Lil - Partie 2

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Cimcim à Mel pour la photo dont je me sers de bannière, elle est magnifique. Merci encore de me l'avoir envoyée

Chansons écoutées en l'écrivant:
•She's American| Lostmyhead | Somebody Else - the 1975💝

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Il est tard dans la nuit.
J'ai super froid, mon blouson en jean est déchiré de partout et il laisse passer l'air gelé sur ma peau découverte.
Je me cache dans la pénombre, avançant à tâtons.
Il faut que je fasse gaffe. Au moindre bruit, les flics cachés un peu partout entre les arbres peuvent me chopper.
Je marche le plus silencieusement possible, retenant mon souffle.
C'est un peu épuisant de rester aussi silencieuse, de faire attention à ses moindres mouvements sans arrêt. Si ça ne tenait qu'à moi, je marcherai le plus vite possible, sans courir, histoire de garder de l'endurance.
Mais là, je me ralentis. À ce rythme, je ne sais même pas si je serais au Nord dans un mois.
Je me dirige vers un endroit plus calme de la forêt, plus isolé.
Mes jambes, et tout l'ensemble de mon corps est transi par le froid. Tout ce que je ressens, c'est des frissons gelés qui parcourent doucement mon dos, glaçant tout mon être.

La neige recouvre une bonne partie du sol, désormais. L'hiver approche.
Je continue à avancer, très déterminée: je dois absolument dépasser la frontière du Centre avant ce soir. Dieu merci, elle sera bien moins contrôlée par les flics que celle de l'Est.
J'ai tellement risqué ce soir là.
Je me repasse les images en boucle dans ma tête. Ma chute, mon genoux qui se cogne violemment contre le sol trempé par la fonte de la poudreuse, le sang, le picotement de ma peau brûlée.
Et moi qui cours, les cheveux au vent, un poids énorme dans le ventre, et un flot incontrôlable d'adrénaline dans mes veines.
Je m'en rappelle tellement bien...

Tout en marchant, je passe un doigt sur ma blessure.
Aïe.
Elle est encore à vif. Je pense qu'elle est infectée, aussi. Mais ça fait partie du pari. Je ne peux pas me plaindre de la douleur, ou de quoi que ce soit d'autre. Je me dois juste d'avancer, encore et toujours, sans jamais m'arrêter, sans jamais cesser de courir quand les policiers me remarquent. Le but, c'est d'y arriver.

La nuit est sombre, il fait si noir, et je ne vois plus rien.
Il n'y a vraiment personne dans cette foutue forêt. Je m'attendais à ce que tout le monde y soit! Que tout le monde aie envie de fuir.
Apparemment, je suis la seule folle qui a décidé de s'y risquer.

Soudain, je réalise que je ne suis plus concentrée sur mes pas et que je fais beaucoup trop de bruit.
J'essaie de me reprendre, mais je suis trop maladroite.
J'écrase une brindille, puis encore une autre.
Comme personne ne dit rien, je continue d'avancer, les yeux rivés sur ce que je crois être l'horizon.

-Eh toi là!
Je pivote vivement, faisant voler mes cheveux emmêlés tout autour de moi.
La personne devant moi est tapie dans la pénombre.
Honnêtement, je meurs de peur.
Mon cœur cogne dans ma cage thoracique, et j'ai bien l'impression que mes pupilles se sont très clairement dilatées.
-Ouais?
J'imagine qu'il doit me regarder d'un air mauvais, mais il fait si sombre que je distingue à peine la plupart des traits de son visage.
-Qu'est ce que tu branles? On t'as pas dit que c'était interdit, de sortir de chez toi? C'est la guerre, petite conne. T'es pas en promenade.
Je lève mes yeux vers lui. Je ne ressens rien. Je suis juste fatiguée des gens.
-Comme si j'étais pas au courant.
Je hausse les épaules et tourne les talons.
C'est fou comme les évènements tragiques peuvent nous changer. Avant la guerre, la disparition de mes parents, et de tout mes amis, j'aurais été plus que blessée par ses paroles. Elles auraient rabaissé quelque chose en moi.
Avant, je me suis toujours définie comme ultra sensible, ultra susceptible.
Mais avec toutes ces blessures, je n'arrive plus à rien ressentir.
Mon cœur est fatigué.
-Ça va, fais pas ta fille saoulée par la vie en règle générale. Je t'informe juste que t'es débile de faire ça.
On peut t'attraper et te foutre en taule à n'importe quel moment. Et je te raconte même pas ce qu'ils font aux prisonniers. (À ce moment là, il éclate d'un rire banal et mauvais, et la seule chose sur laquelle je suis capable de me concentrer, c'est ma mère et mon père. L'angoisse cogne contre ma poitrine) C'est vraiment sale! Ils les mettent sur des chaises électriques, ou alors ils les pendent. Ça c'est plus au Sud tu vois... Après, j'ai entendu dire qu'à l'Est...
Je bondis sur mes pieds.
-Ferme la! Je t'en supplie ferme la! Tu veux pas te casser et me laisser tranquille?
Je n'attends même pas sa réponse, et je me met à courir, le plus vite possible, sans me soucier une seule seconde du bruit que je fais.
Des photos de famille tournent dans ma tête, en boucle, sans jamais s'arrêter. La voix de maman. La voix de papa.
Les souvenirs s'entrechoquent violemment dans mon esprit, comme des bombes qui sautent après trop de temps passé à être repoussées.

Lettre par lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant