Aujourd'hui je ne compte rien faire. On est mardi et je repars vendredi... la tuile! Il faut que je bosse un peu sur la prochaine exposition que nous proposerons à la galerie. Ophelie, ma patronne et amie, a découvert cet artiste islandais vivant à Paris depuis quelques années. Ses œuvres sont vraiment intéressantes de par leur originalité, leurs plans improbables et la saturation des couleurs... c'est un mélange d'effets très atypiques qui forment un tout unique. Moi aussi j'aimerai avoir ce petit quelque chose en plus, une certaine signature artistique.
Depuis que je me suis mise au sport, Ca fait 8 jours maintenant, je sens déjà les effets sur mes muscles, mon maintient et ma forme générale se sont améliorés, en bref, je ne me suis jamais sentie aussi bien physiquement.
La météo de ce matin est affreuse si bien que je décide de remplacer mon footing par une séance de corde à sauter.
C'est fou comment ce qui me paraissait facile en primaire m'apparaît comme super fatigant aujourd'hui!
Toc toc toc
Rho qui peut bien vouloir nous rendre visite un mardi matin?
Je lâche mon instrument de torture, enfile un gilet et c'est dégoulinante de sueur que je pars ouvrir.
Mes parents ne sont pas présents, ils ont profité du temps pour aller au cinéma puis restaurant entre amoureux. Mignons n'est ce pas?J'enlève la chaîne retenant la porte puis la déverrouille laissant apparaître un homme trempé, une capuche trop grande lui cachant le visage.
- Ken?
Le garçon relève les yeux vers moi et me demande, la voix hachée par les grelottements:
- Salut... je peux entrer?Je m'écarte lui indiquant d'emprunter les escaliers jusqu'à la chambre au fond du couloir.
Lorsqu'il pénètre dans ma petite chambre, je le sens se détendre et regarder les décorations aux murs, les photos, les posters d'anciens groupes de musique de mon adolescence. Je n'ai jamais voulu refaire la décoration estimant que c'est ici ma chambre d'enfance et que cela devait le rester. Son regard s'attarde sur mon étagère remplie de livres. Il les contemple en effleurant quelques reliures. Son chemin silencieux se tourne ensuite sur la mosaïque de photos en noir et blanc qui tapissent le dessus de mon lit. Je sens mes jours rosir par la gêne que provoque son regard sur mes premiers clichés.
- C'est joli, elles sont de toi?
Il se tourne vers moi attendant ma réponse. Il devra se contenter d'un hochement de tête car je suis trop embarrassée pour émettre un seul autre son. J'aime bien celle-là. Il désigne l'unique image sur laquelle je suis. Elle date de trois ans pendant les vacances d'été. J'avais été autorisée à partir en vacances sans mes parents pour fêter le bac. Nous étions avec la bande et Marine à Marseille. La photo dont parle Ken à été prise lorsque l'on se baignait dans les Calanques. Les plus beaux moments de ma vie. Je souris à ce souvenir ce qu'il remarque avant de baisser une nouvelle fois la tête.- Je voulais m'excuser pour l'autre fois... je t'ai mal traité et je m'en rend compte. C'est juste que j'aimais vraiment cette personne que je pouvais être lorsque tu ne savais pas pour moi. Son regard se perd dans le vide.
- Pour moi ça ne change rien, tu restes l'inconnu du train, ce que tu fais dans la vie ne te détermine pas, tu es bien plus qu'un simple rappeur populaire. Mes mots semblent le rassurer. Il marque une pause puis son sourire s'étire laissant apparaître ses dents blanches:
- Un "simple rappeur" tu dis? Je rigole doucement puis me met à hurler lorsqu'il m'attrape pour me jeter sur le lit. Tu vas voir si je ne suis qu'un "simple rappeur" mon point faible: les chatouilles. Je me débats tant bien que mal en criant et rigolant à la fois.
- Ken!... Arrête ça!... Mes cris ne semblent pas l'arrêter le moins du monde, au contraire, plus je le supplie, plus il se déchaîne contre mes côtes.
- Alors? Il est comment le petit rappeur maintenant? Ses mains se retirent de sur mon ventre et il s'éloigne de moi pour s'assoir en tailleur sur mon lit.
- Espèce de gamin je lève les yeux au ciel ce qui lui vaut un nouveau sourire provocateur... oh non.
Je saute de mon lit et sors de ma chambre, lui à mes trousses. Je rigole et panique à la fois, cela me rappelle lorsqu'on jouait au loup à l'école. Il va me rattraper et je viens de faire le pire choix stratégique possible: essayer de me cacher derrière les rideaux. Quelle conne!
- Julie... il faut vraiment que tu revoies tes planques. À ces mots deux mains me saisissent et je sens mes pieds quitter le sol avant d'atterrir sur son épaule le cul en l'air. Je m'en fout et rigole pendant qu'il m'emmène jusqu'au canapé où il me jette sans ménagement.
C'est ainsi que nous avons passé près d'une demi heure, à nous courir après comme des enfants, nous chamailler et rigoler ensemble.
- Tu veux voir un film? Je propose lorsque nous reprenons notre respiration et essayons de récupérer un semblant de pulsation cardiaque.
- Ca marche mais pas un film à l'eau de rose, un bon film d'action! Je le laisse choisir et installer ce qu'il veut pendant que je vais faire exploser du maïs. Une fois les pop corn prêts je retourne au salon où je vois Ken allongé de tout son long sur le canapé.
- Ca va, je te dérange pas trop? Je m'approche et lui fait signe de se décaler mais il prend mon Bras et le tire vers lui si bien que je tombe sur lui. Je sens que si je proteste je vais encore finir attaquée par les guilis donc je préfère m'allonger avec lui derrière moi, son Bras me retenant de tomber.
- Oh Non pas Rambo, t'es pas sérieux!
- Best film ever! Y'a pas mieux!
Nous voila parti sur une heure et demi de commentaires sur un film que nous connaissons tout les deux par cœur et dont nos avis sont complètement opposés, d'où notre grand débat.
Une fois le film terminé j'éteins tout et me rassois sur le canapé. Ken m'observe un instant puis dit:
- Il va falloir que je reparte.
- Je me doutais que tu ne serais pas resté pour une soirée pyjama.
- Non je veux dire, il va falloir que je retourne sur Paname. Mes potes sont rentrés ce matin, moi je voulais mettre les choses au clair avec toi mais j'ai un train à 19h ce soir.
Ce qu'il me dit fait l'effet d'un vide en moi. Je ne sais pas quoi dire. Alors il reprend:
- J'espère qu'on pourra se revoir Quand tu retourneras sur Paris, se faire des réssois Avec la bande et tout...
- Oui des soirées Avec vous ça doit être fous
- t'inquiète on est des chauds bouillants nous. Prêts à foutre le bordel comme un Rolling Stone il me fait un clin puis me dit au revoir avant de partir.