XVIII - Le goût du sang

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Jérôme maintenait son nez souffrant en essayant de limiter le sang qui s'en écoulait. Il entendait les rires lointains de sa mère, et de l'homme qui l'accompagnait. Il ferma ses yeux, pour ne pas hurler de douleur. Il avait claqué la porte de sa chambre derrière lui, et s'était installé sur son lit, en regardant le mur, les yeux piquant des larmes qu'il se bornait à retenir cachées. Tout son corps tremblait. Même à son âge, avec cette taille, ce corps qui s'était développé sous son incompréhension, on continuait à le maltraiter.

C'était bien simple : l'homme était rentré, avait sauté sur sa mère comme une bête sauvage, il avait même commencé à lui retirer ses vêtements sur la table de la cuisine. Ils s'étaient déplacés jusque dans la chambre, sous le regard gêné de Jérôme qui s'était appuyé au plan de travail en retenant sa nausée. Et, comme toujours, les cris de sa mère retentirent dans la caravane. Il s'était assis à table, avec un verre d'eau, un mal de tête le prenant brusquement, l'empêchant de bouger. Lorsque les adultes se calmèrent enfin, il les entendit rire une première fois. Elle riait toujours. Et il ne supportait pas ce rire moqueur et aigu. Seulement habillée d'une nuisette, elle sortit de la chambre pour s'emparer d'une bouteille d'alcool.

- La vaisselle, dit-elle à Jérôme sans même le regarder.

Il retint un souffle agressif, et il se leva brusquement de sa chaise, la faisant grincer sur le sol. Sa mère se tourna pour le regarder.

- A quoi tu joues, exactement ?

Il ne répondit pas, et leva les yeux vers elle.

- Ne me regarde pas, ordonna-t-elle d'une voix dédaigneuse.

Sans comprendre pourquoi, Jérôme obéit machinalement et baissa ses yeux pour regarder le vide. Il serra ses poings forts, se laissant la trace de ses ongles dans sa peau. Sa mère eu un léger rire moqueur. Il entendit du bruit dans la chambre. L'homme sortit de la pièce, et apparut, presque nu, sur le seuil de la porte.

- Quelque chose qui ne va pas ?

Lila Valeska se tourna vers son amant, et désigna son fils.

- Il a du mal à comprendre qui commande, expliqua-t-elle.

Jérôme monta légèrement ses yeux, sans pourtant regarder les deux adultes en face de lui, épiant simplement les gestes de ces derniers.

- Ces sales gosses, faudrait tout leur interdire, ronchonna l'homme.

Se surprenant lui-même, Jérôme leva les yeux sur lui, pour le regarder quelques secondes.

- Tes yeux ! s'écria sa mère.

Elle se déplaça jusqu'à lui et lui mit une claque derrière la tête, ce qui le fit légèrement sursauter.

- Combien de fois je devrais te le dire ?

Se trouvant derrière lui, elle ne le vit pas, mais Jérôme remonta une nouvelle fois ses yeux, d'un air plus bestial cette fois. L'homme le remarqua et se planta devant lui.

- T'entends pas quand on te parle, gamin ?

Jérôme ne répondit pas.

- Il est con, ou quoi ? réponds-moi !

Mais Jérôme restait muet. L'homme le secoua violemment.

- Tu vas répondre, espèce d'abruti ?

- Réponds-lui ! ajouta sa mère.

Il n'eut le temps de rien, qu'on le frappa à nouveau, sans raison, en plein nez. Le voyant tanguer furieusement, ils se mirent à rire. Jérôme se rattrapa à un mur, et les deux retournèrent dans la chambre en s'esclaffant. Il s'en alla, et il se retrouvait désormais dans sa chambre, à tenir son nez saignant. Il se permit quelques larmes douloureuses.

Mad Love (Jerome Valeska)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant