13. Journal d'une fille qui change d'avis sur sa mère...

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Marie, Lorenzana, Lundi 8 août 1988

J'ai eu Maman au téléphone. Elle voulait me prévenir qu'elle avait réussi à avoir des nouvelles de Sarah. En fait, les quelques jours passés avec sa mère à Paris se sont très bien déroulés d'après ses grands-parents. Tellement bien que le copain de sa mère leur a proposé de garder Sarah avec eux pour leurs congés et de partir tous les trois en camping-car. J'imagine la joie de Sarah. C'est la première fois qu'elle va en vacances avec sa mère ! Alors, la Toscane et les copains, à côté... même si elle a du avoir un petit pincement au cœur à l'idée de nous laisser tomber, ça ne faisait pas le poids dans la balance. Je la comprends ma Sarah. Qu'elle profite de sa mère. C'est important, une mère. C'est dingue, je n'aurais pas pensé pouvoir dire ça un jour, mais Maman me manque. Elle me manque. Je m'ennuie d'elle, de sa douceur, sa discrétion. Entendre sa voix au téléphone m'a donné envie de la sentir prés de moi, comme à la maison. Elle n'est jamais loin, toujours disponible. J'ai été injuste envers elle. Elle est pas très fun, ma mère, c'est vrai, mais elle est présente, une présence transparente, mais elle fait de son mieux. Regarde Sarah, elle souffre tant de ne pas vivre avec sa mère. Et Julie... Moi qui vénérais Françoise, je me rends compte aujourd'hui qu'elle n'est pas si cool que ça. Elle semble toujours en concurrence avec sa fille. Comme si elle avait peur qu'en grandissant Julie devienne plus belle, plus sympa, plus heureuse qu'elle. C'est sûr qu'elle en jette la mère de Julie, mais il faut vivre à ses côtés pour voir qu'elle en rajoute toujours. Comme si elle avait peur que le bonheur retombe si elle s'arrêtait d'agir. Elle veut être parfaite en tout. Jolie, bien habillée, décontractée, bien vue par ses beaux-parents, aimée de son mari, adulée de ses enfants, appréciée et admirée par tout le monde. Alors, elle devient super maman, meilleure copine des amies de sa fille, complice des petites copines de son fils, merveilleuse épouse, incroyable belle-fille. Elle joue à la Wonder Woman en fait, et elle est tellement obsédée par ce besoin de plaire qu'elle en oublie de s'arrêter pour laisser un peu de place à sa fille et la regarder grandir. Je comprends maintenant pourquoi Julie traîne avec nous. On n'est pas des super-héros nous, on est tout le contraire, des loosers, des mis de côté volontaires. En marge. Mais, au moins, on n'est pas en compétition. On est vrais, nous, pas en représentation permanente. Il faudrait que j'aie le courage de lui dire à Julie, ce que je viens de capter sur sa mère et elle. Lui dire que je l'aime et qu'elle est belle, aussi belle que sa mère, plus même, et qu'elle a le droit de grandir. C'est pas sa faute si sa mère le vit mal. Mais, on ne se parle plus trop, en ce moment. On a du mal à communiquer. Elle est tellement jalouse d'Enzo...

Vivre ailleurs (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant