Vivre ailleurs (TERMINÉ)

10. Journal d'une fille qui ne pense qu'à lui...

Marie, Lorenzana, Samedi 30 juillet 1988

Julie est venue nous chercher avec son père à la gare de Florence. Quand elle a aperçu Enzo à la place de Sarah, elle a eu un mouvement de recul. Sangha lui a alors expliqué que Sarah n'était pas à la gare et qu'Enzo était un copain de vacances de l'année dernière. Mais pas plus que lui, elle n'a cru à cette version. Julie et moi, on se dit tout, alors si j'avais passé l'été dernier avec un si beau garçon, elle en aurait été la première informée. Elle a finalement fait un signe vague qui devait être un bonjour à Enzo tout en me trucidant de son regard inquisiteur, du genre « mais qu'est-ce que c'est que cette nouvelle embrouille ? »

« Je te raconterai tout une fois arrivés », lui ai-je soufflé à l'oreille.

Car Enzo m'a confié son histoire au petit matin et l'été s'annonce des plus intrigants. Tu peux me croire, petit cahier...

Lundi 1er août 1988

Maison magique, collines vertes et jaunes à pertes de vue, ballots de paille géants, oliviers, grillons, j'aime les Italiens, il crève de chaud, on est dans l'eau toute la journée et le soir on parle des heures en regardant les étoiles. Je n'ai toujours pas de nouvelles de Sarah, ni d'Enzo. Je ne fais que penser à lui. Pas le temps de m'isoler pour t'écrire ce qu'il m'a dit dans le train. Pourquoi n'est-il pas venu au rendez-vous que nous avions fixé avant de se quitter à la gare ? A-t-il réussi à venir jusqu'à Lorenzana ou s'est-il fait prendre par la police ? Est-il retourné en France ? C'est dingue, je le connais à peine et je m'inquiète quasiment plus pour lui que pour Sarah. J'en ai un peu honte mais je crois qu'Enzo me plait. Quand je pense à lui, je me sens toute chose. J'ai les mains moites et mes jambes se transforment en coton. Une sensation de chatouillis m'envahit tout le ventre. J'ai chaud, j'ai froid. C'est un état vraiment bizarre. Je n'ai jamais ressenti cela. Je ne sais pas si ça me plait ou pas.