Tom- Partie 2

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Ok, c'est complètement fou putain.
Je marchais au hasard dans ce casse tête de forêt, et je commençais à fatiguer en plus.
Puis en slalomant entre les grands arbres couverts de neige aux noms inconnus, j'ai trébuché sur un tronc d'arbre. Quel con je suis de ne pas l'avoir vu!
Il bouchait carrément le passage, et j'ai quand même réussi à me casser la gueule dessus! Bravo, Tom. Bordel, ça me rappelle de sales souvenirs de moi en sport, essayant vainement de sauter un par un les immenses obstacles en athlétisme.
Tu m'étonnes que j'étais nul.

Enfin bref. J'ai pas pu me retenir, ce tronc d'arbre à la con m'a fait si mal au pied que j'ai gueulé un juron, en me mordant la main.
Le problème, quand on est en fugue dans la forêt du Nord, c'est qu'il y a plus de flics que d'arbres au mètre carré.
Alors gueuler quand on a mal, c'est franchement pas malin.

Je vous jure, j'allais me casser à toute vitesse. Je me devais de courir le plus rapidement possible et de me planquer.
J'allais tout de même pas tout ruiner pour une merde de tronc d'arbre!
Mais là, j'ai entendu un espèce de soupir étouffé, du genre inaudible, émanant de deux buissons de houx.
Ça ne pouvait décidément pas être un flic.
Les flics dans cette foutue forêt ne dorment jamais. Je crois qu'ils ont des stupéfiants pour tenir, sinon, ça serait impossible.

Et donc, j'ai tenté de fuir. C'est vrai, qu'est ce que j'en avais à foutre, de qui pionçait au milieu des branches et des feuilles mortes?
Quand soudain d'une voix endormie, j'ai entendu un truc bizarre. Un espèce de son, étouffé par le sommeil et assez rauque et dur, comme de la pierre. Un ensemble de mélodies qui, toutes assemblées en une, donnaient un son admirablement perturbant.
Peut être que c'était beau à entendre.

Elle s'est levée, et je ne sais pas pourquoi, mais dans son physique de fille maigre éméchée par le manque de sommeil, dans ses yeux bruns et ses cheveux noirs, j'ai reconnu un truc. Une vague phrase d'une de ses lettres.
"J'en sais rien de comment je me décrirai! T'as l'air bien formel, toi, avec ton "un mètre quatre vingt, des cheveux bruns et des yeux de la même couleur, sinon plus clair. Mince. Normal." Comme si t'étais la chose la plus banale et uniforme au monde! Ça m'a fait rire.
Je sais pas à quoi je ressemble, tu me prends un peu au dépourvu. De façade, je dirais que j'ai les cheveux noirs et raides, les yeux marrons, des yeux banals, sans profondeur et sans paillettes dedans. Puis c'est tout ce que je saurai te dire. De toute façon à quoi ça pourrait te servir? Tu n'as pas besoin de connaître l'extérieur, tu sais déjà tout ce que je contiens à l'intérieur. Me semble que c'est plus intéressant."
Je me rappelle de cette lettre. Elle m'avait exaspérée. Comment peut-on être aussi gnangnan? Le physique, ça compte. C'est ce que t'es, ce que les autres voient de ta personne.
Ouais, enfin ça, c'est ce que l'autre Tom pensait et dirait à coup sûr. L'ancien Tom.

Le Tom qui n'avait à l'évidence, pas passé six mois de sa vie dans une putain de cave humide, avec comme seule occupation ses pensées ternes, entourés de rats, de termites, et d'humains fades et inintéressants. Gentils ça c'est sûr.
Mais vous pensez vraiment que la gentillesse fait tout?
Bordel, la gentillesse c'est comme une enveloppe. Elle préserve les autres de ce que vous contenez à l'intérieur.
Lil est gentille. Moi je n'ai pas besoin de l'être. Je ne veux pas vraiment préserver les gens de l'énorme vague de complexités qu'il y a en moi.
De tout ça.

J'ai compris que c'était elle. C'était trop facile à deviner. Et ça m'a donné envie de rire, (ce qui d'ailleurs n'était pas arrivé bien souvent en six mois), parce que ma Lil n'est pas intuitive. Elle voit les arbres avant la forêt. Chaque détail l'amène à la conclusion.
Moi, c'est le contraire.
Bref, j'ai souri, et sans rire, et j'ai attendu qu'elle devine.
Vous auriez vu ses yeux. Un spectacle sans pareille.

Je sais pas pourquoi, mais en une fraction de seconde, je me suis retrouvée entre ses bras osseux et froids.
Es ce que cette fille se rend compte que personne ne m'avait jamais fait de câlins?
Les humains normaux sont admirables. Ils vous font faire des choses folles sans s'en rendre compte.

Lettre par lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant