphorescentes. Ils s'enchaînèrent, sans jamais révéler de porte de sortie, ce qui commença à m'inquiéter. S'il n'y avait qu'une seule issue, sans armes et dans l'incapacité d'élaborer de plans avec Harry et Alice, je ne pourrais jamais m'en sortir.

Zugzwang  |  H.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant