Chapitre 3

1.6K 110 36
                                    

Pendant mon trajet je ne cesse de penser à ce mystérieux garçon, je vais paraître bizarre mais je veux le revoir. Il a quelque chose de différent, c'est vraiment troublant. Pourquoi m'a-t-il défendu, moi le souffre-douleur du lycée, je ne comprends pas, surtout qu'on ne se connait ni d'Adam ni d'Ève. Il a gâché de son temps pour moi, si c'est par pitié qu'il a fait ça, il peut oublier son geste, je ne suis pas infirme, seulement pas comme les autres. Je commence à me faire des films tout seul alors qu'on ne s'est même pas encore parlé. La voiture s'arrête, mon cœur se serre à nouveau et ma respiration devient irrégulière, ça recommence. Retourner dans cet établissement ne m'enchante pas du tout, je veux rentrer. Ma peur est toujours aussi présente, ma tante me dévisage très vite et comprends mon état. Elle me dit que je ne dois pas m'inquiéter, que l'école sera plus vigilante envers moi et qu'il est hors de question que je me retrouve seul. De plus, mon statut "d'handicapé" est pris très au sérieux, seulement c'est que maintenant qu'ils s'en rendent compte, pathétique. Avoir une étiquette pour être pris sérieusement en main, quelle ironie peut-on dire, franchement, ça me fait mal au cœur de voir cette triste réalité. Si seulement cet accident ne s'est pas produit, mon esprit radote encore sur ça, impossible d'avancer sans y penser une seule fois, c'est agaçant.

          

Je descends de la voiture qui est garé devant l'entrée du lycée, mon accompagnateur m'attends devant les grilles, l'air compatissant. Je stresse à mort, on va me coller aux basques toute la journée, je n'aime pas être surveillé tout le temps comme un cobaye. Je m'avance vers lui avant que le véhicule de ma tante ne démarre et s'en aille, la journée va être pesante, génial. Mon accompagnateur me salue avant de me demander si ça va, alors qu'avant il ne m'a jamais rien demandé. De ce que me dit mon interlocuteur, les élèves qui s'en sont pris à moi s'en sont sorti avec une simple exclusion et ils sont toujours là. A part ça, je ne suis pas stressé, tout va bien... Non je suis mort de peur rien qu'à me dire que je peux les revoir à tout moment. En temps normal, je n'accorde aucune importance à ce genre de personne, mais quand tu te fais agresser et passer à tabac, tu vois les choses différemment.

Je me dirige vers ma salle de cours, les élèves ne sont pas encore là, tant mieux. Je veux attendre à l'intérieur, le professeur d'histoire est là, je souffle rien qu'à l'idée que je ne suis pas envahi par les regards de mes camarades. L'enseignante m'adresse un sourire compatissant et me laisse m'installer sans rien dire, que je déteste les gens qui ont pitié comme ça, c'est à gerber. Sérieusement, je ne m'apitoie pas sur mon sort en public non plus. Pendant le temps d'avance que j'ai, j'en profite pour sortir mon carnet de dessin et me voilà dans ma petite bulle temporaire, je laisse mes pensées s'évader. Je laisse mon critérium créer de nouvelles formes, un environnement, des personnages, des ombres, de la lumière, des objets... J'ai réussi à faire deux belles esquisses, j'en profite pour en faire deux autres, mais là, je me suis stoppé net vers la fin du second portait. Je regarde le portait de plus près avant de rester sans voix sur ma découverte, le visage de ce mystérieux garçon qui m'a sauvé un matin, j'ai dessiné son portrait sans le vouloir, décidément il ne laisse pas indifférent, je vais finir par croire que je l'ai dans la peau. Enfin qu'est-ce que je raconte, moi, ça ne va pas la tête, me voilà en train de fantasmer sur un mystérieux inconnu que je ne connais de nulle part, j'en profite pour ranger mes outils de dessins car je vois mes camarades arriver et je n'ai pas envie qu'ils fouinent sur ce que je fais. Aucun ne m'adresse un regard ou certains laissent paraître une stupéfaction, c'est vrai que j'ai été absent un moment aussi c'est normal. Malgré cela, ça attire l'incompréhension de mon accompagnateur qui commence à me harceler de question, toute aussi stupide l'une que l'autre.

Seulement, je n'ai aucune réponse à lui donner, je n'en sais rien et je m'en fiche pour tout avouer, ça ne va pas m'empêcher de dormir. Des fois je me demande s'il réfléchit ou s'il ne fait pas exprès de poser ce genre d'interrogatoire idiot, je me pose la question. Par moment je veux disparaître et qu'on me laisse tranquille, j'en ai un peu marre d'être un sujet de foire ou d'interrogation. Tout ce que je demande c'est qu'on me fiche la paix, et qu'on me laisse déprimer dans mon coin. À quoi ça sert de vivre si je n'entends plus aucun son, honnêtement ? Je suis mes cours car c'est important, mais je n'aspire à rien sauf à dessiner et à m'enfermer dans ma bulle comme un rêveur. Le reste du temps, j'ai l'impression qu'une partie de moi est mort et que l'autre moitié fait tout pour survivre. On va penser que j'exagère, que noircis le tableau, mais c'est comme ça que je vois ma vie. Est-ce que quelqu'un qui est atteint de surdité à une chance d'avoir une vie normale ? Je ne le pense pas, sauf si un miracle lui tombe dessus. Je m'inquiète pour mon avenir, bien que ma tante m'ait dit que je peux continuer à vivre comme n'importe quelle autre personne. Ça y est j'ai le moral à zéro à force de penser à tout ça, je n'ai plus qu'à me concentrer sur le cours et puis je vais dessiner à ma pause.

Le rêveur (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant