perdue

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Joyce errait, tel un esprit vagabond, dans les petites rues de Saint-Amant où elle ne s'était jamais aventurée auparavant. Elle écoutait sa playlist de chansons que plus d'un pouvait qualifier de "déprimante", le volume à fond, faisant légèrement vibrer ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles. Elle cherchait juste à s'évader de ce qui l'entourait.

Elle pensa à comment sa vie avait changé ces dernières semaines. Elle était passée de vivante au vide complet. Elle se souvenait de cette journée qu'elle avait passée allongée dans son lit, le ventre vide. Elle avait décidé de s'éteindre à partir de ce jour-là et personne n'avait toqué à sa porte pour lui en empêcher. Sa vie n'avait plus aucun sens désormais. Même après s'être confiée à Maia, il semblerait que cette dernière n'avait pas compris à quel point cette solitude la rongeait. La preuve, elle l'avait abandonnée chez elle et était partie faire les courses. Bizarrement, elle avait insisté pour que son frère vienne avec elle au lieu de demander à Jo' de l'accompagner. On aurait même dit qu'elle avait fait exprès de la laisser seule. À vrai dire, elle ne pouvait plus compter sur qui que ce soit.

Il lui était impossible de rester seule dans un espace où elle était confrontée à elle-même. Alors elle était sortie, voilà comment elle s'était retrouvée dans ces lieux inconnus.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour se tirer de ses pensées et pour se rendre compte qu'elle était complètement perdue. La jeune fille leva ses yeux -plissés par le soleil lumineux, tentant de reconnaître l'adresse d'une des ruelles mais en vain. Elle continua d'avancer jusqu'à un carrefour où elle croisa quelques passants. Mais aucun d'eux ne s'était arrêté quand elle leur avait demandé son chemin. Ils l'ignoraient, certains la bousculaient même en se précipitant. Elle se sentit soudainement invisible aux yeux de tous. Et elle se dit qu'en réalité, ça avait toujours été le cas.

Paniquée, Jo' s'empara maladroitement de son téléphone dans sa poche, composa le numéro de sa cousine et essaya de la joindre. Par manque de chance, elle n'avait plus de crédit. Ce genre de situation n'arrivait qu'à elle. En plus de cela, son combiné glissa de ses doigts quand elle voulut raccrocher et tomba par terre. En le ramassant, elle découvrit l'écran fendu, elle espérait que ce n'était que la protection en verre trempé mais c'était la dernière chose qui la préoccupait en ce moment.

Plus les minutes passaient, moins la brunette arrivait à gérer ses émotions. À l'idée de rester perdue, seule à cet endroit pour toujours, son coeur se mit à battre à tout rompre, son souffle se coupa brusquement, ses mains se remirent à trembler. Ce n'était qu'elle, face à sa peur qui prenait emprise de son corps. La mi-asiatique restait immobile, tout était devenu flou autour d'elle.

Sans qu'elle le sente, elle fut projetée en moins d'une seconde au sol. Elle avait du mal à percevoir quoi que ce soit, vu l'état dans lequel elle était. Une main bienveillante l'aida néanmoins à s'asseoir.

"-Oh merde, je suis vraiment désolé. Je ne t'avais pas vu."

Cette voix lui semblait trop familière.

"-Hé Joyce, est-ce que ça va? s'inquiéta Gauthier, voyant qu'elle avait du mal à respirer."

"-Regarde-moi, je suis là. Calme-toi.  Chuuuut... Reprends doucement ton souffle. dit-il en relevant son menton pour qu'elle l'observe."

Pendant un instant, elle se concentra sur ses traits réconfortants. Elle ferma ensuite ses yeux, inspira longuement et mit ainsi fin à sa crise de panique. Elle retrouva petit à petit ses repères.

"-Tu te sens mieux? Tu as besoin d'un coup de main? l'aida-t-il à se remettre debout. Tiens, tu as fait tomber ça. il lui tendit le livre qu'il lui avait prêté.
-Non, garde-le. J'ai fini de le lire. murmura-t-elle timidement.
-On ne s'est pas vu depuis longtemps non? Ça te dit qu'on aille quelque part discuter? proposa-t-il."

La bridée acquiesça d'un hochement de tête et esquissa un petit sourire. Quel que soit l'endroit où il l'emmenait, elle se sentait enfin prête  à lui dire tout ce qu'elle avait caché au fond de son être ces dernières semaines.

Deux voies opposéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant