VII - II Le moment des adieux

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Je n'en crois pas mes oreilles. Alors que je viens à peine d'intégrer ma nouvelle identité, Ebna m'annonce que nous devons quitter ce monde, ce qui signifie que je ne reverrais plus jamais mes amis. Comment pourrais-je faire ça à Ethan, lui qui a renoncé à vivre avec ses parents pour rester à mes côtés? Je ne peux pas... Ça m'est impossible... Je ne peux pas lui dire adieu... Je vais pour répondre à Ebna et lui faire part de mes ressentis mais les mots ne veulent pas sortir. Au fond de moi je sais que si je reste j'expose mes amis à un grand danger et ça je ne le veux pas. Je ferme les yeux, laisse couler quelques larmes sur mes joues avant de me lever et de me rendre dans ma chambre pour y pleurer après m'y être enfermée. Je baisse mes volets, verrouille mes fenêtres et éteins la lumière puis je laisse les larmes couler à flots. J'entends mon téléphone vibrer et sonner encore et encore mais je n'y touche pas, je le laisse sonner avant de finalement l'éteindre pour m'isoler totalement et éviter de le jeter dans le mur. L'air ambiant de ma chambre se refroidit, de la glace apparaît sur les murs et sur les fenêtres, une tombée de neige se déclenche pour se transformer en un énorme blizzard à l'intérieur de ma chambre. J'active ma forme loup-garou pour me tenir chaud et me glisse sous les couvertures. Je pleure encore et encore, j'entends la voix d'Ethan qui m'appelle depuis la rue mais je ne réponds pas, je n'en ai pas la force. De l'autre côté de ma porte j'entends Kana m'appeler elle aussi, à la manière d'une grande soeur qui s'inquiète pour la petite soeur mais je l'ignore également. Je vais même jusqu'à geler la porte pour bloquer son ouverture et recommence à pleurer, j'évacue ma tristesse et ma douleur, je hurle dans mes oreillers, je sers mes draps à en blanchir mes mains. Je souffre, j'ai mal de savoir que je serais obligée de dire adieu à mes amis et à ma vie dans ce monde. Je n'arrive pas à m'y faire et je continue à pleurer pendant des jours et des jours.
Chaque jour Kana vient toquer à ma porte en espérant que je lui ouvre. Puis c'est Ebna qui essaye à son tour pour que je me nourrisse ne serais-ce qu'un peu. Ethan continue de hurler mon prénom pendant plusieurs heures tous les jours mais rien n'y fait, il a même tenté de passer par ma fenêtre mais a échoué et a repris ses plaintes en criant mon prénom. Miry tente également de me raisonner et de me réconforter mais je l'envoie balader à chaque fois. Lucas aussi s'inquiète beaucoup, il passe de temps en temps à l'appartement pour essayer de me faire sortir de ma grotte mais repars toujours en n'ayant eu aucune réponse de ma part.

C'est finalement au bout de deux semaines que je daigne sortir de ma chambre et rien sur le plan physique ne laisse croire que je me suis laissée mourir de faim pendant deux semaines. Mais même si je suis sortie de ma chambre je ne parle pas pour autant. Je vois bien qu'Ebna et Kana sont mortes d'inquiétudes, tout comme Lucas qui tente par tous les moyens de me faire parler, ne serais-ce que pour l'engueuler mais rien ne fonctionne, je reste muette comme une carpe, sans aucune émotion sur le visage, le regard fixé sur l'écran de la télé de jour comme de nuit. Je n'ouvre la bouche que pour dormir ou pour laisser quelques sanglots s'échapper la nuit. Miry passe son temps à essayer de me faire parler mais elle n'obtient de ma part que des soupirs, et encore.

Ce n'est seulement qu'après un mois à me torturer l'esprit que je rallume mon téléphone et lis tous les messages que j'ai reçu. Puis j'écoute les dizaines de messages vocaux que mes amis m'ont laissé et je souffre encore plus. Tous sont inquiets pour moi, d'après Lilo Ethan ne vit même plus que pour hurler mon prénom. Puis un soir je surprends une conversation entre les deux entykaennes. Kana parle à Ebna de notre départ qui est prévu pour dans une semaine et la supplie de le prolonger d'une ou deux semaines de plus mais Ebna refuse en lui disant que ça ne ferait que mettre nos amis et nos proches encore plus en danger. C'est à ce moment que je prends une décision: je profiterais de cette semaine à fond pour avoir une vie d'adolescente normale, puis je ferais mes adieux et je partirais pour le monde d'Entyka.
C'est donc de bonne humeur que je retrouve ma mère et ma soeur le lendemain matin dans la cuisine. La première chose que je leur dis est que j'ai pris ma décision.
- J'accepte de partir pour Entyka dans une semaine mais je veux pouvoir vivre ma dernière semaine dans ce monde en tant qu'adolescente normale. Sans pouvoirs, sans formes. Juste une adolescente normale. Déclarais je bien décidée à profiter de ma dernière semaine avec mes amis.
Ebna réfléchit quelques minutes avant d'accepter mes conditions et de faire apparaître un bracelet qui bloquera tous mes pouvoirs pour que je redevienne "humaine".
- Ce bracelet te permettra de rester sous forme humaine tant que tu l'auras au poignet. Ne l'enlève que si tu en éprouve le besoin. Dès qu'il quittera ton poignet ton aura redeviendra celle qu'elle est réellement. M'explique t-elle en me passant ledit bracelet autour du poignet. Celui-ci est un bracelet en cuir qui recouvre la moitié de mon avant-bras, un symbole étrange est gravé dessus. Ça ressemble à un dragon enchaîné à un arbre. Je comprends alors ce qu'il signifie : ma puissance est enchaînée à ce bracelet, si je l'enlève elle sera délivrée et si je le remet elle sera de nouveau enchaînée. J'inspire un grand coup et me prépare à vivre ma dernière semaine avec mes amis. Je n'en avais pas conscience lorsque je me morfondais mais nous sommes déjà mi-juin et les examens de fin d'année commence cette semaine. On dirait que j'ai choisi la meilleure semaine pour sortir de mon trou... Je soupire et lance un regard à Kana qui lui fait comprendre que nous devons nous rendre au lycée si nous ne voulons pas être recalées dès la première épreuve.

Entyka's Books T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant