Partie finale - Lil et Tom

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Ils sont tous morts de rire, certains ont les yeux qui pétillent, d'autres les ont larmoyants entre leurs respirations saccadées.

Il doit être là, et je sais que je veux tenter le diable.
Je veux lui parler, je veux me risquer à l'approcher même si je me crame les doigts. C'est une nécessité, si l'un de nous meurt demain, notre cœur sera rongé de regrets et pourri de fierté gluante.
J'ai l'esprit un peu embrumé, les yeux dans le vague et je m'en veux d'avoir grillé mon paquet ce soir.
D'avoir aidé à vider une dizaine de verres, et combien de bouteilles? Mais secrètement, je me félicite de pourrir mon foie et mes poumons.
Je me sens confuse, je tire un peu sur ma robe, mes pensées sont tout sauf cohérentes- et putain, j'angoisse, et ça me monte à la tête.

Je me lève, et je regarde autour de moi. Le lustre projette une lumière centrale, et Tom est juste en dessous.
On dirait qu'il est dieu, baigné par cette lumière blanchie et artificielle.
Un dieu bien entouré.
Es ce nécessaire de dire qu'il est beau?
Ma vision nocturne est déformée par mes pupilles dilatées au maximum. Une immensité noire au milieu de mon iris brun, qui étire et rend flou le contour de tout ce qui m'entoure et m'épaule.
Un frisson parcourt mon dos, je suis électrique et j'ai les idées si confuses.
J'ai le buste posé contre la rampe de l'escalier, je suis debout, à mi chemin entre l'étage et le rez-de-chaussée.
Je le regarde, mais il ne me voit pas.
Je me sens tomber. Et si je m'étalais de tout mon long, que je me brisais mes os blancs sur les marches d'escalier, me remarquerai-t-il? Serai-je de nouveau intéressante et spéciale si je lui montrais physiquement par ma chute ce que je ressens intérieurement? Deviendrai-je plus vivante à ses yeux?
Mais pour l'instant, je suis de la poussière et rien n'y fait, j'aurais beau crier, pleurer ou rire il ne me remarquera jamais, jamais plus.
Et sur la musique je me laisse flotter comme un mirage en contemplant le plafond qui tangue sans jamais s'arrêter ou redevenir plat.
La fumée opaque et brûlante qui vole autour de mes naseaux me rend de plus en plus hébétée et je jurerai ne plus pouvoir marcher droit.
Et puis entre deux respirations, ça y est j'ai envie de vomir. Je me suis rendue malade et mon cœur cogne à ma poitrine, mes sucs gastriques me remontent à la gorge. Leur goût est si infâme et si brûlant que je me hâte de descendre les escaliers quatre à quatre.
J'ai les yeux qui piquent et baignés de larmes, la fumée les irritent.
Mais au fond ça va. Physiquement c'est une horreur, j'ai du boire dix litres et mes poumons sont pleins de goudron.
Mentalement, mes cachets me rendent euphorique et j'ai l'impression d'être une épave qui s'enfonce sous l'océan mais qui est éperdument amoureuse de l'idée. Je sens que je suis complètement délirante, que rien n'est à sa place dans mon cerveau désordonné. Mais quelle importance?
Je me sens heureuse, j'ai envie de danser et de vomir tout ce que j'ai à foutre par terre. Demain matin, je pourrais être triste. Mais ce soir, tant qu'il fait nuit, j'ai le bonheur à rattraper. Il faut que je lui coure après, c'est comme si j'avais raté le train. Et une fois que je lui tiendrai la main, je me sentirai bien.
C'est toujours la même mélodie qui joue depuis le début.

Je pousse la porte et je me retrouve dehors, puis je cours pour m'éloigner un peu des gens qui s'aiment et qui s'embrassent, parce que ça entache mon cœur et que ça me fait perdre la tête. Avant c'était moi, et vous savez tous que le passé rend la phrase plus triste, plus lointaine, et plus le temps de conjugaison devient récurent, plus les temps heureux s'éloignent de vous. Ils s'évaporent et il est impossible de retenir de la fumée, c'est transparent et ces petites particules nous filent entre les doigts.
Je dois gerber depuis des longues minutes, j'ai vidé mon estomac mais c'est comme des spasmes qui n'ont pas de fin. Je me penche en avant, je cherche ma respiration, mon souffle d'air, je crache, je m'époumone mais rien ne vient. C'est vide et froid, et parfois j'en oublie où je suis, parce que moi même je ne le sais plus. La fumée grise et virevoltante m'a fait perdre l'esprit, je me noie dans la nuit sombre et j'oublie les gens autour.
Mon pouls n'est pas tranquille, mon cœur bat à cent mille à l'heure. Je me sens mal, c'est vrai, mais légère à la fois.
Mon humeur n'est pas rationnelle ni compréhensible, c'est un enchevêtrement de complexités et je peine à y retrouver un quelconque sens.
Je m'assois, et je ferme les yeux. J'ai le front brûlant et les lèvres sèches, un goût de sang sur ma gencive.
J'entends des bruits autour de moi. Je crois que les gens commencent à sortir, la maison doit être trop enfumée.
Ils sont peut être tous là, à m'observer le cou tordu et le rire facile.
Il y a des pas qui s'approchent petit à petit. Des gens qui chuchotent, mais leurs mots n'ont pas de sens. Ce sont des bribes mélodieuses mais qui ne veulent rien dire, un ensemble de charabia douteux qui ne m'inspire rien.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 02, 2017 ⏰

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